Brésil : la nostalgie de la dictature ou l'hommage au tortionnaire Brilhante Ustra

Carlos Alberto Brilhante Ustra
Carlos Alberto Brilhante Ustra

Brésil : qui est le tortionnaire auquel Jair Bolsonaro rend hommage ?

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Brésil : la nostalgie de la dictature ou l'hommage au tortionnaire Brilhante Ustra

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Portrait | "L'erreur de la dictature a été de torturer sans tuer". C'est le favori à l'élection présidentielle, Jair Bolsonaro, qui prononce ces mots en 2016 sur les ondes d'une radio brésilienne. Le candidat d'extrême droite ne cache pas son admiration de la dictature et du tortionnaire : Brilhante Ustra.

En octobre 2018, c'est un nostalgique de la dictature brésilienne (1964-1985) qui remporte le premier tour de l'élection présidentielle, avec 46% des voix. En 2016, Jair Bolsonaro est allé jusqu'à dire que "l'erreur de la dictature avait été de torturer sans tuer", sur les ondes d'une radio brésilienne. Et de rendre hommage, la même année, au tortionnaire Brilhante Ustra lors de son vote de destitution de la présidente Dilma Rousseff. Voici le portrait de ce tortionnaire, cette figure de la dictature, pour mieux comprendre ce moment politique, et ce qu'il représente aujourd'hui. 

En 2016 au Congrès, le député Jair Bolsonaro vote pour destitution de la présidente Dilma Rousseff. Il dédie son vote “à Dieu, à la famille, aux forces armées, contre les communistes et à la mémoire du colonel Carlos Alberto Brilhante Ustra.”  

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Jair Bolsonaro ne cache pas son admiration pour la dictature militaire (1964-1985), et pour le tortionnaire Brilhante Ustra, qui aurait lui-même torturé Dilma Rousseff pendant la dictature, alors qu'elle était jeune résistante. 

Brilhante Ustra est le premier responsable militaire à être reconnu en tant que tortionnaire durant la dictature, par un tribunal civil à Sao Paulo en 2008. La junte militaire, au pouvoir depuis 1964, renverse le gouvernement démocratique et prend les rênes du pays. Les généraux justifient le coup d’Etat en invoquant la menace communiste. Ils suspendent les droits politiques des personnes suspectées d’activités subversives. 

La Constitution est suspendue, le Congrès dissout et des milliers de prétendus dissidents politiques déportés. Environ 500 Brésiliens sont tués, et des milliers sont détenus, torturés par les militaires. De septembre 1970 à janvier 1974, Brilhante Ustra est commandant de la police secrète de Sao Paulo. Il s’est rendu coupable d’actes de torture contre des dissidents politiques alors qu’il assumait le commandement de la police secrète. En 1979, une loi d’amnistie empêche les poursuites pénales contre les tortionnaires de la dictature. 

Ustra a écrit deux livres, La vérité suffoquée et Rompre le silence, dans lesquels il nie avoir participé à des séances de torture. En 2005, la famille Teles, composée de cinq membres détenus pendant 11 mois par la police secrète en 1972, intente un procès civil contre Carlos Brilhante Ustra. Pour la première fois au Brésil, le Tribunal déclare qu’un officier militaire peut être reconnu coupable de torture pendant la dictature. Aujourd’hui, en 2018, Bolsonaro, lui-même capitaine de réserve, choisit son vice-président, un général de l’armée. Bolsonaro joue sur la nostalgie de l’armée en vue de renforcer le pouvoir des militaires, et de l’autorité sur la société brésilienne en général. 

Armelle Enders, historienne du Brésil contemporain, explique ce retour récent du militarisme dans le paysage politique :

C’est très récent cette arrivée sur la scène publique des nostalgiques de la dictature. Ça a commencé, et c’était surprenant, vers 2013-1014, parallèlement à la Commission nationale de la vérité mise en place par Dilma Rousseff pour faire le point sur les bas-fonds de la dictature. Il y a une nostalgie pour un temps complètement mythifié où il y avait moins d’insécurité.

Cultures Monde
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