Découvrez "L'Avare" de Molière par la Comédie-Française, pour réviser vos classiques sans vous empoussiérer !
Par Lucile CommeauxCulture Maison. Lucile Commeaux, productrice déléguée et critique à La Dispute, vous propose de découvrir cette mise en scène énergique et efficace de Catherine Hiegel créée en 2009, diffusée le dimanche 5 avril sur France 5 et disponible ensuite sur le site de France Télévision.
En ce qui concerne les grands classiques du théâtre, pas faciles à monter sur scène, car trop connus, trop aimés ou au contraire malmenés par l’institution scolaire, la Comédie-Française déçoit rarement. Aussi cet Avare décapant ravira-t-il les connaisseurs les plus férus de Molière comme les plus jeunes amateurs.
Sur scène, un rideau doré comme l’or chéri du héros éponyme ouvre sur un décor monumental, le rez-de-jardin d’une demeure qu’on devine bourgeoise, mais sobre : point de mobilier, marbre nu et froid, alcôves vidées de toutes statues. Côté cour, une petite porte en bois sert d’entrée et de sortie. Côté jardin, des fenêtres à barreaux laissent entrevoir la lumière du jour, et des escaliers montent vers des appartements qu’on ne verra pas.
Le décor est simple et praticable, et les costumes d’époque, jusque dans les fards, les perruques, les pourpoints et les fraises, promettent un pragmatique réalisme. Tout est vide et silencieux, mais pourtant, l’oeil est attiré par une forme étrange, cachée sous un vaste manteau : on découvre vite qu’il s’agit de l’intendant Valère et d’Elise, la fille d’Harpagon, qui consomment gentiment des amours cachées.
L’amour vainqueur de l’avarice
Les amours, voilà qui perturbe vite une maisonnée dont le principe directeur est en toutes choses la sobriété voire la privation, puisqu’elle vit sous le terrible joug d’Harpagon, vieillard "de tous les humains, l’humain le moins humain", qui compte et dissimule son trésor à longueur de journée, refuse le moindre sou à ses domestiques, ses enfants, ses sollicitants, jusqu’au ridicule et à la cruauté. Le matin où le spectateur le découvre, ce redoutable barbon, interprété dans tous ses travers par un excellent Denis Podalydès, s’est entiché de Marianne, jeune beauté du voisinage qu’il compte épouser, et qui se trouve être la fiancée de son fils.
La pièce tisse dans des délices d’affrontements, de quiproquos et de révélations tonitruantes, un piège duquel évidemment Harpagon ne sortira pas indemne, son avarice rendue en plein jour, et son ridicule achevé par la belle mécanique du théâtre.
A corps et à cœur
Catherine Hiegel prend le parti pris de l’émotion au risque de l’exacerbation des sentiments, notamment du côté des jeunes premiers. Suliane Brahim, Marie-Sophie Ferdane, Stéphane Varupène et Benjamin Jungers campent un quatuor vif et passionné, à la limite peut-être d’une hystérie exagérée quand la sentence paternelle tombe dru.
Sur la scène, les personnages de Molière sont tout en corps. Beaux ou laids, fardés ou non, richement vêtus ou vêtus de loques, l’habit et la mine font les avares, les blondins, les gueux et les gentilshommes de qualité. Mention spéciale à Jérôme Pouly en Maître Jacques, domestique infortuné dont la double casquette de cochet et cuisinier contraint aux plus cocasses acrobaties.
Denis Podalydès, à la fois empêché et fébrile, sorte de mélange troublant de vieillard et de garçonnet, exulte dans ce rôle et dans la pantomime, jusqu’à la fameuse scène de la "cassette", où il donne un numéro d’un comique imparable, sautillant à la recherche de son voleur entre les spectateurs des premiers rangs. Le rythme est impeccable, le comique incarné et féroce, dans une exacerbation permanente des rapports de force, rapports dont Catherine Hiegel a osé exploiter - c’est un risque -, la dimension psychologique. Dans cet Avare, le vieillard est réellement cruel, la souffrance de ses enfants sensible, leurs ruptures passionnées. La question générationnelle et familiale, rendue particulièrement humaine et vivante, parlera, on l’imagine aisément, au coeur du plus jeune public.
L’Avare n’est pas toujours la pièce la plus subtile, la plus brillante et la plus complexe des études de moeurs que propose le théâtre de Molière, mais cette efficace mise en scène, et l’énergie de ses excellents interprètes, lui donnent un salutaire coup de fouet.
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