
La fermeture des salles de cinéma et les confinements ont consacré le streaming en 2020. Le nombre d'abonnés sur les plateformes de vidéo à la demande a explosé, bouleversant les équilibres économiques et instaurant de nouveaux usages.
2020 a été l'année de la consécration pour le streaming, et 2021 s'annonce encore sous les meilleures auspices pour les plateformes de vidéo à la demande, qui bénéficient à plein de la fermeture des salles de cinéma depuis mars. Le nombre d'abonnés à Netflix, Disney+ et autres Amazon Prime a bondi depuis les premiers confinements dus à la pandémie : un nouvel usage qui bouleverse nos habitudes et tout un secteur économique.
2020 : l'année du streaming
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Une année record pour les plateformes
Plus de 5 millions de Français utilisent quotidiennement un service de vidéo à la demande sur abonnement (SVOD, "subscriber video on demand", ou VADA en français, "vidéo à la demande par abonnement") d'après le Centre national du cinéma (CNC) : et dans ce domaine, la crise sanitaire a accéléré la tendance. Capucine Cousin est journaliste économique, autrice de Netflix et compagnie, les dessous d'une (r)évolution chez Armand Colin :
On pensait que cette évolution se ferait très lentement : d'abord chez les "early adopters", les adolescents, puis chez les parents de ces ados. Mais cette année a été en tous points hors du commun et extraordinaire : 2020 a permis aux plateformes de streaming de s'installer dans les usages, car les gens n'avaient pas le choix. Ils étaient cloîtrés chez eux et le streaming était la seule solution pour s'évader en matière audiovisuelle.
Capucine Cousin, journaliste économique spécialiste de l'audiovisuel.
Netflix a franchi la barre des 200 millions d’abonnés mondiaux fin 2020 : 30 millions de plus qu’il y a un an. Dans le même temps, Disney+ est passé de 0 à 87 millions d’abonnés : un chiffre que la major ne pensait pas atteindre avant 2024…
Le cinéma débordé par le streaming
Et comme les salles de cinéma restent fermées, un autre bouleversement est en cours : la sortie en vidéo sans forcément passer par les salles obscures. Ce sera le cas pour Raya et les dragons chez Disney, un blockbuster prévu en mars et qui sortira en salle et en streaming au même moment. Quant à la Warner, la major a annoncé que tous ses films, 21 en tout, sortiraient sur sa plateforme HBO Max en même temps que dans les salles en 2021 : une situation totalement inédite qui bouscule la place éminente du cinéma.
Les gens commencent à s'habituer et à trouver des alternatives pour regarder des films face à la fermeture des salles de cinéma, et c'est inédit par rapport aux époques où les nouveaux modes de diffusion ont été lancés : la télévision, la VHS, le DVD... On ne peut pas savoir encore si les salles de cinéma sont menacées. En France, il existe un système de cofinancement des films et de subvention qui les protège pour un certain temps, mais tout dépend de quand ces salles rouvriront.
Capucine Cousin, journaliste économique spécialiste de l'audiovisuel.
La chronologie des médias mise en suspens
Les majors du streaming font tout pour attirer et retenir le chaland en proposant des contenus originaux : films ou séries disponibles chez eux seulement, avec des moyens immenses à la mesure d'Apple, Google ou Amazon pour instaurer un nouveau modèle économique en dehors des salles de cinéma. Mais Laurent Creton n’y croit pas : il est professeur à l'université Paris III, spécialiste de l’économie de l’audiovisuel.
Ce n'est pas l'intérêt des plateformes et des majors de voir les salles de cinéma mal en point. Elles ont intérêt à tous les marchés et n'ont pas intérêt à en perdre un. Surtout pas ce premier qui en fait joue un rôle très important dans la création de valeur symbolique du film. Parce que les plateformes se rendent compte qu'en proposant des films qui ne sont pas sortis au cinéma, ces derniers sont très peu demandés. Les salles créent de la promotion autour du film, qui peut ensuite exister dans les mémoires. Et au moment où le film apparaît sur un catalogue de streaming, il a une valeur d'attractivité qu'il n'aurait pas autrement.Laurent Creton, professeur à Paris III, spécialiste de l'économie du cinéma.
Et en attendant, les plateformes continuent de s'institutionnaliser. En France, la ministre de la Culture a annoncé en decembre qu'elles seraient désormais obligées de contribuer à la création culturelle française, comme les chaines de télévision. Pour Netflix, cela représente de 150 à 200 millions d'euros chaque année...