Colombie : les étapes du processus de paix avec les Farc
Par Antoine Guerrier, Éric Chaverou, Abdelhak El Idrissi
Chronologie. Le 26 septembre 2016 a été signé le premier cessez-le-feu bilatéral et définitif jamais conclu entre autorités colombiennes et Farc (formées en 1964). Voici la genèse de cet accord historique après 52 ans de conflit, et comment il a été remis en question, avant un dépôt des armes complet.
1984
Groupes armés se réclamant du marxisme, les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie signent un tout premier cessez-le-feu avec le gouvernement du président Belisario Betancur et forment une coalition électorale avec les communistes. Mais face aux exactions incessantes des paramilitaires, les Farc décident de retourner à la lutte armée. Des milices paramilitaires liées à l'armée, à des propriétaires terriens ou à des cartels de drogue et coupables du massacre de nombreux civils, dont des paysans.

2002
Enlèvement en pleine tournée dans le pays de la franco-colombienne Ingrid Betancourt, candidate à l'élection présidentielle.
Élection du président Alvaro Uribe, opposant aux négociations de paix, qui va mener une lutte farouche contre les Farc.

2003
Début du désarmement des milices paramilitaires.
2008
Manifestations massives contre les Farc en Colombie et dans une centaine de villes dans le monde.
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Le chef historique des Farc, Manuel Marulanda, 80 ans, meurt d'"une brève maladie", selon la guérilla. Il avait déjà été donné pour mort au moins à 17 reprises !
Hugo Chavez appelle les Farc à déposer les armes et à libérer sans conditions tous ses otages : "Un mouvement de guérilla n'est plus à l'ordre du jour dans les montagnes d'Amérique latine".
Libération sans négociation d'Ingrid Betancourt et de quatorze autres otages, à la suite d'une opération militaire. Quelque 150 intellectuels, politiques, journalistes et dirigeants colombiens demande à la guérilla d'accepter une reprise du dialogue en vue d'un accord humanitaire permettant une libération massive d'otages.
2010
Élection du président de centre-droit Juan Manuel Santos, ancien ministre de la défense d'Uribe de 2006 à 2009. Lors de son discours d'investiture, il se montre ouvert à des discussions dans la mesure où les groupes armés renoncent aux armes, aux enlèvements et au narcotrafic.

A écouter : En Colombie : les flux et les reflux d'un peuple déchiré (Concordance des temps)
2012
Débuts de nouvelles négociations à La Havane, en présence de représentants des Farc et du gouvernement colombien. Sous les auspices de diplomates cubains et norvégiens. Jimmy Carter, Nobel de la Paix, ancien président des États-Unis (de 1977 à 1981) et soutien actif du processus de paix, aurait recommandé ces deux nations pour leur expérience et discrétion.

2016
En présence du secrétaire général de l'ONU et de plusieurs présidents de pays voisins, les Farc et le gouvernement tombent d'accord sur le dernier point des pourparlers, à savoir la fin du conflit armé qui prévoit un cessez le feu bilatéral, la fin des hostilités, et le désarmement des Farc.

- Le 26 septembre : signature officielle à Carthagène de l'accord de paix devant 2 500 dignitaires étrangers et invités spéciaux, dont le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, le président cubain Raul Castro, et le secrétaire d'État américain, John Kerry.
Tout le monde est habillé en blanc en signe de paix et le texte de 297 pages est signé par Juan Manuel Santos et le leader des Farc Timochenko avec un stylo balle (baligrafo).
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Après plus d'un demi siècle de lutte anti-gouvernementale, les Farc ratifient ce texte signé avec le gouvernement colombien de Juan Manuel Santos. Grâce à un contingent de 450 observateurs, l’ONU doit surveiller le désarmement des 7 500 guérilleros (ils furent jusque 20 000). Leurs armes serviront symboliquement à la construction de monuments commémoratifs. Quant à la plus vieille et plus puissante guérilla du monde, elle devrait devenir un parti politique classique. Le texte de cet accord sera soumis à un référendum national le 2 octobre. Son contenu avec Nadine Epstain :
Détail des six grands points de ce cessez-le-feu conclu après près de quatre ans de pourparlers
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Selon les estimations officielles, le bilan du conflit est de 260 000 morts, 45 000 disparus et 6,9 millions de déplacés.
L'espoir des familles de disparus. Reportage de Sarah Maquet.
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L'Union européenne suspend alors officiellement les Farc de sa liste d'organisation terroriste.
A écouter : Les promesses et les aléas de l’accord de paix avec les Farc (Les Enjeux internationaux)
- Le dimanche 2 octobre, surprise vu de France, les Colombiens rejettent de peu l'accord de paix.
Le "non" à ce référendum l'emporte avec 50,21% des voix, alors que la participation n'a été que de 37,28%. L’écart représente moins de 60 000 voix sur 13 millions de bulletins.

Certains refusent de faire la paix avec un groupe constitué selon eux de terroristes, de meurtriers, de violeurs d'enfants et de trafiquants de drogue. Surtout si ces personnes se voient réintégrées dans la société civile grâce à des conditions judiciaires favorables, petites peines de prison et travaux d'intérêt général pour ceux qui reconnaîtront leurs crimes, et avec une aide financière de l’État. Politiquement, certains ont aussi pu craindre que ces évolutions ne favorisent la renaissance de la gauche et de l'extrême gauche non révolutionnaire colombienne.
Analyse de ce "non" à la paix des Colombiens par Janette Habel, politologue, enseignante à l'Institut des hautes études de l'Amérique latine à Paris III
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A écouter : Colombie : du processus de paix au rejet du référendum (Soft power)
- Le 7 octobre, le prix Nobel de la paix est décerné au président colombien Juan Manuel Santos pour ses efforts de paix avec la guérilla des Farc, malgré son revers quelques jours plus tôt avec la victoire du "non".

Pour le comité Nobel, "Le référendum n’était pas un vote pour ou contre la paix. Le fait qu’une majorité des votants ait dit non à l’accord de paix ne signifie pas nécessairement que le processus de paix est mort."
Nadine Epstain : "Depuis qu'il est au pouvoir en 2010, l'objectif du président colombien est de mettre un terme définitif à la guerre civile."
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- 13 novembre : nouveau traité de paix signé entre les Farc et le gouvernement à La Havane pour donner une seconde chance à la paix : 56 propositions sur 57 sont remaniées. Le volet politique est maintenu : les guérilleros pourront entrer au gouvernement, mais leurs biens vont être confisqués et l'aide pour la formation de leur parti sera revue à la baisse. Ils devront également révéler les routes du trafic de drogue. La France s'en réjouit et "salue les efforts de toutes les parties pour parvenir à ce résultat".
Les différences avec le premier traité de paix. Explications de Daria Golub
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- 30 novembre : Le Congrès ratifie à l’unanimité des élus présents, le nouvel accord de paix signé avec les Farc. Les obstacles institutionnels à sa mise en oeuvre sont donc levés, et le processus peut démarrer. Avec normalement dans un premier temps une loi d'amnistie pour les combattants qui n'ont pas commis de crimes graves et serait mis en place le tribunal de paix qui jugera les responsables, alors qu'une partie du pays continue à rejeter le traité et que sur le terrain sur la situation est loin d'être calme. Correspondance depuis Bogota de Zoé Berry :
La fin des Farc comme guérilla armée prévue dans 150 jours si le calendrier du texte est respecté
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- 26 juin 2017 : Fin du désarmement des Farc. L'ONU indique que les 7 000 combattants des Farc ont remis leur arsenal à l'agence onusienne chargée de superviser le processus et d'assurer l'application de la feuille de route issue du processus de paix. Ce sont 7 132 armes qui ont été remises à l'ONU en vue de leur destruction.
- 27 juin 2017 : Célébration de l'événement à Mesetas (au centre du pays). "Le dépôt des armes représente le début d'une nouvelle Colombie qui avance vers la paix. Je remercie la Mission de l'Onu pour son soutien et son travail", tweete le président Juan Manuel Santos.
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"Adieu aux armes ! Bienvenue à la paix !", lance le chef de la guérilla colombienne. "Aujourd’hui, nous ne trahissons pas la Colombie. Aujourd’hui, nous abandonnons les armes", a promis Rodrigo Londoño, alias "Timochenko".
A LIRE De Bogota à Lima : poser les armes, panser les âmes. Cultures Monde. 22 juin 2017.