'3DTex' : des pulls tricotés en 3D, zéro déchet et made in France
Par Annabelle Grelier
Demain l'éco. À Saint-Malo, la jeune pousse créée pendant la pandémie est devenue une usine de tricotage de 20 salariés. En s’appuyant sur l’innovation technologique de ses machines, elle produit plus vite avec moins de chutes et participe à la relocalisation de la production textile en France.
Basile Ricquier, Gwendal Michel et Marc Sabardeil, les trois fondateurs de 3DTex ont tous travaillé dans le secteur du textile en Asie. "Au Bangladesh, j'ai vu les rivières changer de couleurs tous les jours" se souvient Basile Ricquier, évoquant la pollution de cette industrie et les raisons pour lesquelles il s’est lancé dans le défi de participer à la relocalisation de la filière en France.

Une filière aujourd’hui laminée par des décennies de crise, morcelée quand les filatures ont quasiment toutes disparues et devenue anémique avec la disparition des savoir-faire. Quelques acteurs résistent et se battent encore pour faire renaître la production dans l’hexagone, aidés depuis la pandémie par le plan France Relance.
Mais c'est surtout grâce à la prise de participation de 25% du capital par le groupe breton Beaumanoir (Caroll, la Halle, Cache Cache, Bréal...) que 3DTex a pu lancer la production en août dernier.
Reportage sur la fabrication de ces pulls 'made in France' grâce à la 3D. Par Annabelle Grelier
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Innover pour relocaliser
Les machines à tricoter sont arrivées au printemps et tournent depuis la fin août. Au nombre aujourd’hui de 8, il y en aura dix dans quelques mois et une trentaine d’ici 2025. Ces machines japonaises entièrement automatisées tricotent des pulls en 3D. Tricotés d’un seul tenant : dos, devant, manches et col n’ont plus besoin d’être cousus. Ce nouveau procédé permet non seulement de gagner du temps, 50 minutes seulement de temps de fabrication pour un pull et 6 minutes pour un bonnet, mais aussi d’économiser 20 à 30% de matière première.

Car contrairement aux méthodes traditionnelles cette technique ne génère aucune chute, "Juste le rang d’amorçage" précise Basile Ricquier tenant dans sa main quelques grammes de laine. De plus, le tricotage sans couture offre un gain de durabilité, assure-t-il d’un ton avisé, car c’est aux emmanchures que les pulls finissent souvent par s’user du fait de la tension des coutures sous les bras.

Cette nouvelle technologie permet également de s’affranchir de l’étape de confection, partie la plus coûteuse en main d’œuvre de la production textile. Un seul bonnetier suffit pour conduire la machine et une raccoutreuse pour arrêter la maille au niveau des bords côtes. Autant de métiers qui aujourd’hui ont quasiment disparu et que la jeune entreprise peine à recruter.
La mondialisation a fait des dégâts dans la filière textile. À force de délocalisation, les métiers ont disparu, les savoir-faire se perdent et même les formateurs sont aujourd’hui rares à trouver. La majorité de nos salariés sont des menuisiers, fleuristes ou mécaniciens en reconversion
3DTex emploie aujourd’hui une vingtaine de salariés et compte créer une cinquantaine d’emplois d’ici deux ans. Avec un investissement de 3 millions d'euros dont 340 000 euros de subventions de l'Ademe et 360 000 euros du plan gouvernemental, l'entreprise prévoit de déménager dans une nouvelle usine qu'elle équipera de panneaux solaires visant à terme un équipement alimenté entièrement en électricité issue d'énergies renouvelables.
Digitaliser pour mieux produire
L’entreprise qui a choisi de se positionner comme sous-traitant travaille pour une quinzaine de marques. Elle leur offre le 'made in France' mais aussi une production plus responsable. Le fil dans la mesure du possible est français et la laine utilisée est le plus souvent une laine recyclée grâce à de précieux fournisseurs comme Filatures du Parc à Brassac dans le Tarn insiste Basile Ricquier, qui inscrit son activité dans l'action du collectif Tricolor pour revaloriser la filière lainière française.
Nous connaissons les dégâts de l’industrie textile sur l’environnement et nous voulions réduire au maximum notre empreinte carbone. Nous privilégions les circuits courts, nos machines à laver sont économes en eau et notre usine sera a terme alimentée en électricité issue entièrement d’énergies renouvelables.
En misant sur la digitalisation, la jeune entreprise parvient à atteindre des délais de fabrication beaucoup plus rapides évitant également la surproduction. Plus besoin d’échantillon ni de prototype, tous les modèles sont digitalisés et les essayages se font sur avatar.
On gagne du temps, on économise de la matière première. Cette agilité permet à nos clients de mieux quantifier leurs commandes et ainsi éviter les stocks résiduels en fin de saison.
Inaugurée au printemps dernier, l’entreprise n’a pas encore atteint son rythme de croisière. Pour sa première année de production, elle prévoit une production de 80 000 pièces mais elle ambitionne à terme de produire 6 jours sur 7 en 3X8 quelque 300 000 pièces par an. Une cadence que lui permet la technologie en réduisant ses coûts de main d’œuvre rapprochant la productivité au niveau des pays du bassin méditerranéen.

Car son objectif est bien de produire mieux mais à un prix abordable. Car si le 'made in France' a le vent en poupe, il ne représente pas plus de 3% du marché français de l’habillement selon l’Observatoire économique de l’Institut de la mode. Ce serait injuste que les produits fabriqués en France soient réservés à une élite affirme Basile Ricquier : "Nous aurons vraiment réussi notre pari quand tous les Français pourront se l’offrir".