Avignon 2015: le spectacle le plus lyrico-décalé

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Avignon 2015: le spectacle le plus lyrico-décalé

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Avez-vous déjà vu... un spectacle dans lequel une chanteuse lyrique apostrophe son public en créole, et s'autorise un boeuf sur un air de Carmen ? Dans la série "Le spectacle le plus...", on vous propose aujourd'hui une place à l'opéra de la "Diva du pavé", d'Isabelle Martinez, Sabine Deglise et Alexis Campos

La Diva du pavé
La Diva du pavé

Chapelle du Verbe Incarné. Quel meilleur lieu pour l'art lyrique ? Sur scène, un maestro, cheveux gominés, moustache parfaite, jaquette et noeud papillon, assis à une console que l'on prend d'abord, pénombre aidant, pour un piano.

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Lumière. Sur un son d'orchestre qui s'accorde, la diva fait son entrée, sourire scintillant aux lèvres, habillée d'un haut de jogging rouge. Au centre, trône littéralement une monstrueuse robe à l'imposant décolleté, faite de bâches bleues.

La diva s'échauffe : vocalises, sur pas de gymnastique. Puis, cachée derrière la robe, elle se déleste de son jogging avant de s'engouffrer dans l'imposant vêtement, comme elle le ferait avec une tente. Elle s'amuse... une main sort de la robe, puis des jumelles en plastique, avec lesquelles elle scrute le public. Elle se réjouit, en créole, de toute cette "société de gratin citrouille " venue pour l'écouter. Puis, émergeant de (dans) la robe avec un chapeau extravagant et mettant les mains sur la large poitrine que lui offre le costume : "Faut y aller, y a du monde au balcon ! "

La Diva du pavé
La Diva du pavé

Tout le spectacle est de cette teneur. Décalé. La diva chante de grands airs bien connus de tous, tout en continuant ses étirements : Verdi, Puccini, Haendel, Monteverdi... Elle interpelle le public avec gouaille, roule des yeux terribles lorsque le chef d'orchestre (l'homme à la moustache) commet un impair. Puis se transforme en Olympia, la poupée des Contes d'Hoffman, lorsque son coeur (un métronome) cesse momentanément de battre, ou encore, se livre à une belle performance de playback , assurant le rôle de la soprano, comme celui du ténor... et vouant le chef d'orchestre aux gémonies lorsque la bande sonore dérape, dévoilant l'artifice...

La "Diva du pavé", (dont le nom témoigne d'une volonté d'abandonner le piédestal pour la rue et ses passants), c'est Sabine Deglise, chanteuse lyrique créole, formée au CRR de La Réunion.

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Lassée de chanter devant un public de connaisseurs, une élite culturelle, elle a voulu aborder autrement l'art lyrique en "réveillant la mémoire " : "J'interprète des chants très connus des spectateurs, et c'est une façon de leur dire qu'ils connaissent l'art lyrique, qu'ils possèdent une culture, même s'ils ne savent pas mettre de noms sur les airs. Mais ça ce n'est pas grave ! "

Sabine Deglise explique comment est née "La Diva du pavé"

1 min

Elle est acompagnée, dans le rôle du chef d'orchestre, par Alexis Campos, qui s'est aussi chargé du son et de la lumière. Il explique comment il s'y est pris pour convoquer l'univers de l'opéra, tout en le dépétrifiant.

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Mais "décomplexer la musique classique " n'est pas l'unique objectif de "La Diva du pavé". Un autre message est délivré : vers la fin du spectacle, alors qu'elle est semble à l'apogée de sa gloire, la chanteuse se voit lancer une botte de radis en lieu et place d'un bouquet de fleurs - ce qui est réellement arrivé à la Callas ; Sabine Deglise affirme que le spectacle s'est inspiré de sa vie, ainsi que de celle d'Anita Cerquetti, Maria Malibran... aussi adulées que vilipendées en leur temps.

Les paillettes s'évaporent avec les honneurs, les partitions volent en tous sens, la robe monumentale se renverse. La chanteuse, dépitée, réintègre son jogging et erre sur scène, piochant tristement dans les partitions au sol : ici, la Norma, dont elle raconte l'histoire, et dont elle commence à entonner l'air... avant de se décourager. Là, la Butterfly, ici, la Traviata... Et puis finalement, c'est sur un somptueux Gershwin parfaitement executé, "It Ain't Necessarily So", de Porgy and Bess , qu'elle reprend du poil de la bête, avant de s'émanciper totalement dans la création grâce à une improvisation electro sur l'air de la Habanera de Carmen (Bizet).

Ce que nous retenons de l'art lyrique, ce sont les grands noms des XVIIè, du XVIIIè, XIXè siècles. On est resté dans cette structure codée, alors que les opéras contemporains sont très audacieux. Et donc il y a ça aussi dans ma démarche : contemporanéiser le chant lyrique.

Sabine Deglise

Si l'on devait ajouter un petit bémol à la clef de cette partition théâtrale, il concernerait la qualité de l'interprétation de tous ces grands airs : si la voix est belle, la justesse et l'expressivité font parfois défaut (excepté pour le Gershwin, très maîtrisé, et les airs a capella ). Mais il doit être difficile de chanter ces airs exigeants, tout en gérant un jeu de comédien (ici, particulièrement dynamique) ! Quoiqu'il en soit, le public n'a pas relevé, préférant saluer la belle énergie de "La Diva du pavé".

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