Âge légal, âge pivot, âge du taux plein : comprendre la réforme des retraites
Par Anne-Laure JumetDans le projet de loi sur les retraites, la modification de l'âge légal figure parmi les pistes possibles pour atteindre l'équilibre. Mais de quoi parle-t-on précisément ? Entre âge légal, âge pivot et âge de la retraite à taux plein, on commence à être un peu perdu. Décryptage.
Pour appréhender le futur régime par points, il est nécessaire de savoir d'où l'on part. L'âge pivot a été au cœur des débats, mais que recouvre précisément cette notion ? Est-ce la même chose que l'âge d'équilibre ou y a-t-il des nuances ? La décote liée à l'âge pivot est-elle une nouveauté ou existe-t-elle déjà dans le système actuel ? Voici des clés pour comprendre.
- 62 ans : l'âge légal de départ
L'âge légal de départ est celui auquel on peut commencer à faire valoir ses droits à la retraite. Depuis la réforme Woerth de 2010, il est fixé à 62 ans, et s'applique à partir de la génération 55. Il y a toutefois quelques exceptions à cette règle, comme les carrières longues et les bénéficiaires des régimes spéciaux, qui peuvent partir plus tôt à la retraite. Mais âge légal n'est pas synonyme de taux plein.
Notre système de retraites repose en effet sur une double condition : l'âge de départ et la durée de cotisations. Pour avoir une retraite à taux plein, soit une pension équivalente à 50 % du salaire annuel moyen, il faut avoir cotisé un certain nombre de trimestres ; soit, selon la génération concernée, 42 ou 43 annuités. Si ce n'est pas le cas, la pension sera inférieure à ce qu'elle aurait pu être : il y aura une décote par trimestre manquant. Dans le détail, chaque trimestre manquant – dans la limite maximum de 20 – réduit le taux de 0, 625%. La loi fixe toutefois un plancher : le taux ne peut descendre en dessous 37,5 % du salaire mensuel annuel.
- 67 ans : l'âge du taux plein automatique
A cet âge, autrement appelé âge d'annulation de la décote, il est possible de partir à la retraite, en bénéficiant du taux plein, même si la durée de cotisations requise n'est pas atteinte. Cet âge est fixé à 67 ans, à partir de la génération 55. Attention cependant, la pension est calculée au prorata du nombre de trimestres cotisés. Autrement dit, retraite à taux plein ne signifie pas nécessairement retraite pleine. Elle peut être rabotée si on a commencé à travailler tard ou si on a une carrière hachée. Dans cette dernière catégorie, on trouve notamment des femmes, qui se sont arrêtées pour avoir des enfants, même si chaque enfant leur permet aujourd'hui d'acquérir "gratuitement" 8 trimestres supplémentaires. Par exemple, un assuré né en 1957 qui n'a validé que 120 trimestres au cours de sa carrière, ne dispose que de 73 % de la durée d'assurance requise. Sa pension s'élèvera donc à 50 % de 73 % de son salaire annuel moyen.
- L'âge pivot ou l'âge d'équilibre
C'est la notion qui a fait couler beaucoup d'encre, depuis que la réforme des retraites est sur les rails. Un système conçu pour allonger l'âge de départ à la retraite, sans pour autant toucher à l'âge légal. Avec lui, l'âge du taux plein automatique disparaît. Tel qu'il a été conçu par le Haut commissaire en charge des retraites, cet âge ne dépendra plus, comme aujourd'hui, d'une durée de cotisations, mais sera identique pour toutes les personnes d'une même génération.
En dessous de cet âge, les retraités subiront une décote sur le taux appliqué à leur salaire annuel, quand bien même ils auraient tous leurs trimestres. De quoi inciter à travailler plus longtemps, c'est le calcul fait par le gouvernement.
Le compromis négocié par le Premier ministre Edouard Philippe avec les syndicats réformistes CFDT, CFTC et Unsa retire provisoirement cette notion d'âge pivot pour équilibrer les comptes à horizon 2027, dans l'attente de solutions alternatives. Mais elle reste bien, en revanche, inscrite dans le projet de loi comme élément de pilotage de la réforme, une fois que le futur régime par points sera entré en vigueur. Sont concernées les générations 75 et suivantes, qui partiront à la retraite en 2037.
Selon l'étude d'impact préliminaire annexée au projet de loi, l'âge d'équilibre serait de 65 ans pour les personnes nées en 1975. Il serait ensuite susceptible d'augmenter "au fur et à mesure des gains d'espérance de vie". En dessous de l'âge d'équilibre ou pivot, il y aura une décote de 5 % par année d'anticipation. A l'inverse, pour chaque année supplémentaire en activité, les assurés empocheront un bonus de 5 %.
- L'âge pivot : vraiment nouveau ?
Il existe déjà dans le régime complémentaire des salariés du privé, Agirc-Arcco, depuis le 1er janvier 2019. La grande différence avec la réforme envisagée par le gouvernement est qu'il est appliqué de manière transitoire. Ainsi, le salarié né en 1957 et au-delà, qui a tous ses trimestres, doit partir à 63 ans pour avoir une complémentaire à taux plein. S'il descend en dessous (62 ans), sa pension complémentaire sera réduite de 10 % pendant trois ans. S'il reste jusqu'à 64 ans, il percevra 10 % de bonus, pendant seulement un an, chaque année supplémentaire de travail lui rapportant 10 % de bonus supplémentaire, toujours pendant un an.
- Et si l'âge légal n'était plus fixé à 62 ans ?
Le projet de loi réformant les retraites liste les options possibles pour équilibrer le régime. Parmi elles, le recul de l'âge légal de départ. S'il était décidé de reculer cet âge de 62 à 63 ans par exemple, cela signifierait qu'il faudrait attendre un an de plus pour faire valoir ses droits à la retraite. Ce qui serait un sérieux coup de canif à la promesse faite par Emmanuel Macron pendant sa campagne, et martelée depuis, de maintenir l'âge légal à 62 ans. Interrogé sur le sujet, Matignon assure que mentionner dans le texte "l'âge d'ouverture des droits à retraite" comme possible levier pour assurer l'équilibre des comptes est une "simple obligation juridique". "L'âge légal de départ restera bien à 62 ans" assure-t-on dans l'entourage du Premier ministre.