Anita Conti, pionnière de l'océanographie

Anita Conti, la dame de la mer
Anita Conti, la dame de la mer

Anita Conti, la dame de la mer

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Anita Conti, pionnière de l'océanographie

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Pionnière de l'océanographie, 1e femme à embarquer sur un navire scientifique, écologiste avant l'heure, Anita Conti, dans les années 1930, était en avance sur son temps. Celle qu'on surnommait la dame de la mer a dédié sa vie à l'océan. La voici racontée en archives, en photos et par son fils.

“Si je n’étais pas portée par la mer, de temps en temps, je serais morte. Sur la terre ferme vous mesurez l’obstacle, en mer vous ne mesurez rien”, résume Anita Conti en 1992 sur France 3.  

Pionnière de l’océanographie, elle est la première femme à embarquer pour des expéditions scientifiques. Anita passe sa vie à observer le travail des marins et les espèces sous-marines. Écologiste avant l’heure, elle a été en 1930 une des premières lanceuse d’alerte sur la surexploitation des espèces. 

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Une enfance entre ville et océan

En 1889, le père d’Anita, médecin hygiéniste, l’aurait plongée, nourrisson, en pleine mer au large de Lorient. Anita grandit entre la banlieue parisienne et les côtes bretonnes, elle développe un lien fort avec l’océan. Anita Conti aimait se décrire comme une océanologue, elle parle de l’océan comme de son amour de toujours.

"Elle disait souvent, enfant : 'Je ne suis rien, rien que l’espace et le vent.' Le fait de se détacher de la terre, de courir à l’horizon, à la mesure qu'il recule, c’était une exaltation pour elle, son moteur principal venait de là", raconte Laurent Girault-Conti, son fils adoptif.  

1914. Exilée sur l’île d’Oléron avec sa famille, Anita se lie d’amitié avec des enfants de pêcheurs et fait ses premières expéditions en mer. Elle touche à la liberté. Après la guerre, elle devient relieuse d’art, mais écrit des articles sur les richesses marines. Elle ne perd pas de vue l’océan.  

Une vie, une oeuvre
58 min

La découverte du monde scientifique

L’Office scientifique et technique des pêches maritimes la repère et l’engage en tant que première femme océanographe. De 1935 à 1939 elle embarque sur le premier navire océanographique français. 

Première femme à s’initier au travail scientifique, elle parcourt les mers : de Dunkerque au Canada. Elle dresse les premières cartes de pêche et propose de rationaliser certaines pratiques. Lors de ses missions, elle prend conscience que les ressources sous-marines sont fragiles et épuisables. Appareil photo et carnet greffés à son bras, Anita consigne tout ce qu’elle voit.   

Pour elle, la photographie est un moyen de traduire toute la magie, la poésie et la liberté qu’elle ressent lorsqu’elle est sur l’océan. 

"Sa mission c’est de faire des relevés, des échantillonnages, du sondage, de ramener des observations, des comptes rendus et c’est là où elle constate qu’il y a déjà un réchauffement des eaux en mer. De ses comptes rendus elle rédige des articles pour la presse grand public, notamment pour La République, Le Figaro. On la considère parce qu’elle a beaucoup de charisme. C’est une femme, c’est exceptionnel, donc on est touché par le côté aventure, par ce qu’elle peut rapporter. Le fond de son message, est-ce qu’il est bien entendu ? Je ne pense pas", analyse Laurent Girault-Conti

Sur les navires, elle se fait à la fois discrète et indispensable, tantôt scientifique en observation, tantôt figure maternelle pour les dizaines de marins présents. La Seconde Guerre mondiale débute et ses combats écologiques sont relégués au second plan... Elle s’engage dans la Marine nationale, ce sera la première femme à le faire. Mais deux ans plus tard, elle préfère embarquer sur des chalutiers français en partance pour l’Afrique de l’Ouest. Elle continue ainsi sa découverte des mers du monde entier. 

Escale verte
10 min

L'océanographe passe une dizaine d’années en Afrique, aidant les peuples côtiers à apprendre les techniques de pêche, viables et durables. 

"C’est une volonté de percer la surface du miroir de l’eau. La mer est un élément absolument redouté, qu’on aborde avec peur. Les marins naviguent simplement sur la surface, ils ne s'intéressent pas du tout à ce qu’il y a en-dessous. Anita fait partie de ceux qui se sont interrogés, qui ont eu envie de percer la surface de l’océan, de voir ce qu’il y avait dessous, comment ça fonctionne…", développe son fils adoptif.  

Un héritage impressionnant 

Anita Conti navigue jusqu’à ses 85 ans. Mais à partir de 50 ans, elle ne part que lors de missions indépendantes. Elle publie une dizaine de livres remarquables, décrivant la vie des navires et des espèces.  

Mais aucun organisme ne veut l’embaucher, ses convictions écologistes étant de plus en plus fortes… Anita fait peur. Elle est peu à peu oubliée. On est au début des années 1990 et l’écologie n’est toujours pas un sujet d’actualité. Anita Conti meurt à Douarnenez à l’âge de 98 ans laissant derrière elle 60 000 photographies.  

Les écrits d’Anita ne sont redécouverts que des années plus tard. Avant-gardistes, ses relevés, ses photographies et ses observations servent encore. Dans ses carnets de notes se cachait une des passions d’Anita : la poésie. Tout au long de sa vie, elle va griffonner sur des papiers volants, sur le coin d’une table, des poèmes sur sa vision de l’océan et de la liberté. 

"Sur des flots immensément pareils et sans fin dissemblable, vers les horizons qui reculent, vers les étoiles qui vont naître, vers l’infini du bleu qui va noircir, un navire emporté jusqu’au bord du ciel, de ses parois de fer il déchire les eaux et moi, en lui, prisonnière." Poème d'Anita Conti.