1780 - 1830 : et soudain on a vu les femmes peintres ! (avant de les oublier)
Par Nithya Paquiry, Pauline PetitDe la fin du XVIIIe au début du XIXe siècle, une autre révolution s'est jouée dans le milieu des beaux-arts parisien, celle de la place des femmes peintres. Qui sont-elles ? Comment expliquer cette visibilité inédite ? Le musée du Luxembourg met à l'honneur ces artistes oubliées de l'histoire.
Angélique Mongez, Adélaïde Labille-Guiard, Hortense Haudebourt-Lescot… Ces noms de peintres ayant exercé entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle ne sont pas les plus cités dans les livres d'histoire de l'art, encore moins les plus connus du grand public. Elles font pourtant partie des nombreuses artistes qui, entre 1750 et 1850, font rayonner le monde de l'art français. Dans les ateliers de maîtres, les salons d'exposition, les commandes d'œuvre par l'Etat, la "dame artiste" ne fait pas figure d'exception. Bien sûr, certains critiques voient d'un mauvais œil la présence de la gente féminine : "Comment pourront-elles trouver assez de temps pour être à la fois épouses soigneuses, mères tendres et surveillantes, chefs vigilans de leurs domestiques et peindre autant qu’il est nécessaire pour le faire bien ?", demande l'Abbé de Fontenay en 1785. Malgré ces critiques, les femmes peintres parviennent à se faire une place égale à celle de leurs confrères masculins, inscrivant pleinement leurs œuvres dans les tendances stylistiques et le marché de l'art de l'époque.
Dans un contexte de grand bouleversement politique - les dernières années l'Ancien régime et la Révolution française - comment expliquer cette féminisation des beaux-arts ou plutôt la soudaine mise en lumière des femmes peintres ? Et pourquoi les a-t-on par la suite oubliées ? Actuellement mises à l'honneur par le musée du Luxembourg, à Paris, dans l'exposition "Peintres femmes, 1780-1830. Naissance d'un combat", (re)découvrons en compagnie de certaines d'entre elles, une autre révolution, celle des femmes maniant le pinceau.
"Cette nouvelle manie de se faire femme-peintre…"
Des femmes peintres dans l'histoire, rappelle la sociologue Séverine Sofio dans La Fabrique de l'histoire, il y en a bien sûr toujours eu. On peut cependant parler, comme elle le fait dans son ouvrage Artistes femmes. La parenthèse enchantée, XVIIIe-XIXe siècles (CNRS éditions, 2016), d'une "parenthèse" qui s'ouvre la fin du XVIIIe siècle en France, lors de laquelle elles parviennent à accéder aux formations de peinture, se professionnalisent et jouissent d'une certaine renommée publique.
C'est d'abord parce que le statut de l'artiste change, que les femmes vont être plus visibles dans le monde des beaux-arts. Amorcée avec la création de l'Académie royale de peinture et de sculpture en 1648, la libéralisation de la profession se poursuit avec l’abolition de la corporation des peintres en 1777, qui les affranchit de la tutelle corporatiste. Jusqu'alors "la plupart des femmes étaient embauchées, au même titre que les hommes, dans les ateliers et produisaient des œuvres qui étaient signées du nom du maître, au sens corporatif du terme, celui qui était le propriétaire de l'atelier, explique Séverine Sofio sur France Culture :
À partir de 1777, les choses changent. On assiste, non pas à l'arrivée de femmes dans le monde de l'art, mais à leur mise en lumière. Tout à coup, on les voit : elles peignent en leur nom.
Des femmes, de toutes classes sociales, et qui ne sont plus nécessairement issues de familles d'artistes (comme Marguerite Gérard formée auprès de son beau-frère Fragonard), intègrent des ateliers. Le métier de peintre devient même prestigieux "à une époque où l’enseignement supérieur leur est fermé et où elles ne peuvent, par conséquent, espérer d’ascension sociale que par le mariage."
La féminisation de l'espace artistique parisien se joue aussi par la promotion de femmes peintres à l'Académie au cours des années 1780 : Elisabeth Vigée-Lebrun et Adelaïde Labille-Guiard. Alors qu'elles n'ont pas le droit d'enseigner au sein de l'Académie, elles créent des ateliers ouverts aux jeunes femmes. L'illustre Jacques-Louis David lui-même lance au Louvre une classe pour "demoiselles" et ce, malgré l'opposition du directeur de l'Académie. L'une de ses élèves, Marie-Guillemine Benoist, se fait remarquer aux Salons pour ses grands sujets classiques comme L'Innocence entre la Vertu et le Vice, une scène mythologique dans laquelle le Vice est exceptionnellement représenté sous les traits d'un homme, mais aussi ses nombreux portraits dont le Portrait de Madeleine, considéré comme un manifeste de l'émancipation des esclaves.
Lorsque la Révolution éclate, le milieu artistique est secoué par des crises institutionnelles. Adelaïde Labille-Guiard, elle-même révolutionnaire, entend prendre part au renouveau de l'Académie en œuvrant pour l'égalité des peintres femmes et hommes pour leur admission et carrière. Elle l'obtient le 23 septembre 1790… avant que le directeur n'annule le vote, deux jours plus tard. L'année suivante, un décret permet aux femmes d'exposer librement au Salon. Adelaïde Labille-Guiard est alors seule à y participer. Bientôt, elles seront des dizaines : trente en 1799, plus de quatre-vingts en 1824.
Les genres de peinture ont-ils un sexe ?
Dans ce siècle aimable, brillant des succès et de la gloire de mon sexe, pourquoi me condamnerais-je au silence honteux d'une fausse timidité ou de l'ignorance ? Je suis femme française et peintre. J'ai droit à votre confiance, à votre accueil, à celui du public, mais je n'accepte ni le vôtre ni le sien. Je veux le mériter. Et si ce frivole ouvrage ne me les obtient pas ? Mes essais, mes efforts multipliés, la vivacité, la fatigabilité de mon ardeur, les arracheront à vous, à tous mes contemporains. Je convaincrais décidément ce sexe hautain qui doute encore des puissances morales, des femmes que nous avons pu que nous pouvons et que nous pourrons toujours, dans la carrière des arts et des sciences, marcher fièrement ses égales. Avis important d’une femme sur le Salon de 1785 par Madame E.A.R.T.L.A.D.C.S.
Dans ce contexte de bouleversement politique, la question de place des femmes peintres anime les débats esthétiques, d'autant que certains s'inquiètent de la féminisation de l'"Ecole française" censée rivaliser avec celles des pays voisins. Les femmes sont-elles les bienvenues dans les ateliers de peinture où l'on étudie des corps d'hommes nus ? Les genres en peinture - de la grande peinture d'histoire aux paysages en passant par les portraits - ont-ils également un genre masculin ou féminin ? On s'écharpe par publications interposées à propos de "cette nouvelle manie de se faire femme-peintre", comme l'écrit l'Abbé de Fontenay, en 1785. Le critique Charles Landon recommande "l’étude des fleurs et des plantes en général, ainsi que l’art d’en retracer les formes et les nuances, [qui] conviennent, sous tous les rapports, à un sexe délicat, modeste et paisible".
N'en déplaise à Landon, les femmes peintres s'emparent, comme leurs confrères, du grand genre. Lorsqu'elles se tournent, à l'instar des hommes, vers le portrait, la miniature ou la peinture de genre, c'est parce qu'ils sont plus rémunérateurs que les grandes toiles d'histoire. "Les hommes qui s’étaient attribué sur elles toute la supériorité des talents, peuvent désormais craindre la concurrence", note un commentateur du Salon de 1783. "En revendiquant une formation en atelier, en voulant exposer et en exposant au salon, en répondant à des commandes d'État, en s'inscrivant dans le fonctionnement économique, social de l'espace artistique, ces femmes deviennent des artistes professionnelles et finalement, la distinction entre féminin et masculin finit par perdre en force à la faveur d'une distinction entre amateurs et professionnels", résume Martine Lacas, commissaire de l'exposition du musée du Luxembourg, dans l'émission L'Art est la matière.
Mais cette période de relative égalité et de mixité n'aura duré qu'un temps. Au XIXe siècle, le clivage genré s'accentue. Assujettie à une protection financière masculine, le statut professionnel de la femme régresse ; peindre est un loisir des milieux cultivés. "On observe à cette époque chez les critiques d’art, mais aussi chez les médecins, les prêtres, de nombreux discours misogynes, biologisant, essentialistes qui relèguent la femme du côté de sa vocation maternelle et conjugale. Selon ces discours, les femmes ne peuvent prétendre à l’originalité, elles sont condamnées à l’imitation, la copie", explique l'historienne Charlotte Foucher-Zarmanian sur France Culture. Avec la naissance de l'avant-garde qui voit la "revirilisation" de l'art, ainsi que l'apparition d'autres espaces de légitimation artistiques que le Salon - les galeries spécialisées, expositions indépendantes, etc. - à partir des années 1850, les femmes peintres sont de nouveau invisibilisées.
Femmes peintres au tournant du XIXe siècle : trois itinéraires artistiques
Au cours de ce moment de féminisation des beaux-arts, un grand nombre d’artistes se sont distinguées. Voici les trajectoires de trois d’entre elles, issues de la sélection de l’exposition “Peintres femmes, 1780-1830. Naissance d’un combat” : Adélaïde Labille-Guiard dont la réception à l’Académie royale en 1783 fut un “coup de théâtre”, Julie Duvidal de Montferrier qui s’est illustrée dans le style historique pittoresque, et Hortense Haudebourt-Lescot dont le salon autant que l’atelier sont passés à la postérité.
- Adélaïde Labille-Guiard (1749-1803)
C’est par le portrait que s’est imposée Adélaïde Labille-Guiard. Alors qu'Elisabeth Vigée-Lebrun était la peintre attitrée de Marie-Antoinette, elle fut celle de Mesdames, filles de Louis XV. Et comme la guéguerre qui animait les relations entre la Reine de France et ses belles-sœurs, une certaine rivalité, encouragée par la critique, opposait Labille-Guiard à Vigée-Lebrun.
Dans sa jeunesse, Adelaïde est dans un premier temps amenée à travailler pour son père, propriétaire d’un célèbre magasin de mode : "À la toilette”. Une institution au service de laquelle entre également une certaine Jeanne Bécu… la future comtesse du Barry ! Adolescente, la peintre forge ses premiers pinceaux au côté du miniaturiste et portraitiste suisse François-Élie Vincent, dont elle épousera plus tard le fils, François-André. En 1783, elle est reçue à l’Académie royale de peinture en même temps qu'Elisabeth Vigée-Lebrun, dont le parcours est décidément similaire… Une double admission qui fait grand bruit. À leur arrivée, le directeur général des Bâtiments du roi, le comte d’Angiviller, propose de limiter à quatre le nombre des académiciennes, invoquant "la décence de leur sexe les empêchant de pouvoir étudier d’après nature et dans l’école publique établie et fondée par [sa] Majesté".
Et ce ne sera pas la seule fois pour Adélaïde Labille-Guiard que les succès précèdent les scandales. Celui qu’elle remporte au Salon de 1783 est ainsi entaché par un pamphlet diffamatoire intitulé Suite de Marlborough au Salon 1783. Un texte qui l’accuse de s’être approprié et d’exposer des œuvres de François-André Vincent. Et comme l’imagination perfide est sans limite, on lit dans le nom de Vincent, “vingt cents” soit “deux mille”, nombre qui correspondrait à celui des amants de Labille-Guiard. Dès lors, l’artiste fait l’objet d’attaques pour comportement éthiques et sexuels déviants… Une réputation ternie qu’elle sauve toutefois en obtenant la suppression du pamphlet.
Si entre 1785 et 1789 les succès s’enchaînent, de son premier portrait de groupe en pied, Autoportrait avec deux élèves (1785), à celui du frère du roi le comte de Provence (1788), en 1789, la Révolution la rend suspecte aux yeux du pouvoir. Adélaïde Labille-Guiard revendique en effet de nouvelles idées politiques en faveur de l'égalité des artistes femmes et hommes. En 1790, elle est même choisie par l’Assemblée pour réaliser des portraits des nouveaux députés dont un "Robespierre", que la critique encense : "On conseille à Monsieur Robespierre de s'en tenir aux dames pour faire tirer son portrait. En effet, Monsieur Boze l'a raté." La Terreur aura raison de l’artiste et lorsque les forces radicales prennent le contrôle, Labille-Guiard se retire et quitte Paris… Un départ qui lui sauve probablement la vie : en 1793, un décret impose la destruction de ses œuvres.
- Julie Duvidal de Montferrier (1797-1865)
Julie Duvidal de Montferrier a souvent été réduite à n’être que la belle-sœur de Victor Hugo… En 1827, elle épouse en effet Abel Hugo, frère du célèbre écrivain. Et ce dernier lui est hostile durant un temps : il aurait demandé à sa fiancée Adèle Foucher de cesser ses cours de dessin auprès de la peintre afin de ne pas "descendre dans la classe des artistes". Pourtant, les tableaux de Julie sont présentés dans les plus grands salons parisiens de l’époque et sa reconnaissance est telle qu’on la choisit pour être la copiste officielle de Jean-Auguste-Dominique Ingres et d’Eugène Delacroix.
D’abord formée aux arts d'agrément à l’École de la Légion d’honneur, puis dans l’atelier de Gérard, c’est dans le style troubadour que Julie Duvidal de Montferrier se démarque. Un genre que l’on pourrait qualifier d’historique pittoresque et dans lequel se sont également illustrées Henriette Lorimier et Hortense Haudebourt-Lescot. Son art, elle l’alimente avec ses voyages, à Rome notamment, où elle séjourne plusieurs mois. De ce périple elle retient des choix thématiques méditerranéens, inspirés de la vie populaire aux couleurs solaires et affriolantes…
Ses débuts au Salon de 1819 sont par ailleurs marqués par sa Clotilde demandant la guérison de son fils. Sainte-Clotilde étant vénérée pour avoir converti Clovis, le sujet est séduisant aux yeux des catholiques et des royalistes… La peinture reçut ainsi un accueil des plus favorables de la part de ses camarades du Salon de 1819 comme en atteste leur compte-rendu : “Ce tableau, simple dans sa composition, d’une belle couleur et d’une facile exécution, décèle le germe d’un grand talent…” Avec cette œuvre, la peintre frappe fort et vise haut : le tableau est acheté par Louis XVIII et se trouve être aujourd’hui encore accroché aux murs de l’Assemblée Nationale. Une consécration.
Elle expose jusqu’en 1833, et en 1820 l’administration des Beaux-arts va même jusqu’à lui confier la commande d’un tableau du roi achevé en 1823, et pour lequel on la rémunère 2 400 francs, soit la somme la plus élevée pour ce type de travail.
- Hortense Haudebourt-Lescot (1784-1845)
On retient d’Hortense Haudebourt-Lescot qu’elle fut la peintre attitrée de Marie-Caroline de Bourbon-Sicile, duchesse de Berry. Fille d’un parfumeur décédé alors qu’elle n’a que deux ans, et élevée par son beau-père, elle apprend la peinture dès l’âge de sept ans auprès d’un ami de la famille, le peintre Guillaume Guillon-Lethière. Quand celui-ci est nommé directeur de l’Académie de France à Rome en 1808, elle le suit afin d’y accomplir sa formation. Mais on raconte que son arrivée est entourée d’un certain parfum de scandale. Hortense Haudebourt-Lescot est mal accueillie par le directeur des musées d’alors, qui n'est autre que l'administrateur du Louvre Dominique Vivant-Denon. Face aux remarques sournoises que dut affronter son élève, Guillaume Guillon-Lethière répond ainsi :
J’ai beaucoup d’envieux. (...) Leur grand prétexte est la présence d’une de mes élèves à Rome, l’enfant d’excellents amis, (…) la multitude recueille volontiers les sottises et les grossit, je sais qu’on a débité à Paris que mon élève demeurait à l’Académie de France comme si (…) j’eusse assez peu de jugement pour exposer une jeune personne au milieu de vingt-cinq jeunes gens ? L’intérêt que je lui porte est celui d’un père et d’un maître qui se plaît à cultiver un talent qui vous étonnera un jour.
Malgré tout, Hortense demeure à Rome jusqu’en 1816 et c’est là que dès 1809, elle fait des envois au Salon. En 1810, elle est gratifiée de la médaille de deuxième classe pour un ensemble de huit scènes italiennes dont la palette chaleureuse est louée. Ses sujets de prédilections ? Le portrait et les scènes de genre pittoresques et historiques. Honorée d’une autre médaille, (d’or cette fois !) en 1828, elle expose au Salon jusqu’en 1840 et s’éteint en artiste reconnue et respectée. Sa nécrologie parue dans L’Illustration du 8 janvier 1845, rapporte ainsi :
Elle joignit à l’influence de l’artiste toute l’influence de la femme du monde. Son salon était aussi célèbre que son atelier (…) Ce salon, où se réunissaient toutes les réputations artistiques, littéraires, aristocratiques, où nous avons vu Talma rencontrer Scribe et Rossini, Horace Vernet, Granet, Picot, Drölling, David d’Angers fraterniser avec tout ce que la cour et la ville comptaient de plus noble et de plus brillant – était un rendez-vous d’élite où l’on ambitionnait d’être admis. (...) si c’était une faveur de paraître dans son salon, c’était une mode de passer dans son atelier à titre d’élève.
Des peintres oubliées ?
Pourquoi les œuvres de ces femmes peintres ne sont-elles pas plus connues ? "L’art de la peinture vient d’atteindre en France à un très-haut degré de perfection et jamais on n’y a vu autant de femmes artistes", pouvait-on pourtant lire dans Les Annales du Musée et de l'École moderne des beaux-arts, en 1807. Comme le notait Séverine Sofio dans L'Art est la matière, la postérité d'un artiste est liée au maintien de son nom dans les témoignages des contemporains, puis dans les livres d'histoire et enfin de son œuvre dans les collections, qu'elles soient privées ou publiques… "Sur ces deux plans, constate-t-elle, les artistes femmes de cette période ont été largement désavantagées."
L'exposition qui leur est actuellement dédiée au musée du Luxembourg entend y remédier. Ses commissaires ont voulu aller au-delà du récit traditionnel expliquant l'absence des "grandes" peintres par une succession d'empêchements (le numerus clausus de l'Académie royale, la vocation domestique, la minorisation politique, la limitation de leur pratique artistique à des genres dits mineurs…), en présentant les œuvres de quarante d'entre elles à la lumière des livrets des salons, bons de commandes et articles de presse qui racontent ce moment de féminisation des beaux-arts à la fin du XVIIIe siècle.
Les témoignages contemporains constituent un paysage totalement différent de celui que l’histoire de l’art traditionnelle nous a transmis : il est beaucoup plus complexe, et le sort des artistes femmes y apparaît moins tributaire qu’on a voulu le dire du schéma manichéen empêchées / favorisés, féminin / masculin. Martine Lacas
Des témoignages occultés ? Peut-être. Dans l'ouvrage d'histoire de l'art de référence sur la peinture de style troubadour à laquelle ont pris part les femmes peintres au début du XIXe (dont Julie Duvidal de Montferrier), l'auteur "expédie la question des femmes en une note de bas de page", remarque Séverine Sofio. Idem du côté des sociologues, pointe la chercheuse : "Dans l'ouvrage canonique de Harrison et Cynthia White sur la carrière des peintres au XIXe siècle, là aussi, les femmes sont reléguées en note en bas de page qui explique qu'elles n'ont pas intégrées dans leur grande base de données."
Ce sont même parfois des choses apparemment anodines, comme un changement de nom, qui semblent avoir entravé les recherches à leur sujet :
Le fait de se fier à la longueur des carrières soulève une question tout à fait intéressante et importante pour les historiens et les sociologues : un des grands problèmes pour la survie du nom des femmes dans l'histoire, c'est qu'elles se marient et changent de nom. Une même personne qui va exposer sous un nom de jeune fille, puis sous son nom d'épouse, puis sous le nom de son deuxième époux, va avoir pour l'observateur extérieur qui ne saurait pas faire le lien entre ces trois noms, une carrière tronçonnée en trois bouts au lieu d'avoir une seule longue carrière… Séverine Sofio