Le monde dans le viseur. Loin des montagnes, loin des cimes enneigées. Pour les JO de Pékin, la spectaculaire piste de 'Big Air' a été installée au coeur même d'une ancienne aciérie. Une étrangeté visuelle qui inspire les photographes, comme Justin Setterfield qui a pris un étrange cliché.
Pour ces Jeux olympiques d'hiver à Pékin, la neige est absente. Les épreuves n'avaient pas encore commencé que les photographes du monde entier s'amusaient de ce paradoxe : des skieurs en plein effort, la piste immaculée (constituée à 100% de neige artificielle) et la terre, l'herbe jaunâtre, verdâtre dès que l'objectif s'aventure un peu au-delà, là où les 300 canons à neige déployés n'ont pas été mobilisés.
Un tremplin en pleine zone industrielle
Pour l'épreuve de 'Big Air' ("Grand saut"), le contraste est encore plus saisissant. La piste, un tremplin de près de 60 mètres de haut, est située au cœur de la zone industrielle de Shougang. Une ancienne zone industrielle plutôt, fondée en 1919. L'aciérie, qui fut un temps le premier site de production du pays et le premier employeur de la ville avec jusqu'à 65 000 travailleurs, a fermé en 2010.
C'est en pleine séance de test, avant l'ouverture de la compétition, que le photographe Justin Setterfield a pris ce cliché. "Levez la main si vous êtes prêts à ce que les Jeux commencent", écrit-il sur son compte Instagram. Sur la photo, un officiel vêtu d'une combinaison rouge, sans dossard, semble voler au milieu des usines.
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Sur son site, le Comité international Olympique donne des éléments de décryptage de ce surprenant arrière plan :
Les tours de refroidissement -70 mètres d'envergure - sont métamorphosées en sites olympiques, les hauts fourneaux en centres d'entraînement, et une tour de stockage du minerai de fer est même devenue le siège du comité d'organisation des Jeux olympiques de Beijing 2022.
Pékin a choisi de transformer un site industriel... en site olympique. "C'est une photo que j'aurais aimé faire, c'est sûr", assure Stéphane Mantey, photographe au journal l'Équipe. "C'est vrai que pour les Jeux d'Hiver, on a tendance à imaginer un magnifique paysage enneigé mais là en fin de compte, ce n'est pas le cas". Le cliché montre une sorte "d'hérésie" dit-il. Il est graphique, esthétique mais aussi informatif : nous sommes bien dans l'un des pays les plus industrialisés au monde et les plus puissants économiquement ... Qui peut faire les Jeux là où il l'a décidé, même si la neige n'est pas au rendez-vous.
Il a tapé droit au but. C'est une image d'ambiance assez parfaite pour montrer où on se trouve.
La souplesse d'un skieur dans un univers vertical
Dans ce paysage d'usine, un skieur surgit, bras en l'air comme désarticulé, délié, dans cette verticalité. "C'est un contre poids. Ce skieur est dans le ciel, comme un oiseau en liberté. Il donne l'impression d'un pied de nez : je peux aller plus haut que les buildings, que l'usine. Il semble se jouer un peu de tout ça et le photographe a bien su le capter. Un photographe montre toujours ce qu'il a envie qu'on voit".
Le photographe Jérôme Prévost, qui a couvert sept Jeux olympiques d'hiver, abonde :
Cette photo est intéressante, très réussie. Ce skieur rouge sur fond de ville lugubre interpelle vraiment.
"Les coupes du monde se déroulent en général dans des stations, dans des vrais lieux de sports d'hiver. C'est plus durant les Jeux olympiques, quand il y a un enjeu politique, que la compétition peut être organisée sur des lieux étonnants. On arrive à une sorte de délire, estime-t-il. Là, on a l'impression que le skieur va atterrir dans la ville. Mais on comprend aussi, en même temps, que nous sommes sur une épreuve de saut impressionnante".
Du spectaculaire, dans un paysage spectaculaire
Le Big air, nouvelle discipline, est en effet étourdissante. Du spectaculaire, dans un paysage spectaculaire. À ski ou en snowboard, les compétiteurs s'élancent à pleine vitesse sur un tremplin vertigineux et sautent, exécutant des figures acrobatiques à plusieurs mètres au dessus de la piste. Sur ce type d'épreuves, il faut saisir LE bon moment. L'entraînement est un moment propice, aussi, pour les photographes.
"Ça permet de tester des positions", explique Jérôme Prévost. "C'est vrai qu'en fonction de pour qui on travaille et des exigences du média, on est un peu plus contraints en période de compétition. On doit avoir le sportif relativement serré, on ne peut pas toujours se permettre ce genre de prise de vue mais si on sent qu'il y a une possibilité de jouer avec l'image, avec le lieu, avec le fond, on ne va pas se priver".
Avant les clichés de joie ou de désespoir, de médailles ou de chutes, l'entraînement permet le décalage, la compréhension du terrain et plus simplement un repérage bienvenu, raconte encore le photographe Stéphane Mantey :
Moi, quand j'arrive sur une compétition, je regarde, je ne fais pas les photos tout de suite. Je marche, j'observe les angles et là où sont placés mes collègues. Les photographes ont des sensations, un peu comme les sportifs !
La phase d'essai, c'est aussi le moment de mettre toutes les chances de son côté pour prendre LA photo le jour J.
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