
Cartographie. Le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD, Alternative für Deutschland) s'est choisi ce samedi une nouvelle direction bicéphale. À l’occasion de son congrès réuni à Brunswick, analyse de son implantation dans le pays.
L'AfD s'est doté ce samedi après-midi d'un nouveau binôme de dirigeants : son président, le député européen Jörg Meuthen, réélu à 58 ans, et Tino Chrupalla, 44 ans, coprésident qui succède au patriarche Alexander Gauland, 78 ans, qui souhaitait passer la main.
Ce duo est censé contenter modérés et radicaux, dont l'influence ne cesse de s'étendre dans ce jeune parti d'extrême droite tiraillé de longue date par des rivalités internes.
Troisième force politique au Bundestag, derrière la CDU et le SPD, l'AfD stagne actuellement au niveau national entre 13 et 15% des intentions de vote. Mais elle s'est enracinée à l'Est et fait entendre une voix que l'on entendait plus depuis la Seconde Guerre mondiale.
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Deuxième force politique dans l'ex Allemagne de l'Est
Aux dernières élections législatives, en septembre 2017, l’AfD a recueilli 12,6% des voix. Avec de grandes différences entre les Länder (régions).

Dans l’ex-Allemagne de l’Est, le parti d’extrême-droite a recueilli 22% des voix en moyenne, s’imposant comme la deuxième force politique derrière la CDU (l’Union chrétienne démocrate d’Angela Merkel).
A l’Ouest, l’AfD a fait un score moyen de 11%. Et ce parti peine encore plus à s’implanter dans le nord-ouest dans des villes-états comme Hambourg et Brême et dans les Länder du Schleswig-Holstein, de Basse-Saxe et de Rhénanie-du-nord-Westphalie.
Cette tendance d’un parti plus fort à l’Est s'est confirmé en 2019. Lors des élections régionales dans trois anciennes régions d’ex-RDA, il y a quelques semaines, l’AfD a de nouveau démontré sa plus forte implantation à l’Est. Le 1er septembre, dans le Brandebourg, cinq ans après le précédent scrutin régional, Alternative pour l’Allemagne n’est pas loin de doubler son score et passe de 12,2% à 23,5%. Le même jour, en Saxe, il est proche de tripler son score, de 9,7% à 27,5%. Dans ces deux régions, en cinq ans, il est passé de la quatrième place à la deuxième.
Idem quelques semaines plus tard, le 27 octobre : la Thuringe place l’AfD en deuxième position avec près d'un quart des voix contre 10,6% en 2014. La dynamique est partout la même à l’Est, trente ans après la chute du Mur de Berlin. Signe que l’aile droite prend le contrôle du parti.
Une ligne anti-islam et anti-immigration plus radicale
Cette faiblesse à l’Ouest est un paradoxe pour un parti crée (à l’Ouest) dans la banlieue de Francfort en 2013 sur un discours anti-euro. C’est que depuis sa création, Alternative pour l’Allemagne a changé de discours, préférant une ligne anti-islam et anti-immigration et un ton beaucoup plus radical. A l’image des têtes de liste de l’AfD dans le Brandebourg et en Thuringe, Andreas Kalbitz et Björn Höcke. Deux hommes que l’on retrouve au sein de l’aile droite de l’AfD, « Der Flügel », « l’aile » en français, la frange la plus populiste, nationaliste et radicale du parti d’extrême-droite. Björn Höcke, par exemple, puise sa rhétorique sans aucune gêne dans le national-socialisme. Il prône la défense de l’identité allemande, une vision positive de l’histoire du pays, « cessons d’être des moutons et soyons des loups » déclare-t-il souvent.
Jamais en Allemagne depuis la Seconde Guerre mondiale, la parole radicale d’extrême droite n’a eu autant de place, de ressources et de pouvoir.
Au risque d'une prochaine interdiction du parti
L'AfD est devenue il y a deux ans la première force politique d’opposition en faisant son entrée au Parlement, en libérant une parole qui depuis la fin de l’Allemagne nazie était devenue taboue. Cela fait deux ans que l’aile dure du parti, qui ne pesait guère que 30% des adhérents, gagne en légitimité au fur et à mesure que cette ligne prouve son efficacité électorale. Si bien que parmi ceux qui ce week-end, lors de ce congrès, pourraient accéder aux postes à responsabilité, on retrouve pêle-mêle des antisémites, des révisionnistes et des négationnistes. Ou bien encore des complotistes, des racistes et des xénophobes tous très ouvertement proches des mouvements islamophobes PEGIDA en Saxe et du plus récent THUGIDA en Thuringe, la région de Björn Höcke. Des gens proches de la scène néo-nazie.
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Trente ans après la chute du mur de Berlin, tous ceux-là répètent que la Chancelière Angela Merkel est un despote qui bride la liberté d’expression comme du temps du régime communiste de la RDA. Un mensonge qui passe encore mieux parce qu’elle est au pouvoir depuis longtemps, depuis 2005. Et ce discours fonctionne chez les ex-Allemands de l’Est qui ont connu la dictature.
Ce congrès devrait asseoir cette ligne, cette orientation stratégique, payante ces derniers mois électoralement mais risquée puisque l’AfD, avec ce discours de plus en plus radical, est un parti désormais placé sous la surveillance des services de renseignement et de protection de la constitution et qui risque d’ici le printemps l’interdiction pure et simple.
Avec la collaboration de Chadi Romanos et d'Éric Chaverou