Avec les expositions de la Fondation Cartier, prenez un bol d’air et immergez-vous chez les Indiens d'Amazonie

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Avec les expositions de la Fondation Cartier, prenez un bol d’air et immergez-vous chez les Indiens d'Amazonie

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Dessin Yanomami signé Joseca
Dessin Yanomami signé Joseca
- Joseca

Culture Maison. Un voyage photographique et acoustique jusqu’aux rituels chamaniques des Indiens Yanomami proposé par Mattéo Caranta, chroniqueur dans les Matins du Samedi et dans Les Bonnes Choses de France Culture.

Ceux qui fréquentent la Fondation Cartier l’ont sans doute déjà remarqué : il y a quelque chose qui se trame entre ce centre d’art contemporain parisien et l’Amazonie. Ces dernières années, certains d’entre vous ont peut-être eu la chance de visiter l’exposition "Le Grand Orchestre des Animaux", dédiée à l’artiste acousticien Bernie Krause. C’était en 2016, et ce pionnier de l’enregistrement des paysages sonores nous proposait d’appréhender le monde comme une immense symphonie. Écouter des terres lointaines est toujours possible en ces temps confinés, et vous pourrez plonger à souhait dans les niches sonores du Gonarezhou au Zimbabwé, nager dans l’Océan Pacifique ou vous rendre, de nuit, au nord de l’Amazonie brésilienne. Fermez les yeux et laissez-vous emporter, déconfinement intérieur garanti : www.legrandorchestredesanimaux.com

Plus récemment, inaugurée alors que la forêt amazonienne était littéralement en feu, l’exposition "Nous les Arbres" explorait quant à elle les regards portés sur la "révolution végétale". Le parcours mêlait des travaux de recherche et d’expressions artistiques, et on pouvait y contempler une série de dessins faits au crayon et au feutre très colorés, réalisés par des artistes amérindiens Yanomami, une de plus grandes tribus d’Amazonie. Ces arbres Yanomami exprimaient à leur manière une joyeuse cosmogonie du vivant. Si vous aussi êtes amateurs de nos voisins à racine, ne manquez pas ces portraits d’artistes réalisés par la fondation : www.fondationcartier.com/projets-en-ligne/nous-les-arbres

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Claudia Andujar, la lutte Yanomami

Dans un autre registre, la rétrospective photographique "Claudia Andujar, la lutte Yanomami" peut aussi se visiter en ligne. Tout ou presque est dans le titre. Entre travail documentaire, mise au point politique et arts visuels, l’exposition retrace l’engagement militant de l’immense photographe brésilienne auprès des amérindiens Yanomami, mais aussi son travail plastique qui s’attache à proposer, de l’intérieur, une autre perception du monde : claudia-andujar.fondationcartier.com

Susi Korihana thëri au bain, pellicule infrarouge, Catrimani, Roraima, 1972-1974.
Susi Korihana thëri au bain, pellicule infrarouge, Catrimani, Roraima, 1972-1974.
- Claudia Andujar

Car ce que découvre Claudia Andujar, en étant admise dans cette communauté, ce sont les rituels chamaniques, comme les Reahu, qui sont organisés en l’honneur d’un mort, et pendant lesquelles les Yanomami prennent des hallucinogènes. Nous sommes dans les années 1970, en pleine esthétique psychédélique, et Claudia Andujar travaille en ce sens sa photographie. Dans cette série ce ne sont pas les sujets Yanomami qui déterminent le cadre, mais la photographe qui se contorsionne pour être avec eux, voire en eux. Claudia Andujar joue avec des filtres pour rendre le ciel violet, vert ou rouge, tire sur le temps d’exposition pour créer des flous, utilise de la vaseline pour déformer le réel et brouiller la perception. En cherchant à montrer ce que les Yanomami ressentent pendant ces moments de transe, la photographe donne une force particulière aux éléments de la forêt et au mouvement des hommes. Ici, l’eau semble faire corps avec le garçon qui y est immergé. Là, les herbes basses rouges et orangées vibrent avec la hutte qui les surplombe. Et Claudia Andujar de nous embarquer dans un trip métaphysique avec le film Povo do Sangue, dont un extrait est disponible sur le site de l’exposition. 

Dans un registre plus sobre, la photographe a aussi réalisé de nombreux portraits en noir et blanc des Yanomami. Suspendues dans l’espace, souvent resserrées sur les visages, ces images évoquent l’intimité autant que la pudeur qui s'immisce entre la photographe et ses sujets. On se surprend à se perdre dans un regard, ou dans le jeu des ombres, favorisé par un clair-obscur, sur un corps endormi.

Invité orné de plumules de vautour pape ou de faucon pour une fête, photographié en surimpression, Catrimani, Roraima, 1974.
Invité orné de plumules de vautour pape ou de faucon pour une fête, photographié en surimpression, Catrimani, Roraima, 1974.
- Claudia Andujar

Les programmes de santé et la série des "Marcados"

Mais il y a une autre série marquante qui, à sa manière, préfigure les questionnements que nous posent ces temps de pandémie. Au milieu des années 1970, la construction par le gouvernement militaire brésilien d’une route transamazonienne ouvre la région à la déforestation, et favorise la propagation d’épidémies de rougeole et de grippe, qui déciment la population Yanomami.

Cette prise de conscience pousse Claudia Andujar à s’engager entièrement dans la lutte pour la reconnaissance et la délimitation du territoire Yanomami. À cette période, elle réalise, en soutien à une campagne de vaccination pour endiguer l’avancée des maladies, une série de portrait de Yanomami portant autour du cou un numéro servant à leur identification médicale. Les noms, dans la culture Yanomami, ne peuvent se prononcer qu’en présence de celui qui le porte, et changent plusieurs fois au cours d’une existence. Pour faciliter le suivi des soins, les équipes médicales décident alors de numéroter les Yanomami. Cette numérotation collective d’un peuple tout entier rappelle immédiatement les tatouages d’identification pratiqués pendant la Seconde Guerre mondiale et, ironie amère, c’est justement une rescapée des persécutions nazies qui est en charge de réaliser ces images. La série, intitulée à posteriori Marcados, comporte toute l’ambiguïté d’une démarche qui, dans la lutte pour la survie d’un peuple, lui a retiré une part d’humanité.

Ces ”marqués” de Claudia Andujar qui nous regardent droit dans les yeux nous interrogent: quelle part de notre humanité serions-nous prêts à céder pour endiguer une pandémie ?

A propos d'ailleurs
3 min

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