Personnage maladroit mais attachant, Pinocchio est le héros d'une œuvre sombre tout droit sortie de l'imaginaire d'un écrivain austère, qui n'aimait pas beaucoup les enfants. Voici comment est né le pantin le plus célèbre.
“Si tu mens, ton nez va s’allgoner !” : la formule vous est familière ? Elle vient d’un classique de la littérature italienne : Pinocchio, l’un des livres les plus lus et adaptés au monde et né de la plume d’un vieux journaliste moraliste, qui n’aimait pas beaucoup les enfants.
Une œuvre née sans grande conviction
Pinocchio naît en 1881. Carlo Collodi, journaliste en fin de carrière aigri et solitaire. Collodi qui n’a pas d’enfant, a toujours été fasciné par cette période de la vie. Il a traduit certains contes de Grimm et de Perrault et écrit quelques livres pédagogiques. Alors quand le “Giornale per i bambini” (ndlr : Le Journal pour les enfants) lui demande d’écrire une histoire sous forme de feuilleton, le journaliste, sans grande conviction, commence à raconter l’histoire de Pinocchio :
« Je t’envoie cette gaminerie, fais-en ce que bon te semble ; mais si tu la publies, paie-moi comme il faut pour me donner envie de continuer. » Le XIXe siècle est majeur dans l’accès à l’éducation et dans la connaissance de l’enfance.
Collodi voit l’enfant comme un être à part et non pas un “petit homme” trop immature pour comprendre ce qui l’entoure.Il imagine alors la vie d’un petit pantin, emprunté à l’imaginaire de la Commedia dell’arte, qui prend vie et se heurte aux tumultes de la vie. Collodi y défend les valeurs laïcs de l’Italie rurale de l’époque : l’école, la famille et le travail.
"Ce qui fait vraiment le succès de l’oeuvre, c’est ce mélange entre des éléments qui relèvent de la tradition du conte avec des animaux qui parlent, avec des éléments magiques. Et puis une ligne en revanche très réaliste. C’est quand même un récit qui est calé dans la réalité paysanne de la Toscane du XIXe siècle avec un monde dur, dominé par la faim, dominé par l’angoisse économique qui rend les rapports humains très violents", développe Aurélie Gendrat, professeure de littérature italienne.
Pinocchio, un conte ambigu
La violence et l’enfance se côtoient dans une ambiguïté constante. Il place Pinocchio dans une comédie noire, satirique. Gepetto ne crée pas Pinocchio pour avoir un fils, mais pour se faire de l’argent dans les foires.
Premières lectures - Les aventures de Pinocchio (1ère diffusion : 31/12/1988)
L’allié de Pinocchio dans le film de Disney : Jiminy le criquet, est (à l’origine) tué dans les premiers chapitres par un Pinocchio qui lui lance dessus un marteau. Au chapitre XV du feuilleton, Collodi est lassé de son personnage et le fait mourir..."
Collodi avait initialement l’intention d’arrêter les aventures à la célèbre scène où Pinocchio est pendu à un arbre. Et en fait il a en quelque sorte ressuscité le personnage à la demande des lecteurs et des animateurs du journal", explique Aurélie Gendrat.
Écrit en dialecte toscan, son succès n’est pas pour autant freiné. L’écriture est simple et compréhensible par tous malgré des expressions toscanes peu connues. Grâce en partie à Pinocchio, l’emploi du toscan va se généraliser, jusqu’à devenir la langue de référence en Italie au début du XXe siècle. Il continue les aventures du pantin pendant deux ans, mais en transformant un peu sa tragédie en un conte plus moralisateur.
Cela n’empêche pas Collodi de continuer à malmener Pinocchio : qui est englouti par un monstre, se fait brûler les pieds, menacé d’être découpé…
"Je pense que les ouvrages pour la jeunesse les plus réussis sont ceux qui arrivent à parler de façon intelligente de la mort aux enfants. Et Pinocchio fait partie des grands livres pour la jeunesse qui parlent de la mort, et en permanence. Il y a vraiment eu une lecture qui a promu davantage le texte, justement dans sa complexité, dans son ambiguïté pour ne pas le cantonner à la littérature de jeunesse", analyse Aurélie Gendrat.
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La machine Disney est aussi passée par là, édulcorant les aventures de Pinocchio. L’image du pantin au nez qui s'allonge quand il ment est présente dans le livre, durant quelques scènes mais n’est pas un élément central, c’est Disney qui en fait un, transformant ainsi le Pinocchio de Collodi. Récemment des adaptations, comme la BD de Winshluss et le film de Matteo Garonne, reviennent à l’histoire originale de Collodi et ressuscitent le côté sombre de Pinocchio.