Boris Johnson, Trump britannique "détrumpisé" par le Brexit
Par Leopold Picot, Rédaction Internationale
Les artisans du Brexit. Successeur de Theresa May au poste de Premier ministre, Boris Johnson voulait le Brexit sans avoir à le négocier : il a finalement dû batailler longuement pour l'obtenir, quitte à transformer son image. Car un temps comparé à Trump, le Brexit a rendu "Bojo" moins excentrique... Pour le moment.
- Ancien maire de Londres, Boris Johnson devient Premier ministre le 24 juillet 2019, succédant à Theresa May. Deux tiers des militants du parti conservateur ont voté pour lui : il promet de conclure le Brexit avec ou sans accord ("no deal").
- Après avoir tenté de forcer la main du Parlement en octobre 2019 pour provoquer un "no deal'', le Premier ministre finit par trouver un compromis contractuel et le Royaume-Uni quitte l’UE en janvier 2020…
- Mais la période de transition pour sortir de l'Union dure 11 mois. Boris Johnson se sépare de ses conseillers les plus radicaux en novembre, signe qu’il est prêt à infléchir sa position pour négocier un post-accord, qu’il trouvera à Noël.
En 2013, Boris Johnson, invité sur France 2, déclarait qu’il avait "plus de chance d’être décapité par un frisbee que de devenir Premier ministre". Qui aurait pu croire qu’un accident de frisbee serait aussi courant ? L’ancien maire de Londres devient Premier ministre le 24 juillet 2019, après l’échec cuisant de Theresa May à faire accepter son Brexit au Parlement britannique.
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Boris Johnson promet de faire sortir le Royaume-Uni, quitte à passer par un "no deal" : une rupture sans contrat avec l’Union européenne avec un retour aux règles laborieuses de l’OMC. Le Brexit lui apprendra que l’absence de compromis est l’antithèse de la négociation, et qu’il va devoir céder sur certains points pour rester dans l’Histoire.
Boris Johnson, pur produit anti-May
La force de "BoJo" est d'arriver à rassembler des électeurs que le parti conservateur n’aurait jamais pu atteindre. Il avait surpris en 2008 en remportant Londres face au candidat sortant Ken Livingstone, alors que la victoire semblait impossible. Une fois élu maire, il sera suffisamment malin pour s’approprier des projets imaginés par son prédécesseur.
Livingstone annonce la création d'un système de vélos en libre-service à Londres ? Ils seront appelés "Boris Bikes" par les Londoniens. Livingstone remporte les JO en 2005 ? C’est Boris Johnson qui sera le maire de la ville lors de leur tenue, en 2012. De l’avis de ses proches, Boris Johnson fournit l’image et la vision, et laisse à ses collaborateurs le soin de mettre en pratique ce qu’il pense.

En juillet 2019, il est élu par près des deux tiers des militants conservateurs, parce qu’il est aux antipodes de Theresa May. Cette dernière était surnommée "MayBot" (May-Robot) en raison de son attitude parfois distante et ses discours répétitifs ; Boris Johnson, lui, cultive l’image d’un bonhomme avenant et spontané, qui n’est jamais contre des sorties de route calculées et polémiques. Fervent partisan d’un "Hard Brexit" à son arrivée au 10 Downing Street, son personnage est souvent comparé à Donald Trump.
Méthode Trump : camouflet du Parlement
Et il est vrai que certaines de ses méthodes peuvent rappeler le 45e président des États-Unis. On ne saura jamais si Boris Johnson voulait vraiment négocier sérieusement avec l’Union européenne. Il a longtemps semblé tout faire pour qu’un "no deal" ait lieu. Dès son arrivée au 10 Downing Street, encouragé par Dominic Cummings, son plus proche conseiller et le plus radical sur le Brexit, Boris Johnson adopte une posture frontale contre les Européens et ne compte lâcher sur rien.

Si bien que jusqu’à la fin de l’année 2019, l’Union européenne et le Royaume-Uni semblent avoir épuisé toutes les voies de négociations possibles. Boris Johnson se frotte les mains, et peut enfin tenter de faire passer de force son "no deal". C’était sans compter sur le régime parlementaire britannique.
Dès la fin août, Boris Johnson suspend le Parlement pour l’empêcher de voter l’allongement de la période de négociation avec l’Union, dans une tentative qui rappelle le "shutdown" de Trump de décembre 2018. Trois semaines plus tard, la Cour suprême déclare que cette suspension était "illégale, nulle et sans effet''.
Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités
Contrairement à Donald Trump, Boris Johnson sait s’avouer vaincu et finit par se conformer aux exigences de la Chambre des Communes. Il supprime le 2 novembre 2019 le "no deal" de son programme électoral, en échange d’une convocation des élections législatives. Excluant une alliance avec Nigel Farage, président du Brexit Party, il lui demande de se mettre en retrait.
Le pari est risqué mais paye : les élections anticipées de décembre sacrent la victoire du parti conservateur, la voie dégagée par le retrait à la dernière minute des candidats du parti de Farage. Grand admirateur de Winston Churchill, Boris Johnson décide qu’il sera l’homme qui aura rendu le Brexit possible. Quelques semaines plus tard, il fait adopter par le Parlement à la nouvelle majorité absolue conservatrice son accord du Brexit, qui s’applique fin janvier 2020.
Dernier round, derniers compromis
Mais le Brexit, chemin de croix des Premiers ministres britanniques successifs, allonge de quelques mois la fin du parcours : il faut dorénavant trouver des règles de commerce communes avec l’Union européenne, avant la fin de la période de transition, prévue onze mois plus tard. Le Premier ministre refuse alors d’allonger la durée de transition. Il craint de voir son mandat entièrement consacré au Brexit jusqu’en 2024.

Le 13 novembre, Bojo se sépare de son impitoyable conseiller Dominic Cummings pour accélérer les négociations. Boris Johnson annonce le jour de Noël, une semaine avant le date butoir, qu’un accord a été conclu. Ce dernier résout les derniers différends sur la pêche et les normes environnementales, économiques et sociales des deux nouveaux partenaires.
Reste que celui qui a "fait le Brexit" – dont le rôle sera resté bien plus déclaratif que le travail de fond de David Frost, négociateur pour le Royaume-Uni – doit aujourd’hui rendre des comptes sur sa gestion de la crise du coronavirus, délaissée pendant trop longtemps au profit de la sortie quadriennale de l’Union européenne.