A la guerre comme à la guerre
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C'est vrai qu'on avait été surpris d'apprendre que le nouveau film de Michel Hazanavicius allait être un film de guerre, ou plutôt un mélodrame en zone de guerre. The Search est le remake d'un classique de 1948, Les Anges marqués , de Fred Zinnemann, où un G.I., c'était Montgomery Clift, recueillait un enfant rescapé des camps de la mort. Chez Hazanavicius, c'est Bérénice Bejo, chargée de mission pour l'Union Européenne, qui recueille un jeune orphelin, ses parents ont été assassinés par des soldats russes en pleine seconde guerre de Tchétchénie, en 1999. Le problème de ce film, c'est qu'il essaie de lier une histoire à la Full Metal Jacket , ou comment l'armée russe fait d'ados innocents des machines à tuer, et un mélo larmoyant et vieillot sur l'enfance en danger et ses grands yeux mouillés. Le tout avec une certaine complaisance dans la figuration de l'horreur, tout le contraire de l'admirable Timbuktu d'Abderrahmane Sissako, qui avait ouvert la compétition.
A côté de ça, et pour rester en ex-URSS, on a été fasciné, en séance spéciale, par le Maïdan * de l'Ukrainien Sergeï Loznitsa, qui a planté sa caméra sur la célèbre place pour y filmer la révolution. C'est un ensemble d'images puissantes, sidérantes, uniquement en très longs plans larges et fixes, qui montrent un peuple en marche et en lutte, sans jamais l’individualiser, et des images de guerre comme la fiction ne sait plus en produire... Oui, et le langage est bien pauvre pour parler de ce film, composé, comme un collage, de multiples fragments. On pourrait dire ce qu'on y voit : des images de l'Histoire, ou des Histoire(s) du cinéma, des fleurs, un couple nu, une usine avec une chaise devant, des livres, un chien, surtout. Il y a aussi dans *Adieu au langage * des expériences sur l'image, avec des textures mouvantes et une 3D qui souvent violente l'œil. Et puis bien sûr, des aphorismes godardiens sur la guerre, Hitler et la télévision, la nature et la métaphore, et l'égalité scatologique entre hommes et femmes. Le tout habité par une certaine mélancolie, voire lassitude. *"Il faut que j'arrive à tenir jusqu'à la fin, et la fin traîne, ce n'est pas commode", peut-on entendre dans ce film, très court, 1h15, mais qui nous habite encore...