Archive exceptionnelle : Anna de Noailles interprète l'un de ses poèmes en 1921
Par Camille RenardAu coeur de l'effervescence artistique de la Belle Époque, la poétesse Anna de Noailles fût la première femme à être reçue commandeur de la Légion d'honneur. En 1921, elle récitait son poème "J'écris pour que le jour...", dont voici l'enregistrement exceptionnel.
Ecoutez la voix d'Anna de Noailles, réciter elle-même un de ses plus beaux poèmes J'écris pour que le jour... en avril 1921.
Cerveau bouillant
Elle fait tourner les têtes du Tout-Paris de la Belle Époque. Son salon en attire l'avant-garde artistique : Rostand, Colette, Gide, Claudel... ; le neveu de Maurice Barrès se suicide de sa passion pour elle, un amour non réciproque.
La comtesse Anna de Noailles, née en 1876, fille de la noblesse roumaine, a écrit l'amour, la nature, la vie sauvage dans un lyrisme enflammé. Première femme à être reçue commandeur de la Légion d'honneur, elle fonde avec quelques amies l'ancêtre du prix Fémina, qu'elle préside la première année, et s'engage dans divers réseaux d'entraide féminine à travers le monde. André Gide la décrit ainsi dans son Journal en 1910 : "Il faudrait beaucoup se raidir pour ne pas tomber sous le charme de cette extraordinaire poétesse au cerveau bouillant et au sang froid." Anna de Noailles meurt à 56 ans, en 1933.
Anna de Noailles aux Archives de la parole
En 1921, le phonéticien Jean Poirot, qui a succédé à Ferdinand Brunot à la tête des Archives de la parole à la Sorbonne, poursuit les enregistrements des grandes voix de son temps : politiques, chanteurs, poètes... et propose à Anna de Noailles une séance d'enregistrement, le 12 avril 1921.
La poétesse récite deux poèmes : J'écris pour que le jour... et Jeunesse. Ce sont ces deux enregistrements exceptionnels que nous vous proposons d'écouter. Ils sont conservés à la Bibliothèque nationale de France.
Le poème "J'écris pour que le jour..."
J’écris pour que le jour où je ne serai plus
On sache comme l’air et le plaisir m’ont plu,
Et que mon livre porte à la foule future
Comme j’aimais la vie et l’heureuse Nature.
Attentive aux travaux des champs et des maisons,
J’ai marqué chaque jour la forme des saisons,
Parce que l’eau, la terre et la montante flamme
En nul endroit ne sont si belles qu’en mon âme !
J’ai dit ce que j’ai vu et ce que j’ai senti,
D’un cœur pour qui le vrai ne fût point trop hardi,
Et j’ai eu cette ardeur, par l’amour intimée,
Pour être, après la mort, parfois encore aimée,
Et qu’un jeune homme, alors, lisant ce que j’écris,
Sentant par moi son cœur ému, troublé, surpris,
Ayant tout oublié des épouses réelles,
M’accueille dans son âme et me préfère à elles…
Ce poème est extrait de L'Ombre des jours.
Les Archives de la parole à découvrir sur Gallica
Écoutez cet enregistrement également sur Gallica.fr
Archive : Archive de la parole, conservée à la Bibliothèque nationale de France. Merci au service Son du département de l’Audiovisuel, BnF et au Service de la coopération numérique et de Gallica, BnF. Archives de la Parole, conservation : BnF, Département de l’Audiovisuel, service Son.
- Les Archives de la parole, 1911-1914
- Les Archives de la parole, 1920-1924
- Les Archives de la parole, 1924-1930