A Montpellier, une présidentielle sous état d'urgence
Par Éric Chaverou, Amélie Perrier, Ludovic Piedtenu
#caravane2017. Comment faire un portrait de la France de 2017 sans évoquer la menace terroriste. Depuis les attentats de 2015, le mot radicalisation est entré dans le vocabulaire. Nous en parlons de Montpellier, dernière étape de notre caravane de la présidentielle. Avec aussi les propositions des candidats.
Pour terminer ce petit Tour de France, nous avons posé nos micros à Montpellier, chez nos amis de France Bleu Hérault. Mais aussi dans le Gard voisin, pour nos reportages et nos analyses. Avec pour thèmes la sécurité et le terrorisme. La menace djihadiste a infusé les esprits et les discours ces dernières années. Et ici, plusieurs cas emblématiques de radicalisation ont marqué. A Lunel, en 2015, notamment.
Pour le Choix de la rédaction, notre journaliste Antoine Marette s'est ainsi rendu à Nîmes, particulièrement concernée par les départs en Syrie. Il a pu y rencontrer Myriam, une mère dont le fils de 21 ans est mort en Syrie (prénom et voix modifiés), mais aussi maître Khadija Aoudia, avocate au barreau de Nîmes spécialisée en droit pénal, et le président du Conseil des imams du Gard, Hocine Drouiche. Alors que les prêcheurs de haine privilégient maintenant les réseaux sociaux :
Le drame de Myriam et de son fils de 21 ans mort en Syrie
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Détruire la Tour Eiffel
Autre exemple marquant, un très jeune couple arrêté le mois dernier près de Montpellier. Thomas, 20 ans, et Sarah, 16 ans, sont soupçonnés d'avoir préparé un attentat kamikaze contre la Tour Eiffel. Journaliste à France Bleu Hérault, Salah Hamdaoui raconte l'histoire de ce couple qui a basculé dans l'idéologie djihadiste après s'être rencontré en ligne. Mis en examen et écroué le jeune homme était suivi depuis deux ans par les services de renseignement :
L'histoire de deux fiancés qui se sont jurés d'être fidèles à Daech
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Aujourd'hui, 700 personnes sont signalées en Languedoc-Roussillon pour radicalisation. Et pour faire face à ce genre d'histoires, "un groupe local de traitement de la délinquance" a été mis en place dans l'Hérault :
Police, gendarmerie, justice, un groupe local anti terroriste a été créé
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Pourquoi autant d'aspirants au djihad dans cette région ?
Vidéo de France 2, de février 2015
Christophe Cavard est député écologiste de la 6ème circonscription du Gard, soutien de Benoît Hamon. Il a participé aux trois dernières commissions sur le terrorisme, suite à l'affaire Merah et aux attentats du Bataclan et de Nice. Celui qui propose notamment la création d'une brigade d'éducateurs spécialisés ou un suivi dans le temps d'anciens radicalisés était l'invité du journal de 8h présenté par Amélie Perrier :
"Cela vient aussi de problèmes d’identité, de reconnaissance, tout simplement, de ces jeunes totalement perdus."
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Très sincèrement, c'est difficile d'avoir une raison unique. Parce que je ne crois pas aujourd'hui que notre région aurait une spécificité particulière par rapport aux autres régions de France. Nous pensons, pour un certain nombre d'entre nous qui travaillons là-dessus, qu'il y a aussi un phénomène d'entraînement, tout simplement. Cela a été le cas à Lunel, et on craint que cela soit un peu les mêmes logiques à Nîmes. (...) La radicalisation n'est pas une pathologie. On ne va pas se faire soigner comme quand on est malade et qu'on va à l'hôpital ! Cela n'existe pas. En fait, chaque individu a sa propre problématique à traiter.

Un sentiment d'insécurité fort propice au Front national
Ces parcours d'apprentis djihadistes, la menace terroriste, tout cela favorise ici les soutiens à Marine Le Pen. Le Gard est d'ailleurs le seul département où elle est arrivée en tête lors de la précédente présidentielle en 2012. Aujourd'hui, le parti d'extrême-droite ne cesse de gagner des voix et de devenir majoritaire. Mais, un îlot de résistance subsiste : la petite commune de La Grand-Combe, dans le nord du Gard, vers les Cévennes. Christine Moncla a enquêté dans cette cité ouvrière qui a vécu de la mine :
Reportage à La Grand-Combe : une ville communiste depuis toujours, qui fut la troisième du Gard et qui se retrouve aujourd'hui avec 5 130 habitants
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Dans les quartiers de la souffrance sociale réelle, le vote Front national est faible et le prolétariat est élevé. Mais dans les quartiers immédiatement voisins, c'est la peur de "tomber dans le prolétariat" qui excite une espèce de vote Front national conçu comme une sorte de réponse à la menace.
Emmanuel Négrier, chercheur en sciences politiques à Montpellier

La droite, elle aussi, tente de résister à la montée du Front national. Un combat très difficile dans le Gard, comme l'explique le Billet politique de Frédéric Says :
Dans le Gard, l'âpre lutte entre LR et le FN
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Les propositions des candidats
Comme chaque jour, voici les principales mesures au programme des onze candidats à la présidentielle à ces sujets.
Nathalie Arthaud
- Permettre à la population de participer directement aux tâches de police et de contrôler en permanence ceux qui les effectuent
François Asselineau
- Plan quinquennal police-gendarmerie de redressement des moyens et des conditions de vie en portant à 20 milliards d’euros le budget sécurité
- Interdire toute privatisation dans le secteur de la sécurité et de la défense nationale
- Réintégrer la Gendarmerie sous autorité du Ministère de la Défense
- Prévenir l’insécurité et la violence par la restauration de l’autorité de l’Etat et de la loi, par l’éducation et la promotion d’une société de non-violence, par la baisse du chômage, par la fin des guerres illégales auxquelles participe la France
Jacques Cheminade
- Construction de 10 000 places de prison supplémentaires
- Création d’au moins 2 000 nouveaux postes de conseillers d’insertion et de probation pour réintégrer les condamnés dans notre société en prévenant les récidives
- Interdiction des jeux vidéo violents lorsqu’ils mettent en scène des actes de torture ou de crime et la pratique de tirs instinctifs et pénaliser plus lourdement la consultation répétitive de sites djihadistes
- Une réserve opérationnelle de 100 000 réservistes, aboutissement d’un service civique, militaire ou civil de 6 mois
Nicolas Dupont-Aignan
- Instaurer des peines planchers de prison ferme pour toutes agressions de fonctionnaires de police, de gendarmerie ou de pompiers
- Rétablir les contrôles aux frontières et supprimer les accords de Schengen
- Créer une Cour de sûreté de la Nation
- Créer des établissements pénitentiaires éloignés
- Expulser tout étranger condamné pour un crime ou un délit passible d’emprisonnement
- Mettre en place la rétention de sûreté pour les condamnés au motif de terrorisme à la fin de leur peine
François Fillon
- Créer 16 000 places de prison
- Créer 5 000 postes de policier
- Un milliard d’euros supplémentaire sur 5 ans pour la police
- Baisser la majorité pénale à 16 ans
- Rétablir les peines planchers instaurées par Nicolas Sarkozy, supprimées par François Hollande
- Réformer les services de renseignement et augmenter les moyens humains et matériels
- Déchoir de la nationalité française les Français partis combattre à l’étranger et leur interdire l’entrée sur le territoire national
- Donner le pouvoir aux préfets pour fermer les lieux de culte jugés de nature à porter une menace à l’ordre public et à la sécurité intérieure
Benoît Hamon
- Rétablissement de la police de proximité
- Remplacer tous les départs en retraite de policiers et gendarmes et création de 5 000 postes
- Attribution d’une prime en zone de sécurité prioritaire à l’ensemble des gendarmes et policiers, ainsi que dans les outre-mer
- Création du récépissé de contrôle d’identité pour lutter contre les contrôles au faciès et améliorer la relation police - citoyen
- Favoriser les peines alternatives et la réinsertion
- Renforcer les services de renseignement
- Débat sur l’Etat d’urgence dès l’été 2017 afin d’en limiter le recours
Jean Lassalle
- « Civil ou militaire » le service national sera rétabli
- Arrêt des interventions militaires françaises à l’étranger
Marine Le Pen
- Rétablir les peines planchers, supprimer les remises de peine automatiques, instaurer une perpétuité incompressible
- 15 000 policiers et gendarmes supplémentaires
- 40 000 nouvelles places de prison
- Rétablissement d’un service militaire
- Déchéance de nationalité et interdiction du territoire pour les binationaux liés à une filière djihadiste
- Expulsion des étrangers proches du « fondamentalisme islamiste » et fermeture des « mosquées extrémistes »
Emmanuel Macron
- Service militaire d’un mois, obligatoire et universel, pour renforcer la garde nationale si nécessaire
- Recruter 10 000 policiers et gendarmes et rétablir une police de proximité
- Créer 15 000 places de prison
- Lever l’Etat d’urgence et réduire l’opération Sentinelle si la menace diminue
Jean-Luc Mélenchon
- Impliquer davantage les citoyens dans la défense (service civique ou militaire obligatoire, garde nationale)
- Augmenter les effectifs de policiers et gendarmes au niveau de 2007
- Alternatives à la prison
- Fin de l’Etat d’urgence et de l’opération Sentinelle
- Evaluation des lois antiterroristes
- S’attaquer au financement des activités terroristes
Philippe Poutou
- Lutter contre « les violences » d’un « Etat policier »
- Désarmement de la police « au contact de la population » afin de lutter « contre les violences policières »