Previously. L’Etat israélien existe depuis 70 ans. Le 14 mai 1948, David Ben Gourion proclame la naissance du pays. Selon le calendrier hébraïque, cet anniversaire tombe, cette année, ce jeudi 19 avril. Le récit national israélien s’est écrit à partir de ce jour-là, mais son histoire a commencé bien avant.
Lancées ce mercredi soir, les festivités vont durer 70 heures, partout en Israël. Le long du littoral, sur les rives du lac de Tibériade, de la mer Méditerranée ou de la mer Rouge, au total, les célébrations vont s’étendre sur 70 kilomètres. 70, pour commémorer les 70 années d’existence d’Israël.
Le 14 mai 1948, selon le calendrier grégorien, Israël proclame sa naissance. Dans le calendrier hébraïque, cette date a lieu ce jeudi. Elle est le résultat d’un long processus.
La fuite des persécutions russes
A la fin du XIXe siècle, l’Europe est agitée par des mouvements nationalistes. Les juifs sont établis un peu partout sur le continent, mais la majorité vit en Russie. Face aux pogroms antisémites perpétrés par l’Empire tsariste, ils fuient. Le sionisme émerge, notamment avec Léon Pinsker, médecin à Odessa, et son essai publié en 1882, Autoémancipation, avertissement d’un juif russe à ses frères, un manifeste pour une solution nationale à la question juive. L’émigration vers la Palestine commence. Au fil des années, elle augmente : ils sont environ 80 000 à s'installer sur la terre promise à la fin de la Première guerre mondiale.
La déclaration de Balfour ouvre la porte à la création d’Israël
Le 2 novembre 1917 marquera une étape importante dans l’histoire du sionisme. Arthur Balfour, le ministre des Affaires étrangères britannique, écrit et annonce dans une lettre "l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour le peuple juif ". C’est la première fois que le sionisme bénéficie de la garantie d’un Etat, d’autant plus de la Grande-Bretagne, l’une des grandes puissances mondiales. Cette lettre est envoyée à Lionel Walter Rothschild, un puissant banquier anglais, un des leaders de la communauté juive britannique, qui est aussi le président de l'antenne sioniste anglaise.
Pour quelles raisons les Britanniques créent-ils ce foyer en Palestine ? Les historiens ont plusieurs explications.
- Lord Balfour, par ce geste, souhaite s’assurer du soutien de la communauté juive britannique et d’Amérique du Nord, et ainsi faire rentrer les Américains dans la guerre.
- Une autre explication pourrait être la volonté du gouvernement anglais d’établir une colonie de peuplement, a priori pro britannique, à deux pas du canal de Suez.
La déclaration de Balfour est validée quelques années plus tard, en 1922, par la Société des Nations, qui, dans la foulée, donne au Royaume-Uni un mandat sur la Palestine, c’est-à-dire son administration.
Mais les Anglais s’étaient aussi engagés auprès des arabes, en leur promettant un Etat indépendant. Cette époque marque les prémices du conflit qui dure jusqu’à aujourd’hui.
Dans l’entre-deux-guerres, les révoltes sanglantes arabes se succèdent contre les Britanniques et contre l’immigration juive. Immigration qui s’amplifie face à l’antisémitisme croissant en Europe. La Seconde guerre mondiale et le génocide juif qui tue 6 millions de personnes accentuent les mouvements vers la Palestine. La population arabe le vit comme une invasion. Au sortir de la guerre, le territoire compte environ 553 000 Juifs pour 1 240 000 Arabes.
Des Britanniques impuissants
La situation en Palestine s’embrase. Les soldats britanniques n’arrivent pas à faire face à la révolte sioniste et à la révolte arabe. Devant cette escalade de la violence, et aussi parce que le Royaume-Uni est ruiné par la guerre, ce mandat lui coûte très cher. Ernest Bevin, ministre des Affaires étrangères, décide en février 1947, de porter la question palestinienne devant l’Organisation des Nations unies.
Le 28 avril 1947, une commission spéciale des Nations unies sur la Palestine voit le jour, composée de 11 émissaires de 11 Etats membres, présidée par un juriste suédois. Les archives de l'ONU relatent les intitulés des entretiens réalisés pour cette mission, qui a pour but "d’enquêter sur toutes les questions touchant le problème de la Palestine et de recommander des solutions que l’Assemblée examinerait à sa session ordinaire en septembre 1947", comme le détaille le site de l'ONU, qui ajoute :
Si les organisations juives ont coopéré aux délibérations de la Commission spéciale, les dirigeants palestiniens de la Commission suprême arabe ont décidé, eux, de ne pas y prendre part, faisant valoir que l’ONU avait refusé d’examiner la question de l’indépendance et n’avait pas dissocié le problème des réfugiés juifs d’Europe de la question de Palestine.
L’enquête de la commission spéciale des Nations unies sur la Palestine dure trois mois et se déroule en Palestine, mais aussi au Liban, en Syrie, et en Transjordanie, ainsi que dans les camps de déplacés en Allemagne et en Autriche.
Les émissaires de cette commission assistent notamment en juillet 1947 à l’arrivée du bateau l’Exodus, sur les côtes palestiniennes. A son bord, 4 500 rescapés de la Shoah, qui veulent rejoindre illégalement la Terre promise. Mais avant de pouvoir accoster, les autorités britanniques encerclent le bateau et le renvoient par la force en France puis en Allemagne. Les Britanniques veulent ainsi freiner l’immigration juive en Palestine, pour ne pas se mettre à dos les Arabes et tenter de maintenir une paix précaire.
Mais l’épisode de l’Exodus a un impact important sur la communauté internationale, et par ricochet sur les membres de la commission de l’ONU.
Le 29 novembre 1947, l’ONU met fin au mandat britannique en Palestine et se prononce en faveur de la création d’un Etat juif et d’un Etat palestinien, avec Jérusalem restant sous contrôle international. La résolution 181 est adoptée par 33 votes pour, 13 contre, et 10 abstentions.
Archive du résultat du vote à l'ONU en 1947
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La naissance d'Israël
Quelques mois plus tard, le vendredi 14 mai 1948, le mandat britannique prend fin et les troupes quittent la Terre sainte.
A 16 heures, soit 8 heures avant la fin officielle du mandat, la naissance de l’Etat hébreu est proclamée à Tel Aviv, par David Ben Gourion, alors président du Conseil national juif.
Discours de Ben Gourion le 14 mai 1948
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Nous sommes solennellement réunis, nous, les membres de l'assemblée du peuple, représentants des juifs de Palestine et du mouvement sioniste, en ce jour de la cessation du mandat britannique. En vertu de nos droits naturels et historiques et de la résolution des Nations unies, nous proclamons la création d'un Etat juif sur la terre d'Israël.
Quelques jours plus tard, Ben Gourion affirme, en français, que "la résurrection d'Israël est le fruit de l'héritage du prophète d'Israël et de l'espoir de notre peuple pendant des milliers d'années, ainsi que du réveil de la conscience humaine, à la suite de la destruction du judaïsme d'Europe par les nazis." :
"Nous sommes convaincus qu'Israël ressuscité apportera sa contribution au renforcement de la paix", Ben Gourion
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"Aujourd'hui, ils dansent. Mais demain, ils verseront leur sang"
Ce 14 mai 1948, David Ben Gourion termine son allocution par "L'Etat d'Israël est né". Il devient le premier Premier ministre d'Israël. Dans les rues de Jérusalem, son discours est diffusé par des haut-parleurs et accueilli par des scènes de liesse populaire.
Shimon Peres, qui deviendra plus tard l'un des hommes-clés de la vie politique israélienne, a alors 24 ans. Il descend lui aussi dans la rue. "Tout le monde chantait et dansait dans les rues, racontera-t-il des années plus tard. Ben Gourion se tient là debout et il me dit : 'tu vois, aujourd'hui ils dansent, mais demain ils verseront leur sang, il y aura une guerre'. Il ne manifestait aucune joie. Et la guerre a éclaté".
Le lendemain en effet, la première guerre israélo-arabe éclate, et dure jusqu'en octobre 1949. Le 14 mai 1948 restera pour les Palestiniens la Nakba, catastrophe en arabe.
Quelques jours après le 14 mai 1948, les Etats-Unis et l'URSS reconnaissent l'existence d'Israël. La France et l'Italie attendent le début de l'année 1949 pour reconnaître le nouvel Etat.