Avec Little-Queen of rock'n'roll-Richard, une star camp s'éteint

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Avec Little-Queen of rock'n'roll-Richard, une star camp s'éteint

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Le chanteur américain Richard Wayne Penniman (1932-2020)  en 1975
Le chanteur américain Richard Wayne Penniman (1932-2020) en 1975
© Getty - Angela Deane-Drummond/Evening Standard/Hulton Archive

Le Tour du monde des idées. L'un des pionniers du rock vient de mourir à 87 ans.

Dans A wop Bop A Loo A Bop Lop Bam Boom (titre tiré précisément des "paroles" du premier tube enregistré par Little Richard, Tutti Frutti (1956), le fameux théoricien britannique du rock, Nick Cohn écrit : "Le premier disque de rock’n roll que j’ai acheté de ma vie était un disque de Little Richard et, d’un seul coup, il m’a appris tout ce que j’avais besoin de savoir sur la pop".

L'architecte noir du rock

Richard Wayne Penniman, qui vient de mourir à un âge très inattendu chez un rocker (87 ans) était un personnage « larger than life », comme disent les Américains. Noir, homosexuel, flamboyant, imprévisible, il est l’antonyme exact de l’autre inventeur du rock’n roll, Elvis Presley. Il fut "l’architecte sous-estimé" de cette sous-culture, comme il le proclamait. Et si Elvis était "the king of rock’n roll", Little Richard s’amusait d’en avoir été "the queen"… 

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La Théorie
2 min

En 1990, dans une interview au magazine Rolling Stone, il observait : 

"Je pense que si Elvis avait été noir, il ne serait pas monté si haut. Mais moi, si j’avais été blanc, je serais monté sur le toit de la Maison blanche…"

La culture musicale d’Elvis provenait du gospel qu’il chantait, avec ses parents, au temple, le dimanche, et de la country music blanche qu’il écoutait chez lui, à la radio. Celle de Little Richard, elle, mêlait le gospel et le rythm’n blues noir. C’est de la fusion de ces différents genres, dans les Etats du Sud, où régnait pourtant une ségrégation raciale impitoyable dans les années cinquante, que naquit le rock’n roll. Elvis venait du Mississipi, Jerry Lee Lewis de Louisiane, Buddy Holly du Texas, Little Richard de Géorgie. 

Juke-Box
59 min

Tutti frutti...

Richard Wayne Penniman naquit dans une famille de douze enfants en 1932, à Macon. A treize ans, son père le chasse de chez lui après avoir découvert ses tendances homosexuelles. Obligé de gagner sa vie et bientôt celle de sa famille, après la mort de son père, assassiné, il se met à se produire dans des revues, y apprend à chanter, à se maquiller, à se travestir. Il monte des groupes de rythm’n blues, enregistre quelques morceaux, sans aucun succès. Découragé, il abandonne le show-business une première fois, et survit en faisant la plonge dans une station d’autobus pour les Greyhound. 

La chance lui sourit enfin en 1955, Robert A. Blackwell, lui donne carte blanche pour enregistrer ses propres chansons à la Nouvelle Orléans, avec les accompagnateurs de Fats Domino. Tutti Frutti cartonne en 1956. Le rock’n roll est né. La version de Little Richard est, de loin, la plus frénétique et la plus déjantée. Il hurle sur un tempo de boogie survolté, toujours à la limite de la rupture. 

Ce côté "borderline" restera la marque de fabrique des disques et des concerts de Little Richard. Mais chez lui, l’hypersensibilité, l’intensité des émotions, cette tension au bord de la déchirure qui lui était propre, étaient sublimé par une esthétique camp. Avec ses énormes perruques relevées de 15 bons centimètres au-dessus de la tête, ses costumes à paillettes et ses abus de mascara, il était constamment au bord de la parodie. Debout devant ses pianos blancs, il anticipait la culture "drag queen". Une forme d' humour consistant à se jouer des conventions et des niveaux, et à brouiller les genres en les caricaturant. 

Le rock'n roll, musique diabolique...

En baptiste du Sud, il entretenait avec sa musique et son propre personnage de scène un rapport ambigu, fait d’un mélange étrange de fierté d’avoir osé et de culpabilité dévorante. Comme les cousins Jerry Lee Lewis et Johnny Cash, il n’était pas loin de considérer le rock’n roll lui-même comme une invention du diable

Aussi, en 1957, au sommet de la gloire, en plein concert, il prétend apercevoir dans le ciel une nuée prophétique. La nuit suivante, il se réveille en entendant une voix lui ordonnant de « se préparer pour la vie éternelle ». Le lendemain, il annonce en conférence de presse avoir pris la décision d’abandonner le rock’n roll et de "retourner à Dieu". "Si vous voulez vivre selon le Seigneur, vous ne pouvez pas rock’n roller en même temps" explique-t-il. Et, en signe de repentance pour sa jeunesse pécheresse, il jette ses bagues dans le port de la ville, avant de s’embarquer pour l’Amérique. 

En 1958, redevenu Richard Penniman, il suit une formation de théologie à l’Oakwood College de Huntsville (Alabama), d’où il ressort muni de son titre de pasteur. 

En 1959, il retourne cependant à la chanson, mais prétend désormais consacrer sa voix à Dieu : il prêche et n’enregistre que des gospels, vêtu de toges splendides. Ce seront les albums Coming home (1964) et It’s Real (1965). 

Rock'n roll is here to stay... les Beatles à Hambourg

Mais entre-temps, en 1962, Little Richard, il avait refait une petite tournée en Allemagne et, à Hambourg, il était tombé sur les Beatles. 

C’était l’époque où la nouvelle scène pop britannique faisait son apprentissage musical en redécouvrant le rock et le blues américains des années 1950. Les Beatles eux-mêmes chantaient alors Long Tall Sally, le plus célèbre des morceaux créés par Little Richard. C’est peut-être ce qui nous a valu le retour du Petit Richard au rock dur et pur, avec des morceaux inoubliables, tels que Bama Lama, Bama Loo (1964). La version "live" de Tom Jones, l'une des meilleures que je connaisse montre à côté de quel rocker nous sommes passés...

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On s’est souvent amusé de ces "paroles" de chansons, réduites à de simples onomatopées, Nick Cohn allant jusqu’à prétendre que leur côté inepte était une simple manière de narguer les parents. En réalité, certains des textes écrits par Little Richard étaient tellement salés que ses producteurs lui avaient demandé de les censurer. Tel est, en particulier, le cas de Tutti Frutti qui, dans la version originale, était un hymne à la sodomie :

Tutti Frutti, good Booty / If it don’t fit it, don’t force it / You can grease it, take it easy / Tutti frutti, good booty… 

"Pourquoi je me maquille ? avait-il déclaré dans une interview. Pour la même raison que vous beurrez vos tartines et que vous mettez du sucre dans votre café". 

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