De l'art du portrait au cinéma : un corps à corps ?

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De l'art du portrait au cinéma : un corps à corps ?

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Cassandro the Exotico! de Marie Losier - Crédits : Tamara - Urban Distribution
Cassandro the Exotico! de Marie Losier - Crédits : Tamara - Urban Distribution

Comment le lien singulier tissé par les cinéastes avec leurs personnages, avec lesquels ils vont jusqu'à faire corps, s'inscrit-il dans le film même ?

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Captation de l'ACID POP (l'Université populaire de l'ACID) du 03/12/2018 au mk2 Quai de Seine (Paris), avec les cinéastes de l'ACID Marie Losier & Laurent Bécue-Renard.

L'AUTOPORTRAIT AU CINÉMA

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Lors de ses études aux Beaux-Arts de New-York Marie Losier se retrouve plongée dans le milieu du cinéma et de la musique underground. Elle fait la rencontre d'artistes qui passent librement de la peinture à la poésie, de la musique au cinéma, poussés simplement par le désir et le plaisir de créer. Une caméra ​Bolex 16mm lui est offerte et c'est ce qui lui permet de se lancer dans le cinéma. Dans ses premiers essais cinématographiques, Marie Losier commence par se filmer et s'insérer dans des films tels que Jeanne d'Arc de Dreyer ou The Touch de Ingmar Bergman, qu'elle renomme The Touch Retouched.

LES PORTRAITS D'ARTISTES À LA MARGE

Marie Losier filme des amis, des artistes souvent à la marge, qui ne séparent pas leur vie de leur art. La réalisatrice utilise de multiples sources et outils de fabrication : documentaire, documentation, archivage, mise en scène. Dans ses films, elle se sert de toutes les erreurs possibles, ce qui lui permet de trouver un rythme de montage particulier et effréné. Elle préfère tourner seule, sans équipe, afin d'être au plus proche de la personne filmée et construit ses films comme des enquêtes policières.

LA MUSIQUE DANS LE PORTRAIT, UNE PULSATION CARDIAQUE

Dans chaque film, la musique est liée à la personne filmée, à l'univers qui les habite. Marie Losier fait le montage son elle-même et c'est à partir du son qu'elle peut faire le montage image, et non l'inverse. Avec la caméra Bolex, le son est presque toujours désynchronisé, ce qui permet de construire des univers sonores inventés, bruités, poétiques et décalés. Cela donne une puissance aux personnages, aux lieux et orchestre le rythme du montage image, laissant le spectateur libre d'imaginer au-delà du visible.

QUAND LE PORTRAIT DEVIENT UN PERSONNAGE

« Dans La ballade de Genesis et Lady Jane_, j'avais filmé les enfants, des musiciens, leurs interviews... Mais, au moment du montage, j'ai tout laissé tomber. Je n'ai pris que la parole de Genesis alors qu'elle est surement en partie inventée parce qu'elle est très douée pour se réinventer. Mais j'ai choisi cette parole-là car je la trouve tellement plus fascinante que n'importe quelle autre parole. Qu'elle soit vraie ou pas. »_

D'après M. Losier, l'art du portrait est l'art de créer un personnage, ce qui permet ​​au spectateur de se projeter. Tout est vrai et tout est faux​​ ! L'important est que la personne croit à ce qu'elle dit et soit juste avec elle-même. Si elle est dans "sa vérité", elle sera juste dans le film. La cinéaste utilise le réel, les histoires, les interviews des personnes filmées pour construire des mises en en scène de tableaux vivants, imaginaires et loufoques, qui permettent de créer des personnages à partir d'artistes.

LE CORPS À CORPS DANS LE PORTRAIT. Un exemple de fabrication artisanale : filmer le catch

Filmer la Lucha libre (le catch mexicain) à la manière d'un ballet afin de s'affranchir des images de catch trop connues, et ainsi inventer un nouveau langage. C'est un corps à corps entre sa caméra et le sujet filmé, une danse à deux.

Quand j'ai commencé à filmer, j'étais si timide que j'étais immobile et loin des gens filmés. Mais très vite j'ai sauté dans la danse pour m'approcher au plus près de la peau, de la vie. Quand je filme je suis en transe, cela me procure un plaisir immense et j'oublie le reste, je danse avec le sujet et je vois le film, je le sens.

LE PORTRAIT DE L'AUTRE EST-IL UN AUTOPORTRAIT ?

Est-ce que finalement on ne parle jamais que de soi, même en parlant d'autrui ? Ce sont des miroirs à l'infini. Faire corps avec la caméra nous ramène à notre propre corps - même en faisant le portrait des autres, on ne fait jamais qu'un autoportrait.

Extraits projetés :

  • The Touch Retouched, Marie Losier, États-Unis, 2002
  • Hold Me While I'm Naked, George Kuchar, Etats-Unis, 1966 
  • La ballade de Genesis & Lady Jaye, Marie Losier, Etats-Unis, 2011 
  • Tony Conrad : DreaMinimalist, Marie Losier, Etats-Unis, 2008

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