Ariane Ascaride, la voix venue des abysses

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Ariane Ascaride, la voix venue des abysses

Par
Ariane Ascaride
Ariane Ascaride
© Getty - Sylvain Lefevre

Dans L’Appel des abysses, le nouveau podcast natif de fiction de France Culture, Ariane Ascaride prête sa voix à Léonie Montreuil, une femme de pouvoir tiraillée entre son autorité de présidente et son envie de redevenir mère.

Grande amoureuse de radio, Ariane Ascaride n’avait pourtant jamais eu l’opportunité de jouer dans une fiction audio. Une expérience inédite dans laquelle elle incarne, avec sa voix pour seule arme, une mère empreinte de culpabilité qui cherche à renouer avec son fils, dans un univers dystopique où l’océan a recouvert la terre et où l’air est devenu irrespirable. 

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L’actrice revient sur le tournage de cette fiction sonore, son immersion dans la moiteur des abysses et son engagement pour l’écologie. 

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C’est la première fois que vous jouez dans une fiction audio : comment avez-vous vécu cette expérience ?

J’adore la radio, je trouve que c’est quelque chose qui permet de rêver. On se fabrique son décor, on fabrique les visages des personnages. J’étais enthousiaste à l’idée de vivre cette expérience et j’y ai effectivement pris beaucoup de plaisir.

La fiction audio a cette particularité d’immerger par le son et non par l’image. Comment cela s’est-il traduit durant le tournage ?

Il n'y avait pas vraiment de décors, mais on changeait souvent de lieu pour la résonance du son, pour qu'il sonne d’une certaine manière selon que la scène se déroulait sous l’eau ou à l'air libre. On était parfois aussi poussés sur le côté par le chef bruiteur pour que notre voix s’éloigne, pour montrer qu’on sortait de la pièce par exemple. C’est un peu comme un ballet. Un ballet qu’on ne voit pas, qu’on ne peut qu’entendre. Quand j’étais au Conservatoire de Paris, j'ai travaillé sur Karl Valentin, un contemporain de Bertolt Brecht qui a écrit le sketch "Le Bruiteur" : l’histoire de ces gens qui, avec des bouts de papier, des vieilles casseroles, des vieux machins, créent des sons. C’est ce qui s’est passé pour L’Appel des abysses, et j'ai adoré voir travailler le chef bruiteur !

Et vous en tant que comédienne, comment avez-vous fait pour vous immerger dans votre rôle ?

Il fallait réussir, par la voix, à trouver une autorité de présidente, mais aussi à incarner une femme blessée partagée entre son pouvoir, son envie de redevenir mère, sa culpabilité… C’est très intéressant : la voix devient comme un instrument de musique, que l'on fait sonner d’une manière ou d’une autre. Cela laisse de la place à l'imagination des auditeurs. C’est vrai que les gens me connaissent, donc ils savent à quoi je ressemble, mais cela m’amuserait beaucoup de savoir comment ils peuvent imaginer mon personnage : peut-être que certains vont imaginer cette présidente comme une femme d’un mètre soixante-dix, blonde…

Cela reste un exercice très différent de ce que vous avez l’habitude de faire. Avez-vous eu l’impression de redécouvrir le métier de comédienne ?

Je n'irais pas jusque-là. Comme sur une fiction filmée ou au théâtre, il s'agit de réfléchir à son personnage. Le travail était donc le même, à une différence près : on ne peut se servir que de sa voix. Disons que c’était comme tester un nouveau plat. Vous prenez des ingrédients, que vous connaissez, mais vous les mélangez d’une autre manière, qui va donner un résultat différent. Ça a quelque chose de magique : vous ne savez pas du tout ce que ça va donner. 

Deux grands thèmes sont abordés dans ce récit : l’écologie et les clivages sociaux. Ce sont des sujets qui vous touchent à titre personnel ?

Oui, et c’est aussi pour cela que je l’ai fait. Il me tenait à cœur d’interpeller les auditeurs par rapport aux catastrophes qui commencent à se déclarer et à celles qui pourraient arriver si nous ne prenons pas conscience de l’importance de préserver le monde dans lequel nous vivons. Il faut penser à nos enfants, à nos petits-enfants :  quel monde va-t-on leur laisser ? Mes souvenirs d’enfance sont des souvenirs de nature, de campagne, de mer où j’ai connu la rugosité de la nature, qui n’était pas encore complètement domestiquée, asservie. Et c’est aussi cette confrontation à la nature qui fait de nous des humains : j’ai vécu un jour un très gros tremblement de terre, et cela m’a appris à être très humble. Parce que quand la terre décide qu’elle se met en mouvement, vous ne pouvez plus rien faire. Vous pouvez avoir le plus grand pouvoir du monde, vous ne gagnerez pas. Vous êtes une fourmi. 

Les films et les pièces dans lesquels vous jouez sont-ils toujours pour vous l’occasion de partager vos combats, votre engagement social et politique ?

Je suis un peu connue pour être ce que l’on appelle une actrice "engagée", même si c’est un mot qui me toujours un peu rire. Mais je suis avant tout une citoyenne. Mon métier est certes d’être comédienne, mais je ne peux pas penser ma vie sans regarder ce qui se passe autour de moi, sans me poser de questions sur le monde dans lequel je vis. J’ai peut-être un peu plus que d’autres la possibilité de le dire, mais je crois que tout le monde est comme moi. 

Et vos choix artistiques sont-ils tous guidés par cette volonté de pouvoir véhiculer un propos politique ?

Pas un propos politique, un propos. Qui parle des hommes, de l’humanité. De toute façon, si je ne crois pas au scénario que je suis en train de jouer, je suis très mauvaise actrice. Donc il faut que ce que je vais jouer m’interpelle, en tant que personne. Mais je suis autant interpellée par Shakespeare que Marivaux, Molière ou Tchekhov : le principal est que ce soit bien écrit.