Agents de la DCRI, votre nom est-il encore secret-défense ?

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Agents de la DCRI, votre nom est-il encore secret-défense ?

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Un jugement de la 17ème chambre met en péril la loi qui interdit de divulguer l'identité des agents de renseignement.

Le siège de la DCRI, à Levallois-Perret.
Le siège de la DCRI, à Levallois-Perret.
- Jean-Baptiste Quentin

Leur nom figure en toutes lettres dans un livre. Cinq agents de la DCRI ont donc porté plainte contre les trois auteurs de "L'espion du président" (Christophe Labbé et Olivia Recasens du Point, Didier Hassoux du Canard Enchaîné). Une plainte en vertu de la loi Lopssi 2 de 2011. Ce texte renforce l'arsenal anti-terroriste et **punit de 5 ans de prison et 75 000 euros d'amende maximum la révélation de l'identité ** d'agents de renseignement.

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Or, cette loi est trop floue, selon la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris. Dans le jugement rendu mardi 18 mars, que France Culture s'est procuré, les juges notent que "toute infraction doit être définie en des termes clairs et précis". Or la loi Lopssi 2 évoque simplement "les agents des services spécialisés de renseignement". Et n'établit aucune liste desdits services. Ce n'est donc pas en raison de leur métier - journalistes - que les trois prévenus ont été relaxés. Mais bien parce qu'il existe une faille dans la loi française.

Alors que les plaidoiries avaient tourné autour de la liberté de la presse, le jugement ne fait pas une seule fois mention de la profession des prévenus, ni du devoir d'informer.

Le jugement du tribunal permet donc en théorie à n'importe quel citoyen de divulguer le nom d'agents de renseignement.

Si le ministère public et les parties civiles ne font pas appel - ils ont dix jours à partir du jugement -, la décision de la 17ème chambre pourrait faire jurisprudence . Explication de Frédéric Rolin , professeur de droit public à l'université Paris-Sud et avocat à la Cour :

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La nuance introduite par Frédéric Rolin est importante : la 17ème chambre, qui statue sur des affaires de droit de la presse a voulu envoyer une alerte au législateur . Mais il n'est pas certain qu'un tribunal, saisi dans le cadre d'une affaire de terrorisme - où l'un des prévenus aurait par exemple diffusé le nom d'un agent - irait dans le même sens.

Pour autant, il ne faut pas prendre de risque, selon Jean-Jacques Urvoas. Le député PS, président de la Commission des lois, estime qu'il faut un nouveau texte rapidement :

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Contactée, la DCRI indique qu'elle ne "souhaite pas commenter une décision de justice". L'avocat des cinq agents indique lui, que la décision de faire appel "n'a pas encore été prise".

**Edit jeudi 20 mars à 15h : selon les informations de France Culture, le ministère public a décidé de faire appel. Un nouveau procès va donc avoir lieu. **
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