Alcool, douane, mousson : 3 voyages de mots arabes en français
Par Camille Renard, Anne FauquembergueAujourd'hui, vous étiez dans le coton (mot arabe) : vous n'avez pas bu votre café (mot arabe) avant de partir. Prenez un petit sucre (mot arabe) pour refaire le plein. Quelques 500 mots couramment utilisés en français viennent de l'arabe. Voici le voyage de trois d'entre eux.
Aubergine, chèque, mazout, azur, coton, café… Aujourd’hui, plus de 500 mots couramment utilisés en français portent la marque de l’arabe ; il y en a plus que de mots gaulois. En cette journée mondiale de la francophonie, voici le voyage de trois de ces mots de l’arabe au français : “alcool”, “mousson”, “douane”.
1/ Alcool - Al-kuhl
Le “kuhl” est à l’origine une fine poudre noire de sulfure de plomb et d’antimoine. Au temps des pharaons, les Égyptiennes l’utilisent comme collyre pour bébé et fard à paupières. Le mot passe dans le latin médiéval des clercs sous la forme “alcohol” en gardant ce sens cosmétique. On le retrouve en 1499 en espagnol chez l’héroïque du roman La Celestina. À la Renaissance, chez les alchimistes, il désigne toute substance pulvérisée. En 1525 en Allemagne, l’alchimiste Paracelse change le sens du terme “alcohol vini” désigne alors l’esprit de vin ou le produit d’une distillation. Le terme arrive tel quel dans le français au XVIe siècle. Il prend sa forme actuelle, sans /h/ entre les deux /o/ au XIXe siècle.
2/ Mousson - mawsim
Ce mot exotique est venu de l’arabe par des chemins tortueux. Pour les navigateurs arabes, “mawsim” désigne les vents du sud-est qui permettent de naviguer de l’Afrique à l’Inde. En 1498, un pilote arabe guide Vasco de Gama sur l’océan indien. Quand le pilote prononce “mawsim”, les marins portugais retiennent “mauçam”. La prononciation “mauçao” se fixe ensuite en portugais. Le mot arrive en français dans sa forme actuelle au XVIIe siècle, via les Pays-Bas.
3/ Douane - diwan
En 3 500 avant Jésus-Christ en Mésopotamie, les premiers textes sont écrits sur des tablettes d’argile, les “dub”. En babylonien, par extension, le terme désigne un document ou un registre et devient “dipi” en vieux perse. Puis la forme “diwan” arrive chez les Arabes et s’étend au bureau fiscal qui tient les registres. L’administration arabe, qui dure deux siècles en Sicile transforme l’arabe “diwan” en “duana” latin. Un document pisan de 1154 désigne par “doana” un bureau de contrôle des entrées et des sorties d’un port. Au XIVe siècle, “doane” s’impose en Europe avant que la graphie “douane” ne se fixe en France au XVIIe siècle d’Ormesson. “La langue française est un trésor, c’est évident”.