
Le 27 janvier 2011, la révolution populaire gagne aussi le Yémen, en plein Printemps arabe. La guerre qui éclate trois ans plus tard semble avoir balayé ces espoirs d'une société plus égalitaire. Même si leurs porte-parole, en exil ou dans le pays, cherchent toujours à se faire entendre.
Il y a dix ans, le 27 janvier 2011, des milliers de personnes descendaient dans les rues de Sanaa pour réclamer le changement, et une société plus égalitaire. Du Maghreb au Levant, le Printemps arabe battait son plein. Comme les Tunisiens ou les Égyptiens réclamaient la tête de leur président, les Yéménites exigeaient le départ de l'autocrate Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis plus de trente ans.
Mais avec la guerre qui éclate en 2014, l'offensive des rebelles Houthis et l'entrée en lice de la coalition militaire Arabie saoudite et Émirats arabes unis, ces espérances vont être balayées.
Depuis, on dénombre des dizaines de milliers de morts et des millions de déplacés, et la population est exsangue. Dès 2018, l'ONU qualifie la situation au Yémen de "plus grand désastre humanitaire au monde". Le conflit n'a toujours pas trouvé d'issue, en dépit notamment des efforts de l'émissaire des Nations unies Martin Griffiths. Et d'après un rapport onusien publié ce mercredi, "Le blanchiment d'argent et des actes de corruption ont entravé "l'accès à des approvisionnements en nourriture pour les Yéménites, en violation du droit à l'alimentation".
Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.
Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.
Un espoir démocratique
Pour autant, la volonté d'un Yémen meilleur n'a pas été abandonnée, estime l'anthropologue Franck Mermier, spécialiste du Yémen, aujourd'hui en poste à l'Institut français d'études anatoliennes à Istanbul, en Turquie.
Pour beaucoup, parmi la jeunesse qui a participé à ce mouvement de contestations en 2011, les idéaux de cette révolution restent présents, même si certains sont aujourd'hui en exil, en particulier en Égypte ou en Turquie.
"Les bases du dialogue national, qui avaient été conclues après l'éviction du président Saleh en novembre 2011, restent aujourd'hui une des références principales pour un nouveau Yémen", précise l'anthropologue.
"L'accord devait permettre l'instauration d'un régime démocratique, fédéral avec une division du pays en six régions, donc un pouvoir décentralisé. Une place plus grande devait être accordée aux femmes avec une représentation de 30 %", rappelle le spécialiste, qui ajoute : "Il y avait véritablement une prise en compte des problèmes du Yémen."
"Mais cet élan révolutionnaire s'est brisé contre les tentatives du président Ali Abdallah Saleh de revenir au pouvoir." Il n'a pas survécu à "son alliance avec les Houthis, venus du nord (soutenus par l'Iran), qui se sont emparés de Sanaa en septembre 2014". D'autant que cette guerre interne a pris ensuite une dimension régionale et internationale, avec l'intervention de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, à partir de mars 2015.
Aujourd'hui, pour arrêter ce conflit, il faudrait cesser de fournir des armes à la coalition militaire arabe, estime Sadek Alsaar. Cet ancien diplomate yéménite a créé Salam for Yemen, la Paix pour le Yémen. Son organisation a signé l'appel, avec d'autres ONG, contre les ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis.
Il faut arrêter le blocus meurtrier sur le Yémen pour laisser les ONG travailler librement. [Mais nous appelons aussi] les parlementaires, en particulier en France, à faire pression sur [leurs gouvernements] pour qu'ils exercent un contrôle sur les ventes d'armement vers les deux pays de la coalition militaire.
Réhabiliter la société civile
Malgré les efforts de l'émissaire onusien Martin Griffiths pour tenter d'ouvrir des pourparlers et arriver à une résolution du conflit, la situation ne s'améliore pas. Toutefois, des organisations, des partis ou des associations, au Yémen ou ailleurs, "sont très actifs et sont en train de travailler pour trouver des solutions", assure l'anthropologue Franck Mermier.
L'espoir pourra en effet venir de la diaspora yéménite, "notamment des femmes, qui sont très actives et qui avaient obtenu des avancées en 2011", confirme Sadek Alsaar, de l'ONG Salam for Yemen.
"Des réunions se tiennent dans des capitales à l'étranger mais aussi au Yémen pour que la société civile retrouve du poids, précise Franck Mermier. Car aujourd'hui, on assiste à une prise de pouvoir par des seigneurs de la guerre, qui alimentent leur emprise par le chaos."
Les Nations unies, estime l'anthropologue, devraient accorder une place aux acteurs issus de la société civile, "ouvrir l'espace du dialogue à de nouveaux interlocuteurs, qui pourraient, en dehors des influences saoudienne, émirienne ou iranienne, avancer des solutions".