L'année 2020 a été en grande partie entachée par la pandémie de Coronavirus, mais peut-on parler d'"annus horribilis" pour autant ? Cette expression latine est employée à l'envi, mais son origine pourrait vous surprendre.
Pandémie, crise économique, explosion du chômage, péril climatique... 2020 sera-t-elle “annus horribilis” ?
Cette locution qui signifie “année horrible” en latin ne vient pas du tout de l’Antiquité romaine mais de la bouche de la reine d’Angleterre en 1992 : “1992 is not a year on which I shall look back with undiluted pleasure (...) it has turned out to be an 'Annus Horribilis.” (1992 n’est pas une année que je me remémorerai avec plaisir, elle restera comme un annus horribilis).
Elizabeth II évoque alors l’année qui est en train de s’achever dans un discours, à l’occasion des 40 ans de son règne. Une année qui ne s’est pas déroulée comme prévue.
Isabelle Rivère, journaliste, spécialiste des familles royales : “1992 a sans doute été la pire année du règne, encore aujourd’hui on peut la considérer comme ça. Au début de l’année, le duc et la duchesse d’York, le prince Andrew, dont on dit qu’il est le fils préféré d’Elizabeth II est venue annoncer à sa mère sa séparation d’avec son épouse. En avril, il y a eu le divorce de la fille unique d’Elizabeth II et du prince Philipp, la princess Ann. Et ensuite, les événements, les polémiques, les scandales se sont enchaînés.”
En juin la parution d’une biographie de Diana Spencer révèle l’infidélité du prince Charles, et le mal-être de la princesse. Le livre entache un peu plus l’image de la famille royale et régale les tabloïds pendant des mois. Au mois d’août, la duchesse d’York, l’épouse du prince Andrew est photographiée par des paparazzis avec son amant. Enfin, le 20 novembre, le château de Windsor est touché par un terrible incendie.
Isabelle Rivère : “Les images, ce 20 novembre 1992 de la reine errant au milieu des décombres fumants du château, dans la cour, en bottes et en ciré, symbolisent aux yeux de l’opinion le drame d’une dynastie désemparée. Et ce discours de la reine, au Guildhall, intervient seulement 4 jours après l’incendie du château, elle a la voix éraillée parce qu’elle a respiré des fumées.”
Cette expression “annus horribilis”, soufflée par l’un de ses conseillers, est aussi un détournement d’un célèbre poème anglais “Annus mirabilis”, l’année des miracles, écrit par John Dryden en 1667.
L'esprit de résilience des Anglais
Dans ce long poème en quatrains à la gloire du roi Charles II, le poète y célèbre des victoires militaires de la marine anglaise mais aussi la résilience du peuple anglais face à deux tragédies de l’année 1666 : la peste qui touche alors la capitale et le grand incendie de Londres.
Whoe'er would English monuments survey/In other records may our courage know / But let them hide the story of this day/Whose fame was blemish'd by too base a foe.
Depuis ce discours, “annus horribilis” est devenu une périphrase souvent utilisée dans les médias pour caractériser une année noire sur le plan économique pour un entreprise ou une année marquée par une succession de cataclysmes.
Mais pour Elizabeth II, c’est aussi un appel à l'optimisme.
Isabelle Rivère : “Il y a toujours eu quelque chose de très résilient chez Elizabeth II, dans ce discours à aucun moyen on ne sent de désespoir dans les formules qu’elle emploie. Elle arrive même à faire un ou deux traits d’humour. Ce jour de novembre lorsqu’elle prononce son discours, c’est avec la conviction que les jours meilleurs reviendront.”