Ce que la mode doit à Karl Lagerfeld

Silhouette du couturier Karl Lagerfeld
Silhouette du couturier Karl Lagerfeld

Ce que la mode doit à Karl Lagerfeld

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Ce que la mode doit à Karl Lagerfeld

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Le renouveau du "twin-set" et du tweed de Chanel, c'est lui. L'arrivée de la haute couture chez H&M, c'est lui aussi. Portrait de Karl Lagerfeld, rock star de la mode qui nous a quitté ce 19 février.

Karl Lagerfeld a disparu ce 19 février. Outre son incroyable longévité, comment expliquer son influence sur la mode et la haute couture ? Audrey Millet, historienne de la mode et Françoise-Marie Santucci, journaliste expliquent en quoi le couturier a imprégné le monde de la mode de sa personnalité 

Audrey Millet : "Karl Lagerfeld ressemble assez aux hommes de la Renaissance, à un Vinci, capable de s’intéresser à l’astronomie, aux sciences, à la musique."

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Françoise-Marie Santucci : "Il avait un côté rock star, en fait c’était une rock star. En 2004, c’est un moment-clé de l’évolution de la mode, il accepte de dessiner une collection pour H&M. On a appelé ça le "masstige", c’est la contraction entre mass-market et prestige. Les gens se battaient presque pour avoir les pièces, il y avait une hystérie, vraiment."

Audrey Millet : "Le prix moyen d’une chemise Lagerfeld, c’est 89 euros. Lagerfeld parle à tout le monde, c’est en ça qu’il est assez visionnaire, il ne se fiche de rien, mais à la fois de tout. C’est lui qui a pris les photos de Zahia, pour sa marque de lingerie, ce n’est pas vraiment l’association à laquelle on pensait, mais non, il veut être le premier à le faire."

Après ses débuts notamment chez Balmain et Fendi, il est employé par Chanel.

Françoise-Marie Santucci : "Lorsqu’il arrive en 1983 chez Chanel, c’est une maison assez poussiéreuse qui en gros habillait les bourgeoises de province. Il la révolutionne dans le sens où il reprend les codes de Gabrielle Chasnel. Le twin-set (veste et jupe assorties), le tweed, les couleurs bleu marine et ivoire. Il en fait des pièces extrêmement modernes."

Audrey Millet : "C’est le seul, le premier surtout, à avoir fait renaître une maison de couture. Le passé ne l’intéresse pas, c’est juste une clé pour rassure le consommateur. Dans la maison Chanel vous achetez un produit, vous avez le camélia, c’est rassurant. Pour lui, seul le présent est important. C’est un des seuls créateurs reconnus qui n’a pas son autobiographie, qui n’a pas de rétrospective hallucinante sur tout son travail."

Insaisissable et sans arrêt en quête de nouveauté, il ne laisse pourtant ni pièce emblématique, ni style propre à une époque.

Françoise-Marie Santucci : "Il n’a pas inventé certaines pièces comme a pu le faire Christian Dior. Comme on dit en physique, il a fait une cristallisation de l’époque. Il avait ce talent de rendre les choses a priori un peu austères, c’est-à-dire la variation infinie sur le vêtement, il a réussi à la rendre drôle, accessible, désirable."

Audrey Millet : "Je pense qu’il n’y a pas de style Lagerfeld, la base c’est le changement. Il faut que trois mois plus tard, parce qu’on est maintenant sur des collections de trois mois, il faut que ça soit différent. On sent bien, non pas cette fureur de vivre, mais cette fureur de créer, cette boulimie de création. Son style, finalement c’est lui, c’est l’uniforme, c’est le col défroqué. "

Si Karl Lagerfeld est novateur dans sa manière d’envisager le vêtement, il l’est aussi dans a manière de le présenter, lors des défilés.

Françoise-Marie Santucci : "Les défilés de Chanel ont été au fil des années de plus en plus spectaculaires, mais pas je pense, par une volonté de spectaculaire à tout crin, c’est juste que ça l’amusait. Il avait souvent des idées dans la nuit et il disait non mais j’ai eu cette idée dans la nuit, le lendemain, j’ai demandé si on pouvait le faire, on m’a dit oui, donc voilà on l’a fait. Tout devait être très simple."

Audrey Millet : "Ce sont des shows extrêmement fins. Il donne une image de la maison claire, précise, racée. Ensuite, il y a évidemment de la provocation, mais puisqu’il est là pour jouer, c’est tout à fait logique, le supermarché ou les manifestations féministes. Il propose un tableau impressionniste, mais en mouvement."

La Fabrique de l'Histoire
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