Il y a tout juste quatre-vingts ans, un général de brigade peu connu prononçait depuis la BBC à Londres un discours historique pour relancer la lutte contre l'Allemagne nazie. Ce héraut de la France libre ignore alors si sa famille est toujours vivante, en particulier sa femme et soutien Yvonne.
Militaire, chef de guerre, Charles de Gaulle est entré dans l'Histoire en refusant l'armistice et l'occupation de l'Allemagne nazie. Mais derrière cette image se cache un homme seul. "A 49 ans, j'entrais dans l'aventure, comme un homme que le destin jetait hors de toutes les séries", raconte-t-il dans ses Mémoires de guerre à propos de ce fameux 18 juin 1940.
Un couple dans le fracas de l'Histoire
Quand il débarque à Londres le 17 juin, cet éphémère sous-secrétaire d'Etat à la guerre d'un gouvernement démissionnaire se voit "seul et démuni de tout, comme un homme au bord d'un océan qu'il prétendrait traverser à la nage". Pétain vient d'annoncer l'armistice et de Gaulle veut rallier Winston Churchill à sa cause. Churchill qui dira le 2 août 1944 aux Communes : "Je n'ai jamais oublié et ne pourrai jamais oublier qu'il a été le premier Français éminent à se dresser face à l'ennemi commun". La notoriété de celui qui a déjà lancé un premier appel le 2 juin 1940 dans une émission de radio française intitulée "Le quart d'heure du soldat" ne dépasse pas alors un cercle restreint de parlementaires et de militaires. Certains ayant lu son livre-manifeste Vers l'armée de métier, sur ses conceptions de la guerre moderne. C'est dans ce chaos de l'Histoire, que sa femme Yvonne et leurs trois enfants décident de braver tous les dangers pour le retrouver.
C'est le parti pris cinématographique qu'a récemment proposé Gabriel Le Bomin dans le film De Gaulle. "C'est une histoire absolument poignante et d'ailleurs qu'on ne connaît que depuis peu de temps" souligne Hervé Gaymard, le président de la Fondation Charles de Gaulle :
Ce film nous montre que c'est un homme de chair et de sang qui avait une très grande sensibilité et qu'il cachait parce que c'était son devoir d'état. Il raconte comment Yvonne de Gaulle est partie d'abord dans le Loiret, ensuite en Bretagne. Quand elle est en Bretagne, elle n'a aucune nouvelle de son mari. Il ne sait pas où elle est, et lui ne sait pas où est sa famille. Si bien que lorsqu'il prononce l'appel du 18 juin, il ne sait pas si sa famille est morte ou vivante. Il a seulement pu reconstituer que la veille trois bateaux étaient partis de Brest. Sur ces trois bateaux, deux ont été coulés par les Allemands. Il ne sait pas dans lequel sa famille était.
L'homme de la France Libre est seul, alors que sa femme Yvonne et leurs trois enfants sont pris dans le tourbillon de l'exode. "Yvonne de Gaulle encourage Charles de Gaulle vers son destin, c'est un soutien sans faille au moment du 18 juin. Alors qu'il venait de se mettre au ban de l'armée, qu'il allait être dégradé, dépossédé de ses biens et condamné à mort." explique l'historienne Frédérique Neau-Dufour, qui a signé la biographie Yvonne de Gaulle, publiée chez Fayard :
"De Gaulle est un homme complètement seul quand il s'envole de Mérignac le 17 juin 40 pour Londres. Sa femme prise dans les tourbillons de l'exode."
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Yvonne est la première de toutes les gaullistes. Il faut bien souligner cela. Pour elle, le 18 juin est quelque chose de génial. Elle soutient cette initiative alors que l'on peut très bien imaginer qu'une épouse normalement constituée aurait crié d'effroi. Il lançait sa famille dans une aventure imprévisible.
Yvonne, Charles, une union pour la vie
Yvonne de Gaulle femme de l'ombre discrète, effacée, c'est l'image qu'elle donnera d'elle tout au long de cette union : de Londres jusqu'au palais de l'Elysée. Mais celle qui deviendra "tante Yvonne" pour les Français avait un fort caractère, assure Frédérique Neau-Dufour : "Dans ses courriers, elle écrit : 'Je ne suis pas Picarde pour rien, pour défendre, revendiquer'. Elle n'hésite pas à défendre son point de vue y compris et surtout lorsqu'elle n'est pas d'accord avec le général de Gaulle".
C'est un couple discret, qui se respecte et se fait confiance. L'un comme l'autre avait une admiration réciproque. Un couple uni autour de leurs enfants et particulièrement soudé autour de leur petite Anne, née trisomique. "Cette petite fille qui n'a pas le pouvoir des mots va réussir à éveiller quelque chose en lui de tout à fait particulier. Les témoins ont été très nombreux à souligner cette tendresse qu'il a pour elle. On a ces photos extraordinaires où il la tient sur ses genoux à la plage" souligne la biographe Frédérique Neau-Dufour.
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Et c'est d'ailleurs après-guerre que le couple décidera de consacrer la Fondation Anne de Gaulle aux jeunes femmes handicapées mentales "sans ressources, bénéficiant des secours de l’assistance publique et de préférence provenant de familles éprouvées par la guerre". Une fondation qui sera financée par les droits d'auteurs des livres et mémoires écrits par Charles de Gaulle.
"Ce couple a toujours tenu très fermé les portes de son intimité. C'était un principe d'éducation."
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Fendre l'armure, c'est bien là toute la complexité de l'homme, du militaire et de cette famille qui se protège derrière les murs de leur propriété à Colombey-les-deux-Eglises. "Charles de Gaulle était d'une très grande pudeur, c'était sa personnalité à vouloir mettre un mur, un écran total entre la vie personnelle, familiale et la vie publique" conclut Hervé Gaymard.
Avec AFP et la collaboration d'Eric Chaverou et de Nathalie Lopes