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El Estadio Nacional, le Stade National, qui porte aujourd'hui le nom de Stade Victor Jara, fut transformé en centre de détention lors du coup d'Etat du 11 septembre 1973 au Chili.
Le Stade Victor Jara aujourd'hui © M-Pomarède/RF

Les tribunes ©M-Pomarède/RF
Historique
El Estadio Nacional fut construit sur le site de l'ancien stade de Nunoa. Le « colosse de Nunoa » fut inauguré le 3 décembre 1938 par le Président de la République du Chili, Arturo Alessandri Palma. Cet « éléphant blanc », comme l'appelait parfois Alessandri, fut conçu par l'architecte et urbaniste autrichien Karl Brunner comme un grand centre de sport et de loisirs pour la capitale, dans le cadre du premier « Plan Intercommunal Métropolitain de Santiago ». Karl Brunner s'est inspiré du Stade Olympique d'Amsterdam pour la construction. A l'origine, il avait une capacité moins importante que celle de maintenant. Le vélodrome fut construit à l'occasion de la Coupe Mondiale de Football en 1962, et l'enceinte sportive fut entièrement remodelée : la capacité d'accueil augmentée, et le vélodrome déménagé du Colisée central.

Un vestiaire ©M-Pomarède/RF
Camp de concentration
Selon le rapport de la Commission nationale sur les prisonniers politiques et la torture, l'Estadio Nacional fut utilisé comme camp de concentration entre septembre et novembre 1973, après le coup d'Etat au Chili. Les prisonniers étaient séparés par sexe, les femmes enfermées dans l'enceinte de la piscine, et les hommes sur les gradins du terrain de foot. La nuit, ils dormaient dans les vestiaires du stades dans des conditions très dures: serrés les uns contres les autres, pas de matelas au sol, très peu de couvertures, obligés de piétiner leurs camarades pour se rendre aux toilettes. Le vélodrome et les tribunes servaient pour les interrogatoires. Des femmes furent torturés dans les tribunes présidentielles par décharges électriques, battues, violées. Les hommes étaient conduits au vélodrome les yeux bandés ou entièrement cachés sous des couvertures. Ils étaient brûlés, torturés avec la technique de la "camillas" (allongés sur des sommiers métalliques parcourus de décharges électriques), pendus et frappés. Les hauts-parleurs du stade diffusaient alors en boucle les Beattles ou les Rolling Stones pour que la population vivant alentour n'entendent pas les cris des prisoniers. 38 prisonniers furent éxécutés selon les chiffres officiels, mais on estime qu'ils furent beaucoup plus nombreux, en plus des prisonniers morts sous les coups de la torture.

40 000 prisonniers
40 000 prisonniers passèrent par l'enceinte de l'Estadio Nacional pendant deux mois, sous la dictature de Pinochet. Le satde dû être évacué la première semaine de novembre 1973 pour accueillir le match de foot Chili contre Union Soviétique lors de la Coupe du Monde. 900 furent alors transférés au Camp de Prisonniers de Chacabuco, à une centaine de kilomètres de Antofagasta, au nord du Chili. Beaucoup furent finalement libérés.
Les douches ©M-Pomarède/RF

Plaque du souvenir
Cette plaque rappelle que le stade a été le lieu de tortures et de violations des droits de l'homme. Actuellement le stade est administré par l'Institut National de Sport du Chili. Il est déclaré Monument Historique National. Les élections présidentielles de 2001 ont eu lieu dans le stade, ce qui a choqué certaines personnes qui y avaient été détenues. Elles voient une contradiction dans le fait que des élections démocratiques soient organisées dans le lieu même utilisé par la dictature de Pinochet comme camp de concentration, de torture et de mort.
La plaque du souvenir ©M-Pomarède/RF
Les autres Lieux de Mémoire
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