Béla Lugosi, acteur kitsch des années 1930 et icône gothique

Béla Lugosi dans les années 1930
Béla Lugosi dans les années 1930

Béla Lugosi, icône gothique malgré lui

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Béla Lugosi, acteur kitsch des années 1930 et icône gothique

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Surtout connu pour son interprétation de Dracula, Béla Lugosi a eu une influence méconnue sur la culture gothique moderne, avec son jeu étrange, son côté anachronique, puis grâce à un tube d'un groupe de rock des années 1970.

Une tenue sombre, une mine inquiétante, une âme tourmentée, une ambiance de crypte… Béla Lugosi a popularisé l’esthétique gothique moderne. Acteur kitsch des années 1930, adulé par Tim Burton, il est le grand-père spirituel de Mercredi Addams, la cadette de la famille macabre imaginée par Charles Addams dans les années 1930.

"Quelque part tout le monde le connaît parce que quand on prend les déguisements d’Halloween du comte Dracula, c’est le visage de Béla Lugosi qu'on trouve, raconte Victor Provis, spécialiste de rock gothique. Même si Béla Lugosi ne reste connu que des geeks amateurs des films d’horreur des années 1930 ou des séries B ringardes des années 1950."

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Le Dracula de Lugos

Béla Blaskó naît en Hongrie en 1882. Après avoir été mobilisé pendant la guerre, il fréquente le Berlin expressionniste des années 1920. Il joue l’un de ses premiers rôles au cinéma dans un film de Murnau. Puis le comédien tente sa chance aux États-Unis en jouant des seconds rôles d‘étranger : indien, cheikh arabe, marabout.

Parallèlement, c’est au théâtre qu’il acquiert une certaine renommée, en interprétant Dracula, dans la version du romancier Bram Stoker. "Il parle très mal anglais, il a un fort accent, ça lui donne un côté exotique", rappelle Victor Provis. Il adopte le nom de sa ville natale, Lugos et perce au cinéma en 1931 encore sous les traits de Dracula, mais celui de Tod Browning cette fois, un immense succès en salles.

"Il apporte à la fois un décalage du kitsch et en même temps beaucoup de sérieux, explique Victor Provis. Il y a des légendes qui ont circulé autour de Béla Lugosi comme quoi il prenait son rôle tellement à cœur qu’il dormait dans un cercueil, il avait des toiles d’araignées dans sa chambre, etc. Toute cette mythologie qu’on va retrouver plus tard avec des artistes de rock gothique comme Marilyn Manson par exemple."

Allan Poe, Frankenstein… Puis séries B

C’est l’âge d’or des films d’horreur des studios d'Universal Monsters, avec leurs décors de châteaux en carton-pâte, leurs chauves-souris en plastique et leurs fausses toiles d’araignée. Béla Lugosi devient le visage de plusieurs adaptations de la littérature gothique du XIXe siècle à travers le cinéma, des œuvres d’Edgar Allan Poe, des récits fantastiques, évoquant la mort et l’immortalité.

On lui propose même de jouer dans l’adaptation du Frankenstein de Mary Shelley, ce qu’il refuse, par peur d’être enfermé dans ce genre de rôle. Mais l’acteur est grisé par son succès fulgurant. Il tombe dans tous les excès : alcool, drogue, adultère, mégalomanie. Victor Provis résume : "Le mythe du vampire, qui est séducteur éternel, sort la nuit qui va séduire nombre de femmes, ça va résonner avec la psychologie de Béla Lugosi qui était réputé séducteur, il s’est marié cinq fois et menait une vie très dissolue…"

La mode de ces films décline après la guerre, ils sont relégués à des séries B fauchées. Béla Lugosi, qui n’a jamais pu se diversifier, est ringardisé, considéré comme un “freak”, un acteur marginal et anachronique, en décalage avec son époque. Sa carrière se réduit à des caméos voire à de l’auto-parodie, jusqu’à sa mort, en 1956, d’un infarctus à 73 ans. Andy Warhol rend hommage à cette figure kitsch avec son œuvre, “The Kiss”.

La résurrection Bauhaus

Mais Béla Lugosi “revient” d’outre-tombe en 1979, avec un groupe de post-punk anglais, Bauhaus, dont les membres sont fans de films d’horreur et de cinéma expressionniste allemand. La chanson, ôde à l’immortalité, reprend tous les clichés du folklore vampirique, non sans une certaine distance ironique propre à la mouvance punk…

Sans oser le demander
57 min

"Il y a des groupes qui ont lancé les bases du rock gothique avant, raconte Victor Provis. Gloria Mundi en 1978 ou Siouxsie and the Banshees mais c’est vrai que pour les historiens du rock, le single de Bauhaus marque le point de départ de ce mouvement puisqu’il associe le son et l’image."

Tim Burton, cinéaste du “freak” rend hommage à Béla Lugosi dans son film sur le réalisateur de nanar des années 1950, Ed Wood. "Tim Burton aime tous les personnages un peu loufoques. Il va être plus intéressé par les “beautiful losers”, conclut Victor Provis. Tim Burton a laissé une trace très forte dans la culture populaire. Il y a toute une esthétique gothique qu’on va retrouver aujourd’hui".