70ème anniversaire de Nuremberg : du Tribunal pénal international à la Cour pénale internationale

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70ème anniversaire de Nuremberg : du Tribunal pénal international à la Cour pénale internationale

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Procès de Nuremberg novembre 1945 : Au cours d'une des premières séances du Tribunal International
Procès de Nuremberg novembre 1945 : Au cours d'une des premières séances du Tribunal International
© AFP - Leemage

CARTE. Il y a 70 ans, jour pour jour, le procès des criminels de guerre nazis prit fin à Nuremberg. Depuis le premier procès international, la justice a renouvelé la forme du Tribunal international avant de créer une instance durable et transnationale : la Cour pénale internationale.

Il y a tout juste 70 ans s'achevait le procès des criminels de guerre nazis, au TPI de Nuremberg. Premier tribunal international, il est créé à la suite de la ratification des accords de Londres du 8 août 1945, à l'issue d'une conférence ouverte le 26 juin 1945 entre les États-Unis, le Royaume-Uni, l'URSS et la France. L'objectif à l'époque est selon les propres termes de l'accord, de " juger les criminels de guerre dont les crimes sont sans localisation géographique précise, qu'ils soient accusés individuellement, ou à titre de membres d'organisations ou de groupes, ou à ce double titre". Pour encadrer les poursuites, l'accord comporte une charte qui définit ses champs d'actions, à savoir : les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les crimes contre la paix.

A peine la guerre terminée, au cœur d'une Europe en ruines qui a connu l'extermination de six millions de Juifs, le procès le plus attendu débute le 20 novembre 1945, soit 6 mois seulement après la capitulation de l'Allemagne. Pour juger les principaux responsables des crimes commis pendant la guerre, huit juges sont chargés des affaires, de nationalité des quatre pays vainqueurs que sont les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Russie et la France.

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Au banc des accusés sont présents les 24 plus importants dirigeants encore en vie, du régime nazi mis en accusation pour complot, crimes de guerre, crimes contre la paix et crimes contre l'humanité. Voici la répartition des charges des 24 accusés :

Près de 100 témoins sont venus au procès décrire les crimes dont ils ont été victimes dont celui de Marie-Claude Vaillant-Couturier qui apporte un témoignage bouleversant à la barre :

"Une nuit, nous avons été réveillés par des cris effroyables. Nous avons appris le lendemain matin, par les hommes qui travaillaient au Sonderkommando, le commando des gaz, que la veille ils avaient jeté les enfants vivant dans les fournaises parce qu'ils n'avaient pas assez de gaz."

Une déclaration filmée lors du procès :

Après une année de débats, 400 audiences, 300 000 déclarations, 1 600 pages de procès-verbaux, 3 000 tonnes de documents vient le temps des délibérations d'usage. Le premier verdict international tombe : 12 condamnés à la pendaison, 7 à des peines de prison et 3 acquittements.

Peu après, les alliés organisèrent le procès de Tokyo, le 3 mai 1946, puis viendront les tribunaux pénaux internationaux de l'ex-Yougoslavie en 1993, du Rwanda en 1994 et de la Sierra Leone en 2002. Cependant, ces tribunaux pénaux s'avèrent des solutions imparfaites.

Naissance de la Cour pénale internationale

Dès 1920, l'ancêtre de l'Organisation des Nations Unies, la Société des Nations, avait engagé une réflexion allant dans le sens d'une justice internationale. A l'époque, la SDN charge un comité de juristes pour élaborer le statut d'une cour permanente de justice internationale. Une résolution est adoptée dans ce sens pour juger "les crimes contre l’ordre public international et le droit des gens universel, qui lui seront déférés par l’Assemblée plénière de la SDN ou par le Conseil de cette Société". Un pas de géant dans l'histoire de la justice internationale qui sera finalement avorté par la SDN, la jugeant précoce.

Néanmoins, les limites des Tribunaux internationaux se sont vite fait sentir : pression du pays où il se déroule, durée limitée, lourdeur de la mise en place des ces Tribunaux spéciaux et création a posteriori des faits reprochés. Après guerre, le juriste français René Cassin avait, en 1948, lancé l'idée de la création d'une Cour de justice internationale. Mise en discussion à l'ONU en 1950, l'idée se meure peu à peu.

Quand en 1989, Trinité et Tobago fait adopter une résolution visant à relancer l'idée de cette Cour. Neuf ans après, la Cour pénale internationale fut créée à Rome, le 17 juillet 1998 par 120 voix pour, 7 voix contre et 21 abstentions. Mais il faudra attendre le 1er juillet 2002 pour que son entrée en vigueur soit effective, avec le vote de ratification du Statut de Rome par soixante pays.

A ce jour, 124 pays sont des États Parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. 34 sont membres du groupe des États d'Afrique, 19 sont des États d’Asie et du Pacifique, 18 sont des États d'Europe Orientale, 28 sont des États d’Amérique Latine et des Caraïbes, et 25 sont membres du Groupe des États d'Europe occidentale et autres États. Néanmoins, le fait de ne pas signer et ratifier le statut n'influent en rien dans le processus de saisie des affaires. Ainsi, n'importe quel pays peut être saisi par la Cour.

Source : Cour pénale internationale

23 affaires sont traitées par la Cour

A ce jour, 23 affaires sont traitées par la Cour dans le monde, 6 personnes sont en détention, 13 personnes sont en fuites, 4 condamnations ont eu lieu ainsi qu'un acquittement.

Source : Cour pénale internationale

Les 4 condamnations portent sur l'affaire Germain Katanga, déclaré coupable, en tant que complice, d'un chef de crime contre l'humanité (meurtre) et de quatre chefs de crimes de guerre (meurtre, attaque contre une population civile, destruction de biens et pillage) commis le 24 février 2003, lors de l'attaque lancée contre le village de Bogoro, situé dans le district de l'Ituri en RDC. L'affaire Thomas Lubanga Dyilo, déclaré coupable des crimes de guerre consistant en l'enrôlement et la conscription d'enfants de moins de 15 ans, et le fait de les faire participer activement à des hostilités. l'affaire Jean-Pierre Bemba Gombo en appel, déclaré coupable au‑delà de tout doute raisonnable de deux chefs de crimes contre l'humanité (meurtre et viol) et de trois chefs de crimes de guerre (meurtre, viol et pillage). Et l'affaire Ahmad Al Mahdi déclaré coupable du crime de guerre consistant à attaquer des bâtiments à caractère religieux et historique à Tombouctou.