De Jésus à Trump, une histoire de la caricature

Caricature : de Jésus à Donald Trump
Caricature : de Jésus à Donald Trump

De Jésus à Trump, une histoire de la caricature

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De Jésus à Trump, une histoire de la caricature

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Après le tollé provoqué par une caricature, jugée antisémite, de Donald Trump et Benyamin Nétanyahu, le New York Times a annoncé la fin des caricatures dans son édition internationale. Retour sur la longue histoire de ce dessin de presse satirique, arme politique par excellence.

"La caricature, le dessin de presse, par essence, suscitent des réactions violentes", analyse Guillaume Doizy, spécialiste de l'histoire des caricatures.

Mi-juin, le New York Times a cessé la publication de dessins politiques dans son édition internationale après une polémique sur un dessin jugé antisémite où le premier ministre Benyamin Netanyahou, grimé en teckel, un chien d'origine allemande, mène par la laisse Donald Trump, aveugle et affublé d'une kippa. 

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La religion sans cesse caricaturée

Les caricatures sont depuis longtemps un outil politique. Les plus anciennes retrouvées datent de la Grèce antique. Une des premières polémiques connue a lieu vers le IIIe-IVe siècle.

Guillaume Doizy : "Un certain nombre d’auteurs chrétiens, nouvellement chrétiens, dénoncent la publication dans l’espace public d’images représentant Jésus avec une tête d’âne. On a retrouvé à Rome, au XIXe siècle, des graffitis qui représentent Jésus avec une tête d’âne. "

Graffiti représentant Jésus avec une tête d'âne retrouvé à Rome
Graffiti représentant Jésus avec une tête d'âne retrouvé à Rome

Guillaume Doizy : "C’étaient des païens qui promenaient des panneaux peints et qui faisaient rire contre la religion chrétienne, qui était une religion naissante, qui n’était pas encore une religion dominante, majoritaire. Ce qui est intéressant dans cette première caricature, c’est qu’elle est religieuse, elle pose la question de la caricature des religions et elle utilise l’animalisation."

Les caricatures se popularisent à partir du XVe siècle grâce au développement de l’imprimerie. Elles sont notamment utilisées par les partisans de la Réforme protestante pour se moquer du pape. 

Sur cette caricature de Lucas Cranach, des paysans allemands, devenus protestants, montrent leurs fesses et pètent au nez du pape
Sur cette caricature de Lucas Cranach, des paysans allemands, devenus protestants, montrent leurs fesses et pètent au nez du pape

La population proteste bien avant les réseaux sociaux

Guillaume Doizy : "Si on regarde le passé, on s’aperçoit que la caricature, le dessin de presse, par essence, suscitent des réactions violentes. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, dans les démocraties parlementaires, ce sont plutôt les gouvernements qui se sont acharnés contre les caricatures et qui ont légiféré, qui ont fait des lois. On dit aujourd’hui finalement que ce qui a changé par rapport à cette période, c’est que maintenant la rue fait la loi."

Mais la polémique populaire ne date pas des réseaux sociaux.

Guillaume Doizy : "La rue, elle existe bien avant notre période actuelle. On peut prendre l’exemple de la première élection présidentielle française en 1848. Le gouvernement de l’époque, et parmi eux, le président du Conseil, qui est l'un des candidats, utilise beaucoup de caricatures en province avec l’argent public. La cible principale des caricatures de l’époque qui sont publiées sous forme de lithographies, de feuilles volantes, c’est Louis-Napoléon Bonaparte, un des cinq candidats. "

Louis-Napoléon Bonaparte, repu et alcoolisé, est comparé à son oncle, Napoléon Ier, glorieux vainqueur à Austerlitz
Louis-Napoléon Bonaparte, repu et alcoolisé, est comparé à son oncle, Napoléon Ier, glorieux vainqueur à Austerlitz
- Droits : Gallica

Guillaume Doizy :"Les partisans de Louis-Napoléon se dirigent dans tout un tas de villes de province, vers les librairies, vers les devantures dans lesquelles sont présentées ces caricatures, cassent des devantures, exigent des libraires qu’ils suppriment ces lithographies, qu’ils les déchirent devant eux sous peine de les molester. Le résultat de l’élection, bien que la majorité des journaux lui soit défavorable, c’est la victoire de Louis-Napoléon Bonaparte. Donc on voit bien que finalement, à l’époque, et encore aujourd’hui, on croit que la caricature a un pouvoir particulier et en fait il y a plein de moments de l’histoire où l'on voit que non, ce pouvoir en fait est très limité."

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