
Une plongée dans des archives radiophoniques pour entendre la cinéaste Marguerite Duras.


Ainsi que l'a montré Jean-Marc Turine dans Marguerite Duras. Le ravissement de la parole , un livre-CD édité en 1997, Marguerite Duras a entretenu avec la radio un lien régulier, fidèle et étroit, tant comme moyen de communiquer avec son public que comme outil de prolongement de ses livres , à l'instar du théâtre ou du cinéma. Le fonds Duras de l'INA est riche d'une centaine d'heures d'enregistrements : adaptations de ses romans, enregistrements de ses pièces, entretiens divers, et même quelques émissions qu'elle a elle-même préparées ou présentées. La plus ancienne archive est une interview datant de 1954, et l'année suivante Alain Trutat réalisait Un barrage contre le pacifique pour France Culture...
Extrait de la pièce radiophonique Hiroshima mon amour (Emission de Michel Polac. France Culture - août 1966). On entend ici Emmanuelle Riva, actrice et Marguerite Duras, narratrice.
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La pièce radiophonique India Song est d'abord le résultat de l'amitié qui liait Alain Trutat , alors responsable des émissions dramatiques sur France Culture et Marguerite Duras. Alain Trutat a toujours oeuvré pour ouvrir la radio aux autres disciplines artisitiques, y faire entrer les écrivains, les artistes, afin qu'elle ne reste pas une affaire de techniciens, de spécialistes. C'est ainsi qu'il proposa à Marguerite Duras de créer India Song à la radio, accompagnée d'une équipe de réalisation . Elle élabora cette création sonore dans la perspective du film à venir, qui reste légendaire avec les voix inoubliables de Delphine Seyrig et Michael Lonsdale, mais à la radio c'est à sa grande amie l'écrivain Viviane Forrester que Marguerite Duras souhaita confier le rôle d'Anne-Marie Stretter .
Viviane Forrester se remémore sa passion initiale du texte India Song et le plaisir que lui fit Marguerite Duras en lui confiant le rôle de l'ambassadrice de France à Calcutta, puis un extrait du dialogue entre Anne-Marie Stretter et le jeune attaché.
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5 min

Dès l'écriture du texte, India Song se présente à la lecture sous une forme très proche de celle d'un "conducteur" d'émission de radio. Dans les didascalies introductives à chacune des parties "jouées", l'auteur indique quel son, quelle modulation, quel effet sonore est recherché en appui à la scène ou au plan. Ainsi au début de la réception à l'ambassade (partie II) :Aucune conversation n'aura lieu sur scène, ne sera vue. Ce ne seront jamais les acteurs qui parleront. Une seule exception à cette règle : les sanglots du vice-consul de France : ils seront vus et entendus . Puis le texte à lire/à entendre est disposé selon deux colonnes : indications de scène et de décor d'un côté, voix de l'autre.
A la radio, Marguerite Duras lisait elle-même les notations visuelles et iindications de scène. On l'entend ici au début de la scène de la réception à l'ambassade de France, puis Michael Lonsdale et Viviane Forrester entament leur dialogue.
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Marguerite Duras a pratiqué tous les modes d'expression littéraire : romans, nouvelles, théâtre, cinéma ou radio. Tous cependant se résumaient à un seul : l'écrit. Le travail qu'elle a mené avec les comédiens, tant au cinéma qu'à la radio, témoigne bien d'une approche strictement littéraire des voix et des silences : par les cassures de rythme et le placement de la voix, elle impose un sens nouveau aux mots. Un exemple de ce travail sur les mots, leur rythme et leur résonance a été conservé des répétions d'India Song , pour l'émission Marcher, danser, passer, parler, partir de R.Farabet et J-L.Rivière, simultanément fabriquée.
Le ton si particulier, impersonnel et légèrement faux, des acteurs d'India Song est directement issu de la volonté de l'auteur, que l'on entend ici faire répéter Michael Lonsdale.
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Au sujet des acteurs, Marguerite Duras signale dans ses remarques introductives à la 2è partie d'India Song : La diction, en général, devra être d'une extrême précision. Elle devrait ne pas paraître TOUT A FAIT NATURELLE. Un défaut, léger, devra être mis au point lors des répétitions : il sera COMMUN à toutes les voix. On devrait avoir le sentiment d'une lecture, mais rapportée, c'est-à-dire : DEJA JOUEE. C'est ce que nous appelons : "voix de lecture intérieure" . Cette exigence suppose que les comédiens aient la capacité de traduire ce "dépeuplement" des personnages, et explique que se soint constituée une catégorie d'acteurs "durassiens", rompus à l'exercice et imprégnés de l'oeuvre.
Vivane Forrester/Anne-Marie Stretter se remémore l'osmose entre acteurs et personnages qui prévalait pendant les enregistrements et l'amitié qui l'a liée au vice-consul/Michael Lonsdale depuis ces inoubliables séances.
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