Découverte archéologique : l'Algérie, un autre berceau de l'humanité ?
Archéologie | Une découverte archéologique incroyable a été faite récemment en Algérie, qui repousserait de 600 000 ans la présence de l'hominidé en Afrique du nord.
Une récente découverte archéologique dans la région de Sétif en Algérie informe sur les migrations anciennes des êtres humains, d'une zone à l'autre du monde : d'Afrique orientale à Afrique du nord, et jusqu'à l'Europe. C'est la première fois qu'on découvre des outils aussi anciens dans le bassin méditerranéen. Jusqu'à présent on n’en trouvait qu’en Afrique orientale. Cette découverte repousse de 600 000 ans l’arrivée des hommes en Algérie. Avec Brigitte Senut, professeure de paléontologie au Muséum National d’Histoire Naturelle.
Brigitte Senut : Les découvertes d'outils très anciens dans le nord de l'Afrique nous questionnent sur les migrations des hommes de l'Afrique vers l'Europe. Il y a quelques jours on annonçait la découverte d'outils taillés très anciens, jusqu'à 2,4 millions d'années dans le nord de l'Afrique, en Algérie, dans la région de l'Aïn Hanesh, sur le site de l'Aïn Boucherit en particulier.
Que nous révèle cette découverte ?
Brigitte Senut : Alors que les hominoïdes étaient répandus sur le continent africain, on a focalisé sur l'Afrique orientale. Mais ça veut dire aussi que ces hominoïdes d'Afrique australe ont certainement évolué : se sont-ils éteints sur place, ont-ils évolué vers d'autres régions, comme le Gabon, l'Angola, l'Afrique Occidentale, où là on connait très peu de choses ? Mais en tout cas, cette découverte de l'Aïn Boucherit nous remet en mémoire le fait que c'est un homme migrant qui se déplace et qui n'est pas restreint, contraint à une région précise.
À quand remontent les premières migrations ?
Brigitte Senut : On disait classiquement que c'était 1,5 million d'années, que c'était l'Homo erectus ou l'Homo ergaster qui allait peupler le monde. Alors ça, en termes même d'évolution c'est complètement fou, parce que ce n'est pas UN homme qui va partir peupler le monde. Ce sont des populations pendant des dizaines de milliers d'années voire des millions d'années qui vont migrer ailleurs. Puis certains vont atteindre le sud de l'Europe et ils vont se développer.
Quel type d’outils a-t-on découvert ?
Brigitte Senut : Ce sont des outils classiques d'une culture qu'on a découverte à Olduvai en Tanzanie, donc c'est une culture ancienne qu'on a retrouvée au Kenya ou en Ethiopie, à Gona par exemple, mais également en Ouganda à Niabou vers 1,5 ou 1,8 million d’années. Alors parmi les outils ce sont en grande partie des noyaux de cailloux de calcaire qui ont été re-cassés, certains sur une face, d'autres un peu plus largement. Il y a des éclats et donc c'est relativement diversifié pour une culture très ancienne. Ça veut donc dire aussi qu'il y avait probablement consommation de viande, de moelle, et donc ça nous apporte quelque chose d'important sur la paléobiologie, le paléo-comportement de ces hominidés anciens en dehors de l'Afrique orientale.
Quelles étaient les routes de migration de ces hominidés ?
Brigitte Senut : Classiquement on envisageait la voie arabique par la péninsule arabe, mais deux autres voies se font jour : par le détroit de Gibraltar ou par la mer Rouge qui étaient des endroits où on pouvait passer facilement vu la chute des niveaux marins. Les hommes ont suivi probablement les animaux pour se nourrir. N'oublions pas que l'environnement dans la région d'Aïn Hanech et sur le site d'Aïn Boucherit en particulier était un milieu de savane humide donc était beaucoup plus humide que ce que l'on connaît aujourd'hui dans la région. C'était une région plus giboyeuse : on a des hippopotames, des antilopes... Donc c'était quelque chose d'important pour l'homme pour pouvoir se nourrir.