Armand Gatti : "Dans ma famille, les armes sont les livres, les combats et la révolution c’est les mots !"

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Armand Gatti : "Dans ma famille, les armes sont les livres, les combats et la révolution c’est les mots !"

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Armand Gatti lors d'une répétition au Forum Theatre de Berlin en 1974
Armand Gatti lors d'une répétition au Forum Theatre de Berlin en 1974
© Getty - ullstein bild

Disparition. On a appris ce 6 avril la mort d'Armand Gatti, figure majeure d'un théâtre révolutionnaire à la française. Petit florilège d'archives pour entendre cet homme aux mille vies se raconter et dans l'une de ses lectures fleuve qui le caractérisaient.

L'écrivain et homme de théâtre Armand Gatti est mort ce 6 avril 2017 à l'âge de 93 ans. Homme engagé, résistant, déporté, il est connu pour une action militante ininterrompue qui l'a amené, dès les années 1970, à conduire des projets auprès de populations exclues, dans des zones que le théâtre n'investissait pas, en particulier à travers sa fondation la Parole errante.

Parmi toutes les interventions d'Armand Gatti sur l'antenne de France Culture, voici d'abord une soirée hommage de 1995 au cours de laquelle vous pouvez l'entendre et revivre un peu de ces immenses lectures publiques où il était capable de lire pendant deux ou trois heures d’affilée, tenant ses auditeurs spectateurs sous l’emprise d’une parole puissante et poétique :

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Lecture par Armand Gatti en 1995

1h 55

Durée : 1h59

En février 2010, il se racontait dans l'émission Hors-champs :

Armand Gatti dans Hors-champs

44 min

Durée : 44'58

Ce qui a changé ma vie, mon écriture, ça a été le passage d’une conception du monde à une autre totalement différente. C’était lorsque je suis passé de la physique classique à la physique quantique.

Homme engagé né à Monaco mais qui vient « de l’immigration de Chicago », Armand Gatti raconte son passé de résistant, de journaliste d’investigation, d'homme de théâtre et de cinéaste. Il dit que son engagement lui vient de son père anarchiste italien à qui il doit son idéologie pacifiste :

Chez nous, dans ma famille, les armes sont les livres, les combats sont les mots, la révolution c’est les mots !

On connait surtout de lui tout l’itinéraire d’homme de théâtre, mais Armand Gatti fut un grand journaliste d’investigation, notamment après la Guerre où il se rendit dans des camps de réfugiés.

J’ai commencé le journalisme grâce à un ami dans Le Parisien libéré. Je suis devenu journaliste étant donné ce que je pensais, soit mon héritage paternel et tout ce que je venais de vivre. J’ai commencé à faire les tribunaux où tous les criminels de guerre passaient. Je recevais des lettres de lecteurs qui n’étaient pas d’accord avec ce que j’écrivais et qui m’avaient donné un nom : doyen macaroni. Puis, la direction a changé au Parisien. Les animaux ont toujours été ma passion. J’ai proposé de faire des reportages chez les animaux, et je suis devenu dompteur. J’ai reconverti ça en reportage qui s’appelait "envoyé spécial dans la cage aux fauves". J’ai eu le prix Albert Londres à cause de ça. Ça a mis à un certain niveau du point de vue de la profession, et j’ai commencé à voyager. Et c’est là où les choses ont évolué : dans chaque pays, ce n’était pas les criminels de guerre dans des tribunaux que je voyais, mais des dictatures.

C’est justement lors de l’un de ses voyages au Guatemala qu’il dit avoir eu la révélation pour le théâtre. « Mon interprète m’a dit : comment ça se fait que les étrangers ont tous une langue qui ne veut rien dire, ce sont des mots que l’on emploie comme ça. Pourquoi ne faites-vous pas comme les Indiens, c’est à-dire créer une langue qui permet de s’adresser à l’univers et de parler avec lui. » La réponse d'Armand Gatti fut le théâtre. C’est Jean Vilar qui l’a repéré et encouragé à poursuivre sur cette voie.

Ce vendredi 7 avril, le Journal de la culture revenait avec Marc Kravetz sur le parcours d'Armand Gatti, "poète total" certes, "créateur de langage", mais qui s'est parfois autorisé quelques libertés avec la réalité :

Hommage à Armand Gatti dans le Journal de la culture

2 min

Il a écrit un jour une chose très belle et très juste qui le résume d'ailleurs assez bien : 'j'écris pour changer le passé'. Il pense que ceux qu'il considère comme ses héros ont le droit non seulement à leur vie, mais également à leur fiction. Marc Kravetz