Avez-vous déjà vu... un spectacle quasiment muet, mais qui vous captive profondément sans que vous sachiez précisément pourquoi ? Dans la série "Le spectacle le plus...", on vous propose aujourd'hui une immersion du côté du spectacle le plus hypnotique : "Forbidden di sporgersi", de Pierre Meunier et Marguerite Bordat, écho théâtral au texte d'une jeune autiste, "Babouillec".
La Chartreuse, superbe édifice médiéval à Villeneuve lez Avignon. Les journalistes et photographes sont nombreux à être venus assister à la générale de "Forbidden di sporgersi", pièce signée Pierre Meunier et Marguerite Bordat.
Trois personnes sur scène, sobrement vêtues de blouses, et dont l'image est floutée par de grands panneaux de plastique rainurés, chacun marqué d'un chiffre. Dans le silence, les étranges laborantins tournent les panneaux dans tous les sens, testent leur résistance à la gravité en les plaçant les uns contre les autres (tels deux cartes d'un jeu dont on souhaite faire un château)... Une scène peut-être un tout petit peu longue, comme un prélude à ce qui va suivre et qui ne sera que jeu avec la matière, les formes, les lumières, les sons.
Matière vivante lorsqu'un ruban de chantier se transforme en serpent aérien, ou quand une grosse créature blanche, vibrante, soufflante, fait irruption (et s'avérera être constituée par une quinzaine de ventilateurs en marche, recouverts d'un emballage plastique)... Ou bien encore lorsque, suite à une panne de courant, les personnages traînent sur scène sur une sorte d'énorme d'armoire électrique aux innombrables câbles, fumante, rougeoyante, grésillante...
Matière que l'on manipule, que l'on ausculte, que l'on écoute, lorsque qu'une sorte d'énorme vis, d'où émanent alternativement musique et larsens, ne se laisse finalement adoucir que lorsqu'on l'ornemente de tiges de métal (ce qui donne lieu à une sorte de partie de mikado, dont on aurait un peu revisité les règles).
Scènes fantastiques, hypnotisantes, sublimées par de petits sons qui massent les neurones, et par la musique du guitariste Jean-François Pauvros, chaque soir improvisée.
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Cette pièce est qualifié par ses créateurs d'"écho théâtral " au texte d'une autiste de 29 ans : "Algorithme éponyme". Hélène Nicolas, alias "Babouillec", ne parle pas : elle a été diagnostiquée déficitaire à 80%. Mais lorsqu'elle avait 20 ans, sa mère, Véronique, se rend compte que sa fille sait lire. Elle compose alors un système de lettres en papier, pour permettre à Hélène de s'exprimer.
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Lorsqu'il fait sa rencontre dans un centre spécialisé et qu'il découvre son texte, Pierre Meunier est fasciné : Babouillec, c'est l'antidote à la limite, à la norme, à l'"écrasement de l'imaginaire ". "Sommes-nous des êtres de lumière, débarrassés de la matière corporelle ? ", s'interroge ainsi la jeune femme. Le créateur se laisse "contaminer " par la parole enthousiaste de la jeune autiste.
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Pour autant, très peu de texte dans cette pièce. Il s'agit de "laisser agir les mots, comme une matière qui va infuser ", d'"abandonner les visions cérébrales "... et les déductions, affirme Pierre Meunier, qui cherche à tout prix à ne pas donner de leçon : "Il faut que les choses restent activement questionnantes ." Très reposant pour le spectateur, qui devient davantage un observateur, voire un coparticipant à l'expérience qui révolutionne la scène :
Pierre Meunier : 'Il faut arrêter de vouloir comprendre'
1 min
Quel est le prix à payer pour respecter ces limites ? A quoi renonce-t-on dans la création, ou dans nos rapports aux autres pour rester convenables, pour rester désirables, pour rester socialement digestes ? C'est cette question que pose Babouillec. C'est aussi sa position d'autiste qu'elle revendique en disant que si elle est restée vingt années très enfermée, avant de se mettre à écrire, c'est qu'elle craignait de perdre une liberté intérieure, qu'elle sentait à quel point nous, on se laisse réduire. Pierre Meunier
Marguerite Bordat, coconceptrice de la pièce, dit avoir aussi beaucoup appris d'Hélène Nicolas. Notamment à prendre plus de risques artistiques, ou physiques, pour les créateurs de la pièce (elle et Pierre Meunier insistent, les personnes qui évoluent sur scène ne sont pas des comédiens), qui manipulent et parfois escaladent des matériaux imposants et mobiles - saluons au passage la gracieuse performance de la danseuse et acrobate aérienne Satchie Noro-.
Marguerite Bordat, sur la prise de risques artistique et physique
1 min
Ainsi est donc né Forbidden di sporgersi , après trois mois de travail. Le titre ? Trouvé par Babouillec, il signifie l'interdiction de se pencher dehors (du temps où les fenêtres des trains s'ouvraient), intime l'ordre de rester sur les rails.
Quant à la mère de Babouillec, grâce à ce projet, elle dit avoir beaucoup appris sur sa fille.
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Hélène est quelqu'un de très joyeux, même si elle a aussi des moments de mélancolie liés à son statut de "hors limites", comme elle dit. Mais elle est extrêmement drôle. D'ailleurs, dans le spectacle, il y a des passages que l'on souhaite comiques.
Marguerite Bordat
Parmi les spectateurs, certains n'ont pas tenu à s'exprimer "à chaud", encore un peu secoués par le voyage sensoriel. Mais d'autres étaient ravis de partager leur émerveillement. Certains confiant même qu'il s'agissait de leur coup de coeur du festival.
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