Biélorussie : "On vit dans un pays globalisé... Avec un dictateur au pouvoir !"

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Biélorussie : "On vit dans un pays globalisé... Avec un dictateur au pouvoir !"

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Les Biélorusses consomment aujourd'hui, comme leurs voisins européens, dans de grandes enseignes mondialisées.
Les Biélorusses consomment aujourd'hui, comme leurs voisins européens, dans de grandes enseignes mondialisées.
© AFP - Viktor Tolochko / Sputnik

Témoignage. Alexei a 47 ans. Professeur d'histoire installé à Minsk, il a connu la fin de l'ère communiste et l'installation de Loukachenko il y a 26 ans. Alors que le régime vacille aujourd'hui, il raconte la vie sous la dictature depuis la capitale biélorusse.

"La première et dernière fois que j'ai voté avant cette année, c'était en 1994, j'avais 20 ans, et c'est l'année où Loukachenko a pris le pouvoir". Alexei, professeur d'histoire biélorusse âgé de 47 ans, s'était presque habitué à ne plus voter dans ce pays, souvent considéré comme la dernière dictature d'Europe.

Toutes les élections à partir de 1995 ont été truquées.

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Le dimanche 9 août dernier, pourtant, il a décidé d'aller aux urnes, plaçant en Svetlana Thikanovskaia l'espoir d'une Biélorussie nouvelle.

En 1994, Alexei a tout juste 20 ans. Pendant toute sa jeunesse, il a connu le régime communiste et a terminé ses études en 1991, l'année où l'URSS s'est disloquée. "Après 1991, nous avons eu un régime relativement démocratique, avec une Biélorussie indépendante et plutôt libre. Puis Loukachenko est arrivé, il a décidé de remplacer le drapeau blanc et rouge, symbole de l'indépendance, par le drapeau actuel, devenu le symbole de la dictature."

La dictature de Loukachenko pèse sur les Biélorusses depuis 26 ans maintenant. Elle s'est d'abord construite sur une forte nostalgie de l'ère soviétique, très présente à la fin des années 1990. "Quand il est arrivé au pouvoir, [Loukachenko] a d'abord dit qu'il allait redonner au peuple une vie confortable, comme sous l'URSS, raconte Alexei. Le modèle soviétique était pris en exemple. À cette époque, on a eu beaucoup de nouvelles infrastructures – des écoles, des stations de métro… – et toutes étaient inaugurées pendant des journées importantes pour l'URSS, comme le 7 novembre, jour où l'on célèbre la révolution de 1917."

Une société de consommation sans libertés

L'arrivée des années 2000 a marqué un tournant pour la vie du pays, accentuant massivement le mouvement de libéralisation entamé à la fin des années 1980, avec les réformes de la Perestroïka. Accès à internet, implantation de supermarchés et de grands centre commerciaux, la culture et la consommation se sont peu à peu occidentalisées.

La vie au quotidien est devenue assez semblable aux autres pays d'Europe. Si vous venez à Minsk, vous pourrez dormir à l'hôtel Marriott, manger au Burger King et faire du shopping chez Zara.

Pourtant, impossible d'oublier la dictature, présente au quotidien, comme une menace permanente sur les libertés et les droits humains. "D'un côté, nous avons internet et des supermarchés, et de l'autre, on ne peut pas sortir dans la rue pour dire ce qu'on pense, souligne Alexei. On ne peut pas manifester en sécurité, comme on l'a vu récemment, et puis il y a une censure des médias à grande échelle. Quand on regarde la télé, on nous montre toujours une image positive du pays, le seul acteur politique est le président, personne d'autre."

Il faut alors faire profil bas, accepter d'avoir peur parfois quand on croise la police ou quand on participe à une manifestation.

C'est un peu comme sous l'URSS : nous avons notre vie privée, mais il y a une vraie frontière entre le privé et le politique, qu’il ne faut pas franchir.

Aujourd'hui, l'héritage soviétique semble peser de moins en moins chez les jeunes générations. "Beaucoup de gens paient pour leurs études désormais, pour se soigner, l'idéal communiste n'est plus vraiment présent." Au milieu de l'économie nationalisée, de plus en plus d'initiatives indépendantes éclosent aussi, notamment dans le secteur des nouvelles technologies.

"Notre président a perdu toute sa légitimité"

"I_l ne faut pas voir la Biélorussie comme un pays exotique. C'est particulier, certes, mais pas exotique"_, résume Alexei. Autre particularité de ce pays, plus anecdotique cette fois : "Dans toutes les villes du pays, il y a ce qu'on pourrait appeler des palais de glace dans lesquels on peut s'entraîner au hockey. C'est le sport préféré de Loukachenko... Et c'est marrant, parce que ce sont nos taxes qui paient ces infrastructures !"

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Depuis l'élection contestée du dimanche 9 août, qui a reconduit Alexandre Loukachenko à la tête du pays, Alexei suit de très près les manifestations. Il y a participé au début, avant d'être témoin de la violence de la répression et de prendre peur. "La situation est inédite, tout le monde a de l'espoir ici, et notre président a perdu toute sa légitimité", espère-t-il.