Enfourcher un vélo a été un moyen de renouer avec la liberté, depuis le déconfinement. Mais si aujourd'hui cela vous semble simple comme bonjour, cette invention est en réalité le fruit d'un siècle d'innovations.
Inventé suite à une éruption volcanique, le vélo est à l’origine un moyen de transport excentrique réservé à la bourgeoisie et aux sportifs. Revenons à l'année 1817, à cette époque, l'ancêtre du vélo s'appelle la draisienne. Son inventeur, le baron Karl Drais réfléchit depuis des années à une alternative plus légère à la calèche à chevaux. L’année d’avant, une terrible éruption volcanique en Indonésie a entraîné de mauvaises récoltes et des famines dans le monde entier, ce qui a conduit à l’abattage massif de chevaux.
Karl Drais conçoit alors un engin avec deux roues sur le même axe, qui se manoeuvre avec l’impulsion des pieds.
Frédéric Héran, économiste : “Il y a tout un contexte favorable sur le plan des idées à l’époque des Lumières, déjà, avec une envie d’accélérer les modes de déplacement, d’accéder à la vitesse qui est une invention du XVIIIe siècle. On est d’abord en pleine révolution industrielle et on cherche depuis déjà plusieurs décennies à alléger les modes de transport. Un carrosse, ça fait 3 tonnes, il faut 2 ou 4 chevaux pour le tirer. Et c’est dans ce contexte que l’idée de tenir en équilibre sur deux roues grâce au mouvement, apparaît crédible.”
Le baron veut prouver la supériorité de son engin sur le cheval : il relie deux villes distantes de 14 km en seulement 1h. En 1818, la draisienne est brevetée en France et présentée au Jardin du Luxembourg devant des milliers de curieux. L’engin séduit mais il est peu maniable, fatigue les jambes et pèse près de 25 kilos. Il tombe vite en désuétude.
Une innovation déterminante
Il faut attendre plus de 40 ans pour que le deux-roues refasse parler de lui. On amène une draisienne cassée dans l’atelier de Pierre Michaux, un charron parisien. Il a l’idée d’ajouter deux pédale à la roue avant. Pour la première fois, c’est le mouvement des jambes qui transmet la rotation aux roues. Mais la distance parcourue à chaque coup de pédale est minime au vu de l’effort. La paternité de cette innovation est revendiquée par un autre français, Pierre Lallement, qui aurait eu la même idée au même moment.
Dès 1865, la michaudine est produite par centaines dans une usine.
Frédéric Héran : “C’est l’objet manufacturé le plus complexe de l’époque avec la machine à coudre et la machine à vapeur”.
Elle connaît un triomphe auprès de l’aristocratie. Le prince-héritier Louis-Napoléon en fait la publicité à tel point qu’on lui trouve le surnom de “Vélocipède IV”. En 1868, le vélo fait son apparition dans les courses sur pistes.
Il reste utilisé exclusivement par les amateurs de vitesse et de promenade et par les hommes.
Frédéric Héran : “La Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France, qui sont les seuls grands pays avec les capacités industrielles, vont améliorer progressivement le vélo et il va y avoir une trentaine d’années de concurrence effrénée pour mettre au point le vélo moderne à coup de centaines de brevets déposés.”
Parmi ces innovations, une augmentation prodigieuse de la taille de la roue avant, pour aller plus vite. En 1872, c’est “le grand bi”, le vélo des dandys qui permet à la fois de gagner en vitesse et en hauteur. À cause du risque de chute en avant, il est réservé aux casse-cous. Il faut donc corriger ce défaut en inventant un vélo plus sûr.
En 1876, la bicyclette de sécurité avec un pédalier à chaîne est créée par un ingénieur anglais. Le cycliste est situé à l’arrière du vélo pour éviter le risque de vol plané et actionne la roue arrière.
Frédéric Héran : “C’est à cette époque qu’on a fait la dernière grande innovation, c’est l’invention du pneumatique, qui rend beaucoup plus confortable le vélo, surtout dans un contexte de voiries dans un état souvent assez médiocres avec des pavés, des trous, des ornières.”
Entre 1895 et 1935, le coût du vélo est réduit par 10, ce qui en fait un moyen de locomotion populaire. Il permet aussi bien au paysan de se rendre à la campagne qu’au citadin de se balader sur les chemins de terre. Il connaît un rapide déclin après la guerre quand la voiture se démocratise mais il revient en force dans les villes depuis les années 1970 et s’impose comme une alternative écologique au véhicules motorisés.