Avez-vous déjà vu... un spectacle dans lequel quatre comédiennes évoluent dans le plus simple appareil scénique, comme vestimentaire ? Dans la série "Le spectacle le plus...", on vous propose aujourd'hui de vous rincer l'oeil en découvrant le spectacle le plus callipyge, sorte de reconstitution à nu de la célèbre tenture médiévale "La Dame à la licorne" : "A mon seul désir", de Gaëlle Bourges.
Gymnase du lycée Saint-Joseph, à Avignon. Comme pour tous les spectacles du IN, la salle est comble. Le rideau se lève sur quatre silhouettes qu'on peine à discerner. Puis les yeux s'habituent à la pénombre, la lumière gagne en intensité et une voix off, comme celle d'un audioguide, vient commenter l'action sur scène : quatre femmes nues, cambrées, le ventre en avant, se déplacent avec lenteur dans une belle synchronisation. Elles s'affairent à orner de fleurs le grand velours d'un rouge médiéval qui, tendu derrière elles, tient lieu d'unique décor et réduit la scène à un étroit promenoir.
Les comédiennes gagnent le côté jardin où elles s'emparent chacune d'un masque d'animal, devenant lapin, singe, oiseau et renard. Pendant ce temps la voix off, zélée et monocorde, éclaire le public sur le profil symbolique de ces bêtes : le renard signifie la fourberie, le lapin la luxure etc.
Après quelques considérations générales et didactiques sur les tapisseries au Moyen Âge, la voix off évoque très vite la tenture de la Dame à la Licorne, occasionnant l'apparition d'un nouveau masque, à corne frontale cette fois. Puis on habille l'une des quatre comédiennes : on la transforme en dame, l'affublant d'une belle robe bleue complétée d'un surplis rouge... qui ne recouvre que l'avant du corps, laissant le dos et les fesses nus.
Réflexions sur la virginité et son utilité ("Et si l'esprit était dans le cul, le con ? "), sur le monde chrétien... l'aspect didactique, historico-artistique de cette première scène, fait presque oublier la totale nudité des femmes.
Il faudrait retourner la vierge, voir ce qu'il y a derrière le monde chrétien. Derrière, il y a ce qu'on croit, pas ce qu'on voit. (...) La tapisserie n'a pas d'envers.
Extrait d'"A mon seul désir"
Mais le rideau tombe suite à une transe inexpliquée du singe, et au fond de la scène soudainement élargie, comme suspendue dans l'espace (l'éclairage annihile toute notion de profondeur), une folle farandole de lapins : hommes, femmes, nus également... ils sont soudain trente cinq à se livrer à une chorégraphie à priori innocente, malgré des déhanchés équivoques, tandis que la licorne, micro au poing, entame une chanson en ondulant lascivement du bassin.
Mais pourquoi ce choix du plus simple appareil, alors même que le support de la pièce est une tapisserie du Moyen-âge, époque où la nudité et ses représentations étaient prohibées ? Gaëlle Bourges, conceptrice de la pièce :
Gaëlle Bourges explique le choix de la nudité
1 min
Mais pour elle qui, par le passé, a travaillé dans un théâtre érotique, la nudité n'est pas érotisée dans "A mon seul désir". Gaëlle Bourges dit justement chercher à rompre le lien, tenace, entre nudité féminine et sexualisation.
Gaëlle Bourges souhaite rompre le lien entre nu féminin et érotisme
2 min
Tout de suite, on pose le mot érotique. On a plein de présupposés de vision, qui sont des présupposés de pensée. Mon travail, c'est de les décoller, et de me demander ce qu'il reste ensuite. Si on déconstruit l'érotisme du nu féminin, est-ce que le nu tient ? Est-ce que même la femme tient ? C'est comme du chewing-gum sur du goudron que j'essaye de décoller : ce n'est pas facile ! Il y a un 35 tonnes qui est passé dessus, il est vraiment collé au bitume.
Gaëlle Bourges
Abigail Fowler, en charge de la lumière, témoigne elle aussi n'avoir pas cherché à érotiser les corps nus, mais au contraire à les baigner dans un éclairage le plus atone possible.
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Pourtant, les spectateurs, qui semblent avoir apprécié le spectacle, ont eu le sentiment que cette nudité, dans la deuxième partie de la pièce, devenait plus ambigue.
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Mais Gaëlle Bourges estime que si érotisme il y a, il se situe dans le regard du spectateur.
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... même si elle reconnaît surfer sur l'équivocité du Moyen âge, ainsi que sur celle de la tapisserie de la Dame à la licorne (dont le seul nom finalement, évoque un voisinage dont on se demande s'il est bien innocent) !
Gaëlle Bourges sur la deuxième partie de son spectacle
2 min
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