Covid-19 : sur la piste de l'origine animale

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Covid-19 : sur la piste de l'origine animale

Par
Une chauve-souris africaine aux ailes d'or, dans son acacia favori, Masaï Mara, Kenya.
Une chauve-souris africaine aux ailes d'or, dans son acacia favori, Masaï Mara, Kenya.
- François Moutou

Enquête. Que sait-on vraiment de l'origine du SARS-CoV-2 ? Comment ce nouveau coronavirus qui dérègle toute la planète a-t-il pu sauter la barrière d'espèces ? Qui sont les animaux réellement impliqués dans sa transmission à l'homme ? Enquête auprès des spécialistes des chauves-souris et des pangolins.

Depuis le début de l’épidémie, tous les regards sont braqués sur la ville de Wuhan et son marché d’animaux vivants, d’où semble être partie la pandémie de Covid-19. Mais on n’a pas encore retrouvé le patient zéro, le premier humain infecté par le virus SARS-CoV-2, ni l’animal à l’origine de cette transmission. 

Depuis la crise du SRAS en 2002, qui a été suivie d’une seconde alerte en 2002/2003 (heureusement circonscrite immédiatement), les équipes chinoises sont sur le qui vive et ne cessent de chercher, dans la faune qui les entoure, les virus susceptibles de franchir la barrière des espèces pour pénétrer dans les cellules humaines. 

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Il semble avéré que pour le SARS-CoV-2, le "réservoir" - c’est-à-dire l’animal qui héberge le virus - soit bien une chauve-souris. Mais on ignore encore précisément de quelle espèce. Quant au pangolin, il pourrait être "l’hôte intermédiaire" - autrement dit le deuxième maillon de la chaîne de contamination, qui permet au virus d’évoluer afin de parvenir à infecter l’espèce humaine. Mais là encore, ce n’est qu’une hypothèse et en réalité, les chercheurs n’ont pas encore identifié avec certitude l’animal qui joue ce rôle. 

Sur la piste du SARS-CoV-2, nous rencontrerons donc d’abord trois chauves-souris porteuses d’un cousin du virus, puis des pangolins bien malades, nous verrons comment les Rhinolophes mordent quand on les attrape au filet et qu’on mange au Laos de petites brochettes de leurs congénères. Mais nous comprendrons surtout que les équipes de recherche en sont au tout début du commencement. 

Dans les mines désaffectées du Yunnan

Après la crise du SRAS, dans le monde entier et principalement en Chine, les virologues sont partis à la recherche de coronavirus et ont prélevé des milliers d’animaux, constituant de gigantesques bases de données de génomes de virus. Avec l’émergence d’une nouvelle épidémie, dès que le génome du SARS-CoV-2 a été séquencé, il est devenu possible de le comparer aux milliers de données disponibles. 

C’est ainsi que des équipes chinoises ont retrouvé trois génomes de virus de chauves-souris proches de notre SARS-CoV-2 humain. Proches, mais non identiques, ce qui est bien le problème. "Toutes ces études ont été motivées par la première épidémie de SRAS, en 2002-2003", explique Alexandre Hassanin spécialiste en évolution. Maître de conférence à Sorbonne-Université, il travaille sur la génétique des chauves-souris dans son laboratoire du Muséum d’histoire naturelle et ajoute "il y a donc eu pas mal d’expéditions sur le terrain et l’équipe de Wuhan est allée dans le Yunnan, le sud de la Chine, pour collecter des centaines de chauves-souris. Et sur l’un des individus, ils ont découvert un coronavirus - dont le génome a été complètement séquencé depuis - et qui est très proche du SARS-CoV-2 humain. Ils sont identiques à 96%, c’est le plus proche qu’on ait trouvé à ce jour__. Ce virus a été découvert chez une chauve-souris de l’espèce Rhinolophus affinis." 

Vol de chauves-souris s'échappant de la grotte de Linno Gu, à Hpa An en Birmanie. Mars 2020
Vol de chauves-souris s'échappant de la grotte de Linno Gu, à Hpa An en Birmanie. Mars 2020
© AFP - Ye Aung THU

Alexandre Hassanin estime que l’équipe avait à l’époque récupéré au moins 300 à 400 chauves-souris sur ce site du Yunnan : 

Il faut imaginer ces mines abandonnées où gîtent des milliers chauves-souris. Il faut avoir la chance de tomber sur l’individu qui héberge le bon virus et en présente suffisamment pour être séquencé. Si les concentrations virales sont trop faibles, même avec des techniques moléculaires très pointues, on passe à côté de la détection.

"Ce n'est pas un smoking gun" 

Le virus, le plus proche du nôtre, a donc été collecté sur cette chauve-souris en 2013. Les scientifiques l’ont surnommé « RaTG13 », comme le précise Jean-François Julien, écologue au Muséum d’histoire naturelle. L'équipe chinoise à l'origine de la découverte s'était rendue dans une mine désaffectée, dans le district de Mojiang. "Ce virus a été échantillonné à plus de 1 500 kilomètres de Wuhan et on n’en a jamais retrouvé de semblable depuis. C’est un peu le hasard qui fait qu’on l’a trouvé. Je ne suis pas le seul à le penser, on ne peut pas prendre le RaTG13 comme un élément de preuve très solide. Ce n’est pas ce que les Américains appellent un "smoking gun", le pistolet encore fumant qui prouve que l’on vient de tuer quelqu’un. Il faut bien réaliser que malgré tous les efforts qu’ont fait les Chinois – et ils ont dû prélever au moins 20 000 chauves-souris depuis la première crise du SARS – ce ne sont que des coups de sonde dans un univers de virus".

Ce virus identifié en 2013 n’est donc pas "le" virus qui est venu infecter l’homme. Il s’agit plutôt d’un parent de ce virus, une sorte de cousin. Mais il semble tout de même que la chauve-souris qui l’a hébergé – ou plus précisément le groupe auquel elle appartient – serve bien de "réservoir" à notre SARS-CoV-2. 

Chauves-souris frugivores du Queensland, une région australienne infectée par le virus Hendra. Juillet 2011
Chauves-souris frugivores du Queensland, une région australienne infectée par le virus Hendra. Juillet 2011
© AFP - Johns Wilson

La chasse aléatoire au coronavirus s’est en effet soldée également par deux autres prises : en 2012 et en 2015, des chercheurs ont prélevé des chauves-souris et chez deux d’entre-elles, on a découvert deux coronavirus identiques au SARS-CoV-2 à 89%.  Ces deux chauves-souris étaient de l’espèce Rhinolophus sinicus, "une espèce qui n’est quasiment présente que en Chine – ce qui en fait d’ailleurs un bon candidat pour héberger le coronavirus responsable du Covid-19", poursuit Alexandre Hassanin, "Mais je pense pour ma part que le réservoir de ce virus, ce n’est pas une seule espèce mais que ce sont plusieurs espèces du genre Rhinolophus_. Il faut imaginer que ces virus sont échangés régulièrement entre espèces, certaines les acceptant plus facilement que d’autres, et il y a peut-être d’autres espèces parmi les_ Rhinolophus qui n’ont pas encore été échantillonnées." Des espèces susceptibles, donc, d’héberger un coronavirus encore plus proche du SARS-CoV-2. 

Les chauves-souris hébergent au moins 500 coronavirus

Les chauves-souris sont de véritables "nids" à virus, rappelle Jean-François Julien, qui se hâte d’ajouter qu’elles ne sont pas "dangereuses" pour autant. La densité de virus s’explique en partie par le grand nombre d’espèces (c’est valable pour tous les groupes d’animaux) et par leur capacité à se regrouper entre espèces, justement. C'est ce que l’on nomme leur  "grégarité interspécifique". Cela permet aux mammifères d’échanger des virus entre eux et aux virus de se recombiner, ce qui augmente leur chance de pouvoir trouver de nouvelles cibles à infecter. C’est particulièrement vrai des chauves-souris dont différentes espèces s’accrochent parfois à "touche-touche" dans leurs gîtes. 

Des pipistrelles communes gîtent dans une habitation. France
Des pipistrelles communes gîtent dans une habitation. France
- Laurent Arthur

Pour se faire une idée de la variété du monde des chauve-souris, il faut savoir qu’il y a : "35 espèces de chauves-souris en France et on en a trouvé une dizaine de nouvelles depuis la fin des années 80" s’émerveille Jean-François Julien, "Comme dans beaucoup de groupes d’animaux, les progrès des analyses ADN nous ont montré que des animaux qu’on croyait appartenir à la même espèce sont d’espèces différentes. Dans le monde, on estime qu’__il y a environ 1400 espèces de chauves-souris et une vingtaine de nouvelles espèces sont découvertes chaque année. On ne peut donc pas donner de chiffre précis. En Chine, pays plus grand et plus chaud que la France, on dénombre au moins 110 espèces de chauves-souris, et parmi le groupe des Rhinolophus_, il y a au moins 14 espèces différentes_. » 

Un petit cynoptère sous un abri de jardin, Singapour
Un petit cynoptère sous un abri de jardin, Singapour
- François Moutou

Depuis la crise du SARS, les équipes chinoises collectent donc des spécimens et auraient "caractérisé au moins 500 coronavirus chez les chauves-souris. Et ils pensent qu’il y en a probablement 5 000 !", s’exclame Jean-François Julien. Tous sont cependant loin d’être capables d’infecter l’homme. 

Depuis que l’on s’intéresse à cette famille de virus, on a dénombré uniquement 7 coronavirus différents qui ont réussi à pénétrer des organismes humains. Quatre d’entre eux donnent de petits rhumes bénins et étaient, jusqu’aux années 2000, passés presque inaperçus tant leurs effets sont négligeables. 

Trois autres coronavirus respiratoires dangereux ont provoqué les trois flambées épidémiques qui ont effrayé la planète : le virus MERS-CoV a provoqué de petites épidémies de MERS au Moyen-Orient. Il y a environ un siècle que ce virus - probablement hébergé initialement chez les chauves-souris - a contaminé les dromadaires, qui sont devenus son "réservoir". Deux autres coronavirus respiratoires - issus d'une même famille de virus - ont provoqué les crises du SARS et la toute dernière pandémie de Covid-19. Or, jamais aucune équipe n’a découvert chez les chauves-souris un virus absolument identique à ces tueurs. 

Cela dit, même si on n’a pas retrouvé "la coupable", il ne fait pratiquement aucun doute que le "réservoir animal" des coronavirus transmissibles sont bien les chiroptères, appartenant plus précisément au groupe des Rhinolophes. Ces dernières ont été étudiées plus particulièrement par une équipe de chercheurs du laboratoire de virologie de Wuhan, menée par la célèbre virlogue Shi Zheng -Li, qui avait déjà identifié le fameux virus RaTG13 dans la mine désaffectée de Mojiang. 

La virologue Shi Zeng-Li photographiée dans son laboratoire P4 à Wuhan, février 2017.
La virologue Shi Zeng-Li photographiée dans son laboratoire P4 à Wuhan, février 2017.
© AFP - Johannes Eisele

Cette fois, pendant 5 ans, son équipe a observé les chauves-souris d'une grotte où elles dorment par 22° à 25° degrés. Cette cavité est située dans le Yunnan, à 60 km de la ville de Kunming et à 1 km, seulement, d'un village. En 2017, les chercheurs ont présenté une synthèse de leurs travaux qui montre que les virus circulant dans cette grotte ont très vraisemblablement pu se recombiner pour faire émerger une souche capable d’infecter l’espèce humaine. Ils ont ainsi séquencé entièrement 11 nouveaux virus, jusque là totalement inédits, tous de la famille des SARS-CoV - et présentant, s’ils parvenaient à se mêler, les armes nécessaires à l’attaque d’une cible humaine. Ce qui ne veut pas dire, encore une fois, que le SARS-CoV-2 soit issu de cette grotte.

Un virus "chimère" moitié chauve-souris moitié pangolin

Pour employer des termes moins belliqueux : "On prend souvent cette analogie de la clé et de la serrure, pour expliquer la façon dont un virus infecte une cellule. Il faut que le virus fasse fonctionner une serrure sur la paroi cellulaire", détaille Jean-François Julien, "la serrure en l’occurrence, c’est le récepteur humain (une enzyme nommée ACE2) et la clé, c’est la protéine 'Spike' qui se trouve à la surface du SARS-CoV-2. En plus, sur cette clé, se trouve un petit 'domaine' qu’on nomme le 'domaine de liaison au récepteur (le RPD), et il est super important pour reconnaître l’enzyme ACE2." Ensuite, pour le dire d’une façon très simplifiée, une fois qu’un virus a reconnu le récepteur, il est susceptible de se fixer à la cellule et de se fondre dans sa membrane pour y pénétrer avant s’y multiplier.

Ce qui est assez troublant, dans le cas du SARS-CoV-2 découvert chez les humains depuis le début de l’épidémie, c’est qu’il ressemble à une chimère. C’est un peu comme si on avait mêlé au génome du virus découvert en 2013 chez la Rhinolophus affinis, une fraction d’un virus hébergé par des pangolins. Car il semble bien que le petit mammifère à écailles soit le deuxième suspect dans notre quête sur l’origine animale du Covid-19. Avant d’en venir aux saisies d’animaux qui ont permis d’incriminer les pangolins quelques mots encore du mécanisme biologique à l’œuvre, dans ces virus. 

Cellule humaine sévèrement infectée par le SARS-CoV-2 (en jaune). 29 avril 2020.
Cellule humaine sévèrement infectée par le SARS-CoV-2 (en jaune). 29 avril 2020.
© AFP - National Institut of Allergy and Infectious Deseases. NIH

Chez le pangolin, on a justement retrouvé deux lignées de coronavirus, moins proches du SARS-CoV-2 que les coronavirus de chauve-souris, mais dont le domaine de liaison au récepteur (le RPD) sait reconnaître l’enzyme humaine ACE2. Autrement dit, les deux coronavirus du pangolin peuvent pénétrer dans des cellules humaines. "Très schématiquement", insiste Jean-François Julien, "si on prenait ce morceau de virus découvert chez le pangolin, qui reconnaît le récepteur humain – et qui constitue peut-être 1/1000ème du génome de ce virus - et qu’on allait le mettre dans le virus de la chauve-souris, on obtiendrait quelque chose de proche du SARS-CoV-2. Tout cela évidemment, c’est théorique."

Alexandre Hassanin, qui s’intéresse particulièrement à la génétique et signe un papier très complet sur le sujet, dans The Conversation, ajoute : "Pour l’instant, aucun virus détecté chez les chauves-souris, appartenant à la lignée du SARS-CoV-2, n’est capable d’infecter une cellule humaine__. Pour infecter une cellule, il faut que le virus ait une protéine de surface – au niveau de son enveloppe – qu’on appelle la protéine "Spike". Cette protéine doit présenter une séquence en acides aminés capable d’être reconnue par des récepteurs cellulaires humain ACE2. Si la reconnaissance se fait, le virus peut rentrer, potentiellement, et infecter l’organisme." poursuit le spécialiste de l’évolution des chauves-souris, "Mais pour l’instant ces séquences – même si le génome est identique à 96% au SARS-CoV-2 – ces séquences - et notamment la séquence en acides aminés qui se trouve au niveau du domaine de liaison au récepteur -  ne permettent pas l’entrée dans la cellule humaine. On est sûrs de cela pour les virus découverts chez les chauves-souris. Chez les pangolins, en revanche, on a identifié deux lignées virales dont le domaine de liaison de la protéine "Spike" permet d’entrer dans les cellules humaines. Ces virus ont – dans cette région particulière du génome - 97,3% d’identité en acides aminés avec la séquence humaine."

Pangolin sauvé des mains d'un trafiquant local, Uganda. 9 avril 2020.
Pangolin sauvé des mains d'un trafiquant local, Uganda. 9 avril 2020.
© AFP - Isaak Kasamani

40% des pangolins saisis étaient malades

Voilà qui fait du pangolin un maillon intéressant dans la chaîne de transmission. Et pourtant, les chercheurs sont encore loin d’avoir démontré qu’il est bien l’hôte du virus qui provoque le Covid-19. Les pangolins analysés par les équipes chinoises sont des animaux braconnés qui avaient été saisis par les douanes, lors de contrôles en 2017 et 2019. Il s’agit de pangolins malais, que l’on nomme aussi pangolins javanais, une espèce qui n’est pas présente en Chine. "On trouvait cette espèce dans l’extrême sud du Yunnan, autrefois, mais on peut douter qu’il en reste", précise Alexandre Hassanin, "en Chine, les petits carnivores sont très appréciés pour leur viande, mais le pangolin est encore plus convoité. Même s’il est interdit, depuis longtemps, de chasser et de vendre ces animaux, cette pratique est courante en Chine. Des centaines de milliers de pangolins sont capturés en Asie-du sud-est et en Afrique pour la consommation chinoise." Le trafic de pangolins dépasse probablement le million d’individus par an. 

Les douanes indonnésiennes brûlent une tonne de carcasses de pangolins saisis en juillet 2015. Ile de Java
Les douanes indonnésiennes brûlent une tonne de carcasses de pangolins saisis en juillet 2015. Ile de Java
© AFP - Juni Kriswanto

Quatre équipes chinoises ont donc publié des études sur les virus d’une soixantaine de pangolins saisis par les douanes il y a plusieurs mois. "Les chercheurs ont testé 60 individus et ils ont découvert un taux de prévalence de plus de 40%. C’est-à-dire que 4 pangolins sur 10 présentent un virus de type SARS-CoV-2. C’est énorme !", s’exclame Alexandre Hassanin, "Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais ce résultat était totalement inattendu. Cela veut dire que si vous prélevez un pangolins sur un marché, il y a presque une chance sur deux pour qu’il soit infecté par un virus de type SARS-CoV-2." Une question essentielle se pose à ce stade : les pangolins ont-ils été contaminés dans la nature ou ont-ils attrapé ce virus d’une autre manière ? 

Les avis des chercheurs sont ici divergents. L’hypothèse d’une contamination "naturelle" repose sur l’idée que les pangolins sont susceptible de croiser des chauves-souris, même s’ils ne partagent pas le même habitat. "Le récit que le professeur Didier Sicard a développé (dans un entretien à retrouver ici sur France Culture) me paraît plausible", assure Jean-François Julien. Son collègue du Muséum d’histoire naturelle, Alexandre Hassanin, abonde : "Imaginons qu’un pangolin dans sa petite forêt trouve une carcasse de chauves-souris dans une grotte, soit attiré par des fourmis qui mangent cette carcasse, il sort sa grande langue gluante, il récupère pas mal de fourmis et aussi – malheureusement – un virus de type SARS-CoV-2. Il contracte donc la maladie et développe les symptômes", mais selon ce scénario, imaginé par Alexandre Hassanin, l’épidémie ne se propage pas : "Puisque le pangolin est un animal solitaire – car hors saison de reproduction il vit tout seul – il ne va pas rencontrer d’autres pangolins et il va mourir tout seul dans sa forêt. L’histoire s’arrête là."

Un bébé pangolin se nourrit de termines, zoo de Singapour. Juin 2017
Un bébé pangolin se nourrit de termines, zoo de Singapour. Juin 2017
© AFP - Roslan Rahman

Les études chinoises ont en effet montré que les pangolins sont très sensibles à ce virus proche du SARS-CoV-2 : "Les pangolins saisis par les douanes étaient très malades. Les chercheurs ont fait dans l’une des études une analyse des poumons, qui montre qu’ils ont souffert d’une pneumonie sévère. Le virus s’amplifie si bien dans leur organisme qu’il est susceptible de les tuer. Je veux donc attirer votre attention sur le fait que les pangolins, très malades, ne sont pas de bons candidats pour récupérer le virus de façon naturelle et le propager en suite."

La deuxième hypothèse repose sur une intervention humaine, la contamination aurait un lien avec leur captivité. Si les pangolins malades sont braconnés et transportés rapidement vers des marchés, ils sont susceptibles d’infecter des congénères. "Tout dépend alors des délais", insiste Alexandre Hassanin, "si l’animal est mis dans une cage, qu’on trimballe cette cage jusqu’en Chine et qu’on la place à côté d’autres cages de pangolins, ou même de chauves-souris qui seraient porteuses, on fabrique toutes les conditions qui permettent d’amplifier le virus."

Pangolin saisi en Indonésie en octobre 2017.
Pangolin saisi en Indonésie en octobre 2017.
© AFP - Wahyudi

Le pangolin est un joli "modèle"

Il n’en demeure pas moins qu’on n’est toujours pas certain que le pangolin soit l’hôte intermédiaire qui a provoqué l’actuelle épidémie de Covid-19. "C’est un joli ‘modèle’ de ce qui aurait pu arriver, mais ces pangolins ne sont vraisemblablement pas les véritables parents du SARS-CoV-2" synthétise Jean-François Julien. "On a très vite transformé l’histoire comme si c’était sûr. Cela ressemblait à ce qui s’est passé pendant la première épidémie de SRAS, quand on a trouvé un virus très très très proche du virus humain, chez les civettes masquées. Ces petits carnivores sont vendus sur les marchés et servis dans les restaurants. Mais là, le lien était hyper clair." Car le virus découvert chez la civette masquée était identique à 99,8% à celui du SARS-CoV humain, alors responsable de l’épidémie. 

"Moi, je n’ai pas de certitude sur le fait que ça vienne des pangolins", abonde Alexandre Hassanin. "On peut envisager une autre espèce servant d’hôte intermédiaire, peut-être un peu moins sensible au virus, qui contracterait le virus à partir des chauves-souris, peut-être un petit carnivore charognard. Beaucoup sont vendus vivants sur les marchés chinois et souvent placés à côté de cages où il y a des pangolins, ils peuvent échanger des virus. Lors de la dernière épidémie, les chercheurs avaient trouvé le virus du SARS-CoV chez la civette masquée mais aussi chez le chien viverrin, qu’on nomme aussi chien raton laveur (raccoon dog)  ou encore chez des blaireaux. Mais ils ne sont pas allés plus loin... Pour moi, tout converge vers des animaux vivants, maintenus en cage. Mais rien ne dit qu’il s’agisse du pangolin." 

Eric Leroy et un collègue récoltent des échantillons après avoir découvert un chimpanzé mort dans une forêt. République démocratique du Congo.
Eric Leroy et un collègue récoltent des échantillons après avoir découvert un chimpanzé mort dans une forêt. République démocratique du Congo.
- E.E.

Ce doute est partagé par un autre scientifique. Eric Leroy travaille à l’IRD, l’Institut de recherche pour le développement. Membre de l’Académie nationale de médecine et de l’académie vétérinaire, il a beaucoup étudié le virus Ebola. Lui aussi pense que pour le Covic-19, toutes les pistes restent ouvertes : "Effectivement, ce serait une erreur de se focaliser sur le pangolin. Il faut envisager l'implication de n'importe quelle espèce animale." Le virologue rappelle qu’en ce qui concerne le réservoir du virus, les choses sont plus claires : "Pour les chauves-souris, on a caractérisé des séquences de virus très semblables (au SARS-CoV-2 , NDLR) chez les Rhinolophes. Et les deux autres virus très proches du SARS-CoV-2, qui sont le SARS-CoV et le MERS-CoV, ont également identifiés chez des chauves-souris du même genre. Donc, au niveau de la source primaire, on a dépassé le stade d'hypothèses, il y a une quasi certitude que ce sont les chauves-souris. Après, tous les scénarios sont possibles." 

Remonter le fil vers l’origine du Covid-19 est d’autant plus difficile que les chercheurs travaillent pour l’instant sur des virus de chauves-souris et pangolins prélevés il y a des mois, voire des années. Or le temps joue contre eux souligne Eric Leroy : "Vous savez que tous les virus, comme tous les êtres vivants de manière générale ainsi que les micro-organismes, sont en perpétuelle évolution. Et la difficulté est justement de comprendre ce qui gouverne cette évolution. Chaque virus vit en équilibre avec son hôte, son animal réservoir. Normalement, il existe ce qu'on appelle une barrière d'espèce, une spécificité d’hôte qui empêche le virus d'infecter d'autres espèces animales. Sauf s’il évolue … Et c'est tout l'enjeu de ces recherches qu’il faut mener aujourd’hui."

Un ancêtre commun il y a 30 ou 40 ans

Le RaTG13, le virus le plus proche du SARS-CoV-2 découvert chez la Rhinolophus affinis en 2013, et les autres virus découverts chez les pangolins malais ne sont donc pas les suspects directs qui causent le Covid-19. "Ce sont des cousins, qui ont été trouvés à des périodes différentes", insiste Alexandre Hassanin, du Muséum d’histoire naturelle. "Cela veut dire que ces virus animaux partagent un ancêtre commun avec le SARS-CoV-2 et qu’ils ont divergé il y a quelques décennies. Ils partageaient cet ancêtre commun il y a probablement 30 ou 40 ans, on peut l’estimer à partir des datations moléculaires, mais cela reste une estimation. Ensuite, à partir de cet ancêtre, les virus évoluent, s’adaptent, mènent leur vie. Certaines lignées s’éteignent, d’autres survivent. Leur dynamique est très importante." 

Grands Rhinolophes susêndus
Grands Rhinolophes susêndus
- Laurent Arhtur

Voilà pourquoi il faut relancer au plus vite les investigations. Quand on demande à Eric Leroy si des captures de chauves-souris ou des séquençages de virus sont en train d’être menés, il paraît sceptique. "Il n'y a pas d'équipe, ni européenne ni américaine, qui le fasse en ce moment. Nous avons donc présenté un projet, qui a été accepté d'ailleurs par l'Agence nationale de la recherche, et qui sera financé sur les fonds débloqués par le gouvernement. Notre projet a été sélectionné, mais maintenant on est obligés d'attendre que la situation sanitaire se normalise un peu avant d'entamer les recherches. Sur place, y a-t-il actuellement des équipes chinoise qui travaillent ? Peut-être, mais tant que les articles issus des travaux de recherche en cours n’ont pas été publiés, il est difficile de savoir ce qui se passe réellement." Pour Jean-François Julien, il est extrêmement probable que les équipes chinoises soient en train de collecter un maximum d'informations : "Les Chinois ont déjà publié sur des prospections de l’été 2019. Vu les délais habituels des publications scientifiques, ce n’est pas si mal !  Et il arrive qu'ils signent des papiers avec des chercheurs occidentaux comme Edward Holmes, de l'université de Sidney ", insiste Jean-François Julien. 

Le projet auquel participe Eric Leroy implique l’IRD (l’Institut de recherche pour le développement), le CNRS et l’Université de Caen, qui vont s’appuyer sur des partenaires locaux, l’université Kasertsart à Bangkok côté thaïlandais et deux centres d’infectiologie au Laos. 

Recherche de virus chez les chauves-souris capturées dans une région des forêts tropicales d’Afrique centrale (Gabon)
Recherche de virus chez les chauves-souris capturées dans une région des forêts tropicales d’Afrique centrale (Gabon)
- Mathieu Bourgarel

La traque du virus doit donc être la plus large possible, insiste Eric Leroy : "Quand on mène des études qui visent à identifier l'origine d'un phénomène infectieux, d’une épidémie, d'un passage à l'homme, il ne faut pas émettre d'hypothèses, car c'est là vraiment la meilleure façon d'échouer et éventuellement d'aller vers des fausses pistes. Donc, l'objectif, justement, c'est de se dire que tout est possible. Le virus peut effectivement avoir émergé au niveau de la ville de Wuhan, ou du marché, mais il se peut aussi que le virus circule, comme on le dit, à bas bruit depuis très longtemps et qu'il soit originaire d'un autre pays que la Chine."

Mais comment, concrètement, chercher une aiguille dans une botte de foin ? "Comme je vous l’ai dit tout à l'heure, il n’y a probablement pas, c’est même quasiment certain, de spécificité géographique. En général, quand un virus est présent quelque part, il est présent dans une région très, très vaste" croit savoir Eric Leroy, "mais, ce n'est pas la peine d'aller partout. On part d'un endroit, d’un site modèle qui paraît favorable au contexte épidémiologique actuel. On reste focalisé sur ce site.  Par exemple, si on s’intéresse aux Rhinolophes, ça peut-être une grotte, on en sélectionne juste une. Et ensuite, on va tracer des lignes jusqu'aux villages voisin pour essayer de récolter des échantillons représentatifs de toute la faune qui vit à proximité de ces chauves souris. On récupère un maximum de déjection de nombreuses espèces animales. Et petit à petit on va élargir les champs."

L'homme a toujours cohabité avec les chauves-souris

Que sait-on finalement de l’origine animale du SARS-CoV-2 ? Probablement que nous en sommes au tout début de l’enquête. Rien ne démontre pour l’instant qu’il y ait eu de transmission directe entre les chauves-souris et l’homme. Les virus les plus proches découverts, même le RaTG13 de la Rhinolophus affinis, ne peuvent pas pénétrer dans les cellules humaines. Les deux virus identifiés chez les pangolins, qui ne vivent pas en Chine, pourraient pénétrer nos organismes mais ils sont loin d’être identiques au SARS-CoV-2, leurs génomes présentent trop de divergence pour être la source directe du Covid-19. Reste la quasi-certitude qu’une espèce (ou plusieurs) de chauve-souris est bien le réservoir du coronavirus qui a réussi – très probablement par l’entremise d’un ou plusieurs autres hôtes animaux – à sauter la barrière d’espèce. Mais cela ne doit pas nous conduire à regarder les chiroptères comme nos ennemis. Bien au contraire, affirment les spécialistes du Muséum d’histoire naturelle. 

Un petit oreillard gris, l'une des espèces présente en France.
Un petit oreillard gris, l'une des espèces présente en France.
- Laurent Arthur

De tout temps, l’homme a cohabité avec les chauves-souris et elles vivent paisiblement à nos côtés sur tous les continents. "Depuis que l’on construit des bâtiments en Europe, on a des chauves-souris qui s’installent. En France, on connaît des centaines de colonies qui gîtent dans un grenier, derrière un volet. A la campagne, c’est courant. On connaît même au moins deux maisons, une en Lorraine et une dans le Cher, où les chauves-souris qui y vivent sont porteuses de la rage. Les habitants sont informés et prévenus qu’ils ne risquent rien tant qu’ils ne touchent pas les animaux et ne se font pas mordre"__, insiste Jean-François Julien. "J’ai un collègue à Kisangani, en République Démocratique du Congo, qui hébergeait il y a quelques années un couple de chauves-souris dans son bureau. Elles s'étaient installées sous une table et la cohabitation était parfaite." Il n’en reste pas moins vrai qu’en cas de morsure ou de contact non protégé, les hommes peuvent entrer en contact avec des virus hébergés par ces petits mammifères. 

Un soigneur nourrit une chauve-souris qui vient de sortir de sa phase d'hibernation. Minsk, Biélorussie, mars 2019
Un soigneur nourrit une chauve-souris qui vient de sortir de sa phase d'hibernation. Minsk, Biélorussie, mars 2019
© AFP - Sergei Gapon

C’est le cas, par exemple, des naturalistes qui pour diverses raisons, capturent des chauves-souris. "On les prend au filet, comme les ornithologues avec les oiseaux. On les démaille, comme on dit, du filet. C’est plus compliqué à démailler qu’un poisson ! On les met en général dans un sac en tissus. Elles restent dans leur petit sac, cela permet de récupérer des crottes. On les sort une par une du sac, on les mesure, on les pèse, on prélève que qu’il faut. Avec un coton tige, on prend de la salive ou on fait un prélèvement rectal. Parfois c’est un tout petit morceau de la membrane de l’aile, qui permet de récupérer pas mal d’ADN. On prend juste un petit rond, comme un confetti, qui cicatrise en une quinzaine de jours. Elles se font bien pire, elles mêmes, en volant, si elles se prennent une épine ou un barbelé." raconte Jean-François Julien. Défenseur passionné des chauves-souris, en bio-acousticien, il s’intéresse surtout à leurs chants, ultra rapides –mais a aussi participé à plusieurs campagnes de prélèvement. 

Quand on les démaille du filet, elles mordent

"Quand elles sont emmêlées dans leur filet, elles ne sont pas très contentes et pendant qu’on les démaille, elles mordent tout ce qui passe à leur portée. On essaye de porter des gants, mais on n’en a pas toujours mis. Ce sont des filets extrêmement fins, donc ce n’est pas évident d’avoir des gants qui soient suffisamment fins pour qu’on puisse manipuler le filet, et suffisamment épais pour que les dents de chauves-souris ne passent pas à travers, c’est la quadrature du cercle. Souvent, on met un gant à une main et, avec les Rhinolophes, ça marche bien parce que ce sont des bêtes qui ont tendance à ne plus lâcher prise une fois qu’elles sont mordu – donc on leur fait mordre un doigt ganté et avec une main nue on enlève ce qui est plus délicat." Malgré tout, il est rare d’échapper complètement aux morsures des petits mammifères ailés : "J’ai un souvenir, en Guyane avec un copain, on capturait et il fallait qu’on démaille en catastrophe plein de chauve-souris et on se faisait mordre tout le temps. On était même arrivés à reconnaître, en fermant les yeux, la morsure d’une chauve-souris frugivore de celle d’une insectivore ! On se disait : ce n’est pas possible qu’on ne ressorte pas de cette soirée avec une maladie quelconque. Mais finalement on n’a rien attrapé." En Europe, insiste Jean-François Julien, on a uniquement identifié pour l’instant le risque de transmission de la rage. "Moi, je suis vacciné contre la rage, mais il y a des amateurs qui refusent de se faire vacciner. Pourtant, il y a eu trois morts à cause de cette maladie en Europe, depuis la fin du XXe siècle." Trois morts, mais jusque là aucune épidémie.

Des petites brochettes de chauves-souris

Les autres contacts porteurs de risque sont évidemment les produits de la chasse des chauves-souris, qui ont de tout temps ont été consommées par l’homme. "Les personnes susceptibles de rencontrer plein de chauves-souris sont les chasseurs, j’en ai vu beaucoup qui enfument des grottes et en collectent un maximum d’individus, pour la consommation locale ou la vente", raconte Alexandre Hassannin, "même les toutes petites Rhinolophes sont consommées. J’ai vu souvent sur des marchés, au Laos par exemple, un trafic de brochettes avec des petites chauves-souris d’espèces différentes. Même s’il n’y a pas beaucoup de viande, ça reste des protéines." 

Un vendeur propose des chauves-souris sur un marché indonésien alors que le Covid-19 sévit en Chine, île de Sulawesi, 8 février 2020
Un vendeur propose des chauves-souris sur un marché indonésien alors que le Covid-19 sévit en Chine, île de Sulawesi, 8 février 2020
© AFP - Ronny Adolof Buol

Contrairement aux idées reçues, il n’y a pas que les Chinois qui consomment des chauves-souris, précise Jean-François Julien. "Même en France, en Nouvelle Calédonie, c’est un plat traditionnel des Kanaks. Un plat qui a été adopté par les Caldoches qui font des prélèvements inconsidérés de chauves-souris et c’est d’ailleurs un problème pour leur protection. Dans le monde entier cela se fait. En Afrique, en Amérique du Sud, en Chine, dans la plupart des pays tropicaux. Les Chinois sont loin d’être les seuls."

Malgré cette grande proximité, il n’y a pas tant de cas, documentés, de transmission directe de virus entre chauves-souris et hommes. Jean-François Julien évoque deux villages chinois, où on a découvert qu’une partie de la population avait développé des anticorps bien spécifiques : "Ce sont des gens qui de toute évidence ont eu des contacts avec des chauves-souris. Ces anticorps sont la preuve qu’ils ont fait une petite infection, qui a pu être totalement asymptomatique. Dans l’un de ces deux villages, les habitants les mangeaient pour soigner l’asthme. C’est paradoxal, c’était pour soigner une maladie pulmonaire !" Les chasseurs peuvent contracter des maladies par morsure ou peut-être en respirant des virus : "On peut imaginer que ça passe par la salive et les aérosols. Les chauves-souris, d’une manière générale crient assez fort et elles dispersent pas mal d’aérosols de salive autour d’elles. Alors, elles crient forcément aussi quand on les capture."

Mis à part ces villages chinois, les autres transmissions directes observées sont liées à des virus d’autres familles que les SARS-CoV. Au Bangladesh, des habitants ont été infectés en 2004 par le virus Nipah. Ils avaient collecté de la sève sur des palmiers-dattiers eux-mêmes contaminés par des chauves-souris frugivores : "La déforestation avait privé ces frugivores, de la famille des Ptéropodidés, de leur nourriture traditionnelle. Elles s’étaient aussi installées sous le toit des maisons dans le village", précise Jean-François Julien, qui ajoute que c’est l’un des rares exemples documentés d’un contact homme/chauves-souris provoqué par la destruction de l’environnement et qui s'est traduit par une épidémie. 

D'une manière générale, si les chauves-souris sont indéniablement porteuses d'un très grand nombre de virus, elles ne sont pas l'animal qui a transmis le plus de maladies aux hommes dans l'histoire. "Les rongeurs, qui comptent presque deux fois plus d'espèces que les chauves-souris ont provoqué plus de zoonoses", asssure Jean-François Julien. Il cite deux articles scientifiques parus dans Nature et la Royal Society Publishing à l'appui de sa thèse. Avant de conclure dans un sourire "Nous, on cite ces publications pour défendre des chauves-souris, mais c’est la réalité en même temps.