Anne Dufourmantelle : "Le mouvement du sacrifice est aussi un aller vers la vie"

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Anne Dufourmantelle : "Le mouvement du sacrifice est aussi un aller vers la vie"

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Anne Dufourmantelle
Anne Dufourmantelle
- Roberto Frankenberg

Disparition. La psychanalyste et philosophe Anne Dufourmantelle s'est noyée vendredi 21 juillet en tentant de porter secours à des enfants. Elle avait écrit une vingtaine de livres, dont un "Eloge du risque" en 2011. En 2014, elle était venue débattre de la notion de sacrifice sur France Culture.

Elle s'est noyée dans le Var, au large de la plage de Pampelonne, en tentant de sauver deux enfants en difficulté, et finalement secourus par les maîtres-nageurs sauveteurs. La philosophe Anne Dufourmantelle, psychanalyste et auteur d'une vingtaine d'ouvrages, dont L'Eloge du risque (2011), Puissance de la douceur (2013), Défense du secret (2015) a disparu ce vendredi 23 juillet. C'est ce qu'a rapporté le journal Libération, pour lequel elle était chroniqueuse depuis deux ans.

Le 2 juin 2014, Anne Dufourmantelle était invitée dans l'émission La Grande Table, pour débattre d'un sujet troublant par sa dimension prémonitoire : "Pour qui, pour quoi risquer ou donner sa vie aujourd'hui ?" Elle y échangeait au micro de Caroline Broué, avec l'historienne Annette Wieviorka, spécialiste de la Shoah.

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Ce qui me frappe quand on interroge les raisons, ou les conséquences, ou l'apparition de ce qu'on pourrait appeler un sacrifice […] c'est que précisément, qu'est-ce qui fait qu'une personne se considère vivante ? Souvent, la manière dont elle va se relier à sa propre vie a déjà disparu à ce moment-là […] Soutenir sa vie sans ce sacrifice n'a plus de sens. Ce n'est plus être en vie, c'est une manière d'être déjà mort. Ce qui n'enlève absolument rien à la force du geste… On met toujours la mort de l'autre côté, et la vie du côté de celui qui la donne. Mais au fond, on peut aussi partir d'un lieu où on est à demi-mort, où on est déjà cerné par la mort. Et donc le mouvement du sacrifice est aussi un aller vers la vie… et là il y a vraiment quelque chose qu'on ne signifie pas assez. Il y a un philosophe tchèque qui s'appelle Patočka, qui a une pensée très très belle et forte sur ce qu'il appelle "la vie dans l'amplitude", c'est-à-dire, que se passe-t-il quand des êtres peuvent risquer leur vie… et il parle de la solidarité des éprouvés, c'est-à-dire que les deux lignes de front des soldats qui se font face sont peut-être unies dans un même espace, peut-être que davantage séparées par le combat qu'ils mènent. Moi j'ai le sentiment que le sacrifice vient souvent à partir d'un trauma non dit qui a été effacé. Et ce trauma n'est pas seulement individuel. Anne Dufourmantelle

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Tout dépend de la manière dont le sujet se détermine dans une situation : c'est-à-dire par quoi il est porté et comment sa lutte, son but, ses valeurs, ne se limitent pas à sa seule survie. Or aujourd'hui, on est quand même dans une idéologie sécuritaire qui, je trouve, a une toxicité phénoménale car elle ramène la vie et le vivant au seul sujet et à sa survie individuelle, au fond. […] Un des lieux qui est le plus attaqué c'est effectivement le lien, c'est le rapport à l'autre… Et qu'est-ce qu'on appelle une vie, donner sa vie. Anne Dufourmantelle

La tristesse est grande à France Culture, dont elle était une invitée régulière, et où elle était appréciée tant pour ses qualités intellectuelles qu'humaines.

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L'émission Les Nouvelles vagues filait elle aussi cette thématique du risque, celui "d'être soi", en janvier 2016, avec Anne Dufourmantelle :

Les Nouvelles vagues
58 min

Enfin, en septembre 2015, celle qui était docteur en philosophie de l'université Paris-Sorbonne et diplômée de l'université Brown, était venue dans l'émission Les Bonnes feuilles, lire un extrait de son premier roman, L’envers du feu (Albin Michel, 2015): un thriller dans lequel le lecteur suivait les traces d’un jeune Américain obsédé par une inconnue.

Les Bonnes feuilles
3 min

"Je suis allongé sur le sol. Le souffle de l'incendie envahit la nuit. Il passe sur la terre. Les arbres s'embrasent et se fendent. Les animaux s'enfuient, certains sont en flammes. C'est une clairière rouge. Le coeur vivant du brasier me frôle, s'éloigne. Je suis indemne". Extrait de L'envers du feu (Albin Michel), d'Anne Dufourmantelle