Littérature | Son dernier roman, "J'ai couru vers le Nil" (Actes Sud, 2018), a été interdit en Égypte. Alaa El Aswany parle de la dictature, des femmes voilées et du rôle du romancier : donner la parole aux sans voix.
Dans son roman paru en 2018 chez Actes Sud, J'ai couru vers le Nil, l'écrivain Alaa El Aswany raconte sa vision de la révolution égyptienne de 2011. Une révolution qui a transformé la condition des femmes, incarnée par le personnage d'Asma, jeune enseignante qui refuse de se voiler.
Le voile, les femmes et la révolution
Alaa El Aswany : "J’ai un personnage qui s’appelle Asma. Cette fille incarne la souffrance que la femme égyptienne a vécue. Pendant la révolution, avant la révolution et après la révolution. Asma est une jeune révolutionnaire qui a eu beaucoup de problèmes pendant et avant la révolution. Parce qu’elle a trouvé une corruption incroyable à l’école quand elle enseignait. Le directeur de l’école a créé un problème avec elle parce qu’elle n’était pas voilée, et on utilise le fait qu’Asma ne soit pas voilée pour la punir.
Moi je pense que la révolution a commencé à pousser un mouvement de libération pour tout le monde. Les femmes sont inclues, parce que maintenant on ne voit plus le voile en Égypte comme on le voyait avant. Qu'une femme soit voilée ou non en Égypte, ça ne fait plus grande différence, grâce à la révolution."
L'art du romancier
Alaa El Aswany : "C’est à travers ces personnages que l’on peut vraiment sentir la souffrance humaine. Le roman est un art pour les êtres humains, écrit sur les êtres humains, pour les êtres humains. Il s’agit toujours de gens qui n’ont pas de voix, qui souffrent dans le silence. C’est le rôle du romancier d’essayer d’être le porte-parole, de transmettre la voix des gens qui n’ont pas de voix, qui souffrent silencieusement."
La censure
Alaa El Aswany : "Ce roman a été interdit en Égypte et est interdit malheureusement dans tous les pays arabes sauf dans trois pays : la Tunisie, le Maroc et le Liban. Le livre a été publié au Liban. Le problème c’est que le régime en Égypte ne peut pas tolérer un roman pareil parce que c’est presque un miroir, dans lequel on voit la dictature. La dictature dans tous les aspects, pas seulement l’aspect politique, mais aussi l’aspect social, et familial. Il y a une dictature toujours contre les femmes. On doit avoir la conscience, la vision que c’est grâce à la révolution qu’il y a pas mal d'Égyptiens qui voient exactement, avant c’était clair pour eux ce qu’ils ne voulaient pas mais maintenant ils savent ce qu’ils veulent. Et c’est grâce à la révolution."