Mort il y a 20 ans, en septembre 1998, le maître du cinéma japonais a laissé derrière lui une oeuvre prolifique. France Culture vous propose de redécouvrir cinq de ses chefs-d'oeuvre, à travers ses émissions.
Il était surnommé "L'Empereur" du cinéma japonais, en raison de sa façon dictatoriale de réaliser ses films. Il y a 20 ans mourrait Akira Kurosawa, à l’âge de 88 ans. Le réalisateur japonais, auteur de 33 films, était connu pour son jusqu’au-boutisme dans la création de ses œuvres : cinéaste de terrain, il conservait la maîtrise de chacun de ses films de bout en tout, de l’écriture du scénario à la production, en passant par la conception, la réalisation et le montage.
Marqué très jeune par le suicide de son frère, qui lui a fait découvrir le cinéma et dont il se sentait le dépositaire, Akira Kurosawa devient assistant réalisateur en 1935. Ses premiers films, Uma sorti en 1941, puis La Légende du grand judo, sorti en 1943, lui font acquérir une certaine notoriété au Japon. Mais c’est avec la sortie de son film Rashōmon, en 1950, qu’Akira Kurosawa se fait remarquer sur la scène internationale. Dès lors, il devient un des cinéastes les plus influents de l’histoire du septième art. Son travail - plus particulièrement son film Les Sept Samouraïs -, n’aura de cesse d’inspirer d’autres réalisateurs.
A l’occasion de l’anniversaire de sa mort, nous vous proposons de redécouvrir cinq films d’Akira Kurosawa, à travers les émissions de France Culture qui lui ont été consacrées.
1950 : Rashōmon
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En 1950, Akira Kurosawa, prolifique, réalise deux films. Le premier, Scandale, s’inspire de ses propres déboires avec la presse à scandale. Mais c’est avec Rashōmon, paru la même année, que Kurosawa rencontre le succès à l’étranger. A l’été 1950, le réalisateur tourne ce film au Japon, dans la forêt de Nada. L’intrigue se déroule au Xe siècle, près de Tokyo : les protagonistes du film content l’histoire d’un procès, où quatre personnes ont présenté une version différente d’un même crime. Chaque intervention apporte ainsi de nouvelles informations, jusqu’au dénouement final.
Tournant en pleine période d'occupation américaine du Japon, Akira Kurosawa rencontre des difficultés à produire le film en raison de la politique de censure. Les combats au sabre et les samouraïs sont notamment interdits. Lors de sa sortie, en 1951, Rashōmon rencontre un succès mitigé, jusqu’à sa sélection pour la Mostra de Venise. A la surprise générale, le cinéma japonais étant encore alors très méconnu, Rashomon remporte le Lion d’Or en septembre 1951.
Ainsi, en 1963, dans l’émission Connaître le cinéma sur les ondes de la RTF, le critique de cinéma Jean Carta, lors d’un débat public, expliquait en quoi la remise en question de la véracité de l’image était, chez Kurosawa, novatrice :
Vous avez un film considérable dans l’histoire du cinéma car il s’inscrit dans un courant, avec quelques autres films qui mettent en question l’image par la multiplication des témoignages. [...] Chaque image a l’objectivité même de l’image, et en même temps on se dit “Ah non il y a quelque chose qui ne va pas puisque tout à l’heure on a vu le contraire”. Cette chose qui a été impossible à dépasser pendant 50 ans au cinéma, le fait que l’image donnait la vérité même puisqu’elle reproduisait photographiquement la réalité... là brusquement vous avez un dépassement puisque par le biais de la multiplication des témoignages sur un seul fait, cette image est remise en question. Nous entrons à ce moment là dans un cinéma beaucoup plus complexe, qui est je trouve le cinéma moderne, qui est le cinéma de l'ambiguïté psychologique.
La Tragédie poétique : Akira Kurosawa, Rashomon (Connaître le cinéma, 19/05/1963)
39 min
1954 : Les Sept Samouraïs
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Impossible d’aborder Akira Kurosawa sans évoquer son film le plus connu. Sorti en 1954, Les Sept Samouraïs régulièrement cité dans les meilleurs films de l’histoire du cinéma, raconte comment, au XVIe siècle, dans le Japon médiéval, un village recrute sept samouraïs pour affronter les bandits qui pillent la région.
Ce film proche de l’épopée, inspiré des westerns, rencontre un succès mondial et achève de faire d’Akira Kurosawa une célébrité du cinéma. A nouveau sélectionné pour la Mostra de Venise, il remporte cette fois le Lion d’argent.
L’émission Mauvais Genre revenait, en janvier 2015, sur les figures du combattant en Orient et en Occident, et ne pouvait, comme l’expliquait François Angelier, faire l’impasse sur le chef d’oeuvre de Kurosowa. Pour la critique de cinéma et écrivaine Hélène Frappat, il s’agit de “la matrice de tous les films de combat” :
Kurosawa disait “plus un film est japonais, plus il est universel”. Ca résume assez bien la postérité de ce film, qui est un film matrice. Ca fait un peu penser à ce qu’a fait Griffith au début du cinéma américain, c’est-à-dire cette manière d’inventer toute la grammaire d’un art, qui sera reprise, développée. [...] Là c’est la matrice de tous les films de combat, et de toute cette figure du combattant qu’on retrouve. Il a voulu faire un western japonais. C’est-à-dire égaler, sur un terrain qui est un autre terrain, ne serait-ce que celui du paysage… C’est crucial [...] cette question du territoire qui n’est pas la même. Pour égaliser avec Hollywood, il va faire avec ses armes, qui sont celles du Japon : la boue, les pluies torrentielles, diluviennes, qu’on retrouvera notamment dans la bataille finale complètement hallucinante.
C’est un film fascinant, captivant. Il y a un sens éthique de la mise en scène. La question est : qu’est-ce que c’est qu’un samouraï finalement ? Kurosawa était descendant lui-même d’un samouraï. Dans son film, c'est quelqu’un qui se pose constamment des questions d’ordre éthique, qui a des choix à faire.
Figures du combattant Orient/Occident : Huston, Cimino, Kurozawa, Uchida, Evans (Mauvais Genres, 24/01/2015)
58 min
1961 et 1962 : Yojimbo et Sanjuro
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En 1961 puis en 1962, Akira Kurosawa réalise deux films s’attaquant à un même thème : le personnage du samouraï errant, ou ronin. C’est l’acteur fétiche du réalisateur, Toshiro Mifune, qui incarne le rôle titre.
Dans Yojimbo, ou Le Garde du Corps en français, un samouraï errant, Sanjuro aide un village malmené par deux clans rivaux : en s’alliant à tour de rôle à chacun des deux clans, il va les pousser à s’entretuer. Le film inspirera Segio Leone qui, en 1964, en fera son propre remake : Pour une poignée de dollars, avec Clint Eastwood.
La maison de production de Kurosawa, la Tōhō, sentant arriver à raison le succès au box office, lui réclame une suite avant même sa sortie en salle. Ce sera le film éponyme Sanjuro, qui conte cette fois l’histoire de neufs samouraïs souhaitant s’attaquer à la corruption dans leur propre clan et la façon dont le samouraï errant vient leur prêter main forte. Sorti en janvier 1962, le film surpasse Yojimbo au box office.
En janvier 2017, à l’occasion d’une rétrospective consacrée à Kurosawa, l’émission Mauvais Genres s’attardait sur ces deux œuvres emblématiques de la filmographie du cinéaste japonais. Le critique de cinéma Philippe Rouyer rappelait l'humour noir dont sont empreints ces deux films :
Ces deux films, deux films de sabre, viennent s’intercaler entre deux films policiers. Et c’est très intéressant parce qu’évidemment ils se répondent. Kurosawa ne fait pas du film de sabre pour faire du film de sabre, ce qui l’intéresse c’est de créer une esthétique. Mais il y a aussi tout un propos. [...] Ce qui coule aussi dans le sang de Yojimbo, c’est [l’écrivain] Dashiell Hammet. Et ça Kurosawa l’a toujours dit, qu’il était très influencé par Moisson Rouge et par La Clé de Verre. Ça nous permet de mieux comprendre cette histoire de ronin, de samouraï sans maître. Pour bien comprendre Yojimbo et Sanjuro, il ne faut pas négliger l’extraordinaire ironie que porte le personnage : c’est un espèce de sage au milieu de l’action.
La Voie du sabre : Yojimbo et Sanjuro d'Akira Kurosawa (Mauvais Genres, 21/01/2017)
1h 00
1965 : "Barberousse"
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En 1964, Kurosawa réalise Barberousse, inspiré des nouvelles de Shūgorō Yamamoto - dont il s’est déjà inspiré pour Sanjuro - ainsi que de Humiliés et offensés de Dostoïevski. Dans ce film, le cinéaste donne à voir la relation entre un médecin surnommé Akahige (Barberousse), et son nouvel assistant. En opposant les deux personnages, Kurosawa dénonce l’injustice sociale.
Le film, sorti en 1965, est un immense succès au Japon, mais peine à convaincre à l’étranger.
En 1978, dans l’émission Le Cinéma des cinéastes sur France Culture, le présentateur Claude Jean-Philippe et deux étudiants en maîtrise de japonais étaient venu présenter le film et les thématiques qu’il abordait :
Le maître [Barberousse] aurait pu avoir une carrière très brillante, c'est suggéré. Il a choisi de s’occuper des pauvres et des déshérités. Et il dit [à l'assistant] : "avec moi tu ne seras pas un médecin mondain, tu soigneras des gens mais ce ne sera pas su, l’hôpital est plein de malades et de déshérités, et tu n'en tireras aucune gloire personnelle". Il veut brusquer, dire voilà la vie ici, ce n'est pas beau, c'est dur, mais c'est la réalité. Si tu parviens à surmonter ça tu verras le sens de la vie, chez les déshérités, chez les gens qui souffrent. Parce que les gens qui souffrent, c'est une des obsessions de Kurosawa, physiquement ou moralement du reste.
Akira Kurosawa (Le Cinéma des cinéastes, 22/01/1978)
49 min
Barberousse marque néanmoins la fin d’une période faste pour Kurosawa, à une époque où la télévision gagne peu à peu sur le cinéma.
1985 : Ran
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En 1985, le cinéaste japonais réalise Ran, cette fois inspiré de l’oeuvre Le Roi Lear, de Shakespeare. Fasciné par l’histoire de Motinari Mori, chef de guerre japonais au XVIe siècle, Kurosawa dépeint une grande fresque historique où les fils d’un seigneur de guerre réputé pour sa sagesse se disputent son héritage.
Tourné sur les pentes du mont Fuji, Ran, avec un budget de 12 millions de dollars, est à l’époque le film japonais le plus cher jamais réalisé et le dernier grand film épique signé Kurosawa.
A l’occasion de la première du film, dans l’émission Les Nuits magnétiques, en octobre 1985, Akira Kurosawa lui-même avait répondu aux question de Serge Toubiana et Hélène Pommier :
Je dépeins les êtres humains tels qu’ils sont. En fait ils ne font que répéter les mêmes erreurs, les mêmes horreurs, les mêmes actes sanguinaires et violents depuis la nuit des temps. Et on n'a pas encore compris qu'on doit arrêter la guerre. Pour le pouvoir les hommes continuent à répandre le sang, à se battre. Pour combien de temps les êtres humains vont continuer à se comporter de cette manière absurde. J’ai montré la réalité, la question est de savoir combien de temps elle va durer.
Le cinéaste Kurosawa (Nuits Magnétiques, 08/10/1985)
1h 00
Pour en apprendre plus sur Akira Kurosawa, surnommé “l’Empereur”, n’hésitez pas à écouter l’émission Une Vie Une Oeuvre qui lui avait été consacrée en 2016 :
Akira Kurosawa, l’autre samouraï (1910- 1998) (Une Vie, une oeuvre, 27/02/2016)
59 min