Bombes, fusillades et incendie : histoires de violence au Capitole

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Bombes, fusillades et incendie : histoires de violence au Capitole

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Aquarelle du Capitole en ruine. Alors que le Capitole des États-Unis était encore en construction, les Britanniques l’incendièrent pendant la guerre anglo-américaine de 1812.
Aquarelle du Capitole en ruine. Alors que le Capitole des États-Unis était encore en construction, les Britanniques l’incendièrent pendant la guerre anglo-américaine de 1812.
© Getty - Universal history archive

En plus de 200 ans d'existence, le siège du gouvernement américain a connu des manifestations, des attaques à la bombe, des fusillades et même un incendie. Jusqu'à mercredi 6 janvier cependant, il n'avait jamais été envahi par une foule déterminée à faire obstruction au processus constitutionnel.

Des scènes de chaos, des images insensées, des bombes, des morts et des blessés : mercredi 6 janvier, des centaines de militants pro-Trump d'extrême droite ont envahi le Congrès. L'intrusion a provoqué la suspension de la cérémonie de certification de la victoire de Joe Biden à l'élection présidentielle. Au cours des deux derniers siècles de son histoire, le "temple de la démocratie américaine" qui abrite les deux organes législatifs du pays - la Chambre des représentants et le Sénat - a connu plusieurs événements violents. 

Journal de 22h
15 min

Un lieu de contestation traditionnellement peu surveillé

Il est pourtant possible d'accéder au Capitole, en toute légalité, après un contrôle de sécurité. Ou même de manifester dans les bureaux du Congrès. Comme l'explique l'historien émérite du Sénat américain Donald Ritchie au Wall Street Journal, le Capitole a été "un symbole de protestation" : en 1932, les anciens combattants de la "bonus army " de la Première Guerre mondiale ont occupé les marches du Capitole pour réclamer leurs pensions en criant "America"; lors de la guerre du Viêt Nam et la révolution iranienne, des manifestants se sont régulièrement réunis aux abords du bâtiment, les pelouses du Capitole ont même été investies par des moutons… 

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Tout cela restait pacifiste. Si bien que pendant longtemps, la surveillance du Capitole était plutôt légère, souligne Donald Ritchie. La police du Congrès a été renforcée après l'assassinat de Martin Luther King Jr., puis l'attentat contre le bâtiment fédéral Alfred P. Murrah à Oklahoma City en 1995, et davantage encore après les attentats du 11 septembre 2001. Mais de mémoire d'historien confie Donald Ritchie, il n'y a "jamais eu de manifestations où des gens sont entrés par effraction dans le bâtiment et ont tenté d’arrêter la procédure. C'est totalement inhabituel pour des manifestations américaines."

Bombes et fusillades : série d'attentats au Congrès

Le Sénat, après l'attentat du 2 juillet 1915.
Le Sénat, après l'attentat du 2 juillet 1915.
- Wikimedia Commons

Le bruit des canons a cependant retenti de nombreuses fois dans l'enceinte du Capitole. En 1915, une bombe explose dans l'une des salles du Sénat. Le terroriste : Eric Muenter, un ancien professeur d'allemand à l'Université de Harvard qui s'opposait à l'aide financière apportée par le Congrès américain aux Britanniques contre l'Allemagne lors de la Première Guerre mondiale. Dans une lettre adressée au Washington Evening Star, il revendique l'attaque : "[j'espère que l'explosion fera] assez de bruit pour être entendue par dessus les voix qui réclament la guerre. Cette explosion est un point d'exclamation dans mon appel à la paix." Il n'y eut aucune victime, seulement un lustre brisé, du plâtre endommagé et des portes soufflées à déplorer, rapportait le New York Times après l'attentat. 

Le Congrès fut aussi la cible d'activistes nationalistes, qui profitèrent de l'ouverture de l'institution au public. Le 1er mars 1954, quatre militants portoricains se fondent parmi les visiteurs du Capitole. Depuis la "galerie des Dames" et aux cris de "Vive Porto Rico libre !", ils visent la Chambre des représentants où était discutée une loi sur l'immigration. Au cours de cette protestation en faveur de l'indépendance de Porto Rico, cinq députés furent blessés. Aujourd'hui encore, des impacts de balles sont visibles sur l'un des bureaux et au plafond de la Chambre des représentants, dont les chaises sont depuis équipées de matériaux pare-balles. 

D'autres explosions vont coûter cher à l'institution, en réparation comme en renforcement des dispositifs de sécurité. Dans les années 1970 marquées par l'indignation d'une partie de la population américaine suscitée par la guerre du Viêt Nam, un groupe terroriste appelé The Weather Underground cache une bombe dans les toilettes des hommes. La bombe retentit en pleine nuit, 30 minutes après un avertissement téléphonique reçu au standard du Capitole. Quelques années plus tard, en 1983, c'est sous un banc situé devant le Sénat qu'une bombe est cachée. Encore une fois, il n'y eut pas de victimes, mais d'importants dégâts. Une attaque menée par le groupe Armed Resistance Unit, en signe de dénonciation des interventions militaires américaines au Liban et à Grenade. 

À réécouter : Les images de la guerre
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Le Capitole dans les flammes

Mais l'événement historique auquel de nombreux médias ont fait référence hier (notamment Denis Denis Lacorne, directeur de recherche au CERI Sciences Po au micro de France Culture), c'est l'épisode de l'incendie de Washington, au moment de la guerre anglo-américaine. En 1814, en représailles de l'incendie par les Américains de la capitale canadienne York la précédente année, les troupes britanniques décident d'envahir le nouveau monument et de l'incendier. Le mobilier fut emporté dans les feux lancés dans le hall de la Chambre des représentants ainsi que dans la salle de la Cour Suprême, qui se situait alors encore au sein du Capitole.

Le spectacle fut si terrible qu'un mois après, des membres du Congrès se réunirent pour demander le déménagement du gouvernement fédéral à Philadelphie ou dans une autre ville plus sûre… 

Journal de 18h
20 min