Derrière le mythe, l'humain
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Une première journée de festival qui commence très fort, côté compétition. Dans la catégorie "grands habitués", Mike Leigh, palme d'or en 1996 avec Secrets et mensonges , revient avec un biopic consacré au grand peintre anglais, le précurseur des impressionnistes William Turner. D'aucuns ont vu un autoportrait dans cette évocation de l'artiste génial en ours bougon et volontiers grossier. On y verra plutôt une façon de chercher l'homme derrière le mythe, et l'affirmation, pour un cinéaste vite rangé dans le naturalisme, que c'est avant tout la plastique de ses images qui le préoccupe.Démythifier, c'est aussi d'une certaine façon ce que fait le Mauritanien Abderrahmane Sissako avec le deuxième film en compétition aujourd'hui, Timbuktu , qui évoque l'année que la ville malienne a passé en 2012 sous la coupe d'Aqmi et d'Ansar Dine. Les djihadistes, chez Sissako, sont pluriels, complexes, très humains dans leur inculture, voire leur bêtise. Des bras cassés, des pieds-nickelés de l'intégrisme religieux qui n'en sont pas moins inquiétants et dangereux, au contraire même. Le tout avec des images superbes, souvent bouleversantes, jamais complaisantes avec le spectacle de l'horreur. On n'oubliera pas de sitôt ce match de foot sans ballon, interdit par les islamistes, un moment de cinéma aussi puissant que la partie de tennis sans balle ni raquette du Blow Up d'Antonioni.
Enfin, et toujours à rebours des clichés et du simplisme, on retiendra le troisième film, après Naissance des pieuvres et Tomboy , de Céline Sciamma, Bande de filles , présenté à la Quinzaine des Réalisateurs. Le portrait tout en finesse et complexité d'une adolescente noire de banlieue, jamais réduite à une supposée "identité" sociologique. Un film sans message ni morale, mais avec l'envie de nous faire partager le trajet d'une jeune fille d'aujourd'hui, et qui confirme Céline Sciamma en très grande cinéaste.