Pigeons kamikazes, dauphins saboteurs ou chats espions : l’histoire militaire se raconte aussi du point de vue des animaux, selon la photographe polonaise Marta Bogdańska.
“Pour bâtir une meilleure coexistence, on doit d’abord comprendre notre histoire commune et comprendre que les animaux sont des acteurs et des agents de cette histoire”, résume l’artiste visuelle. Agent : le mot à double sens se retrouve au cœur de son exposition “Shifters”, dans le cadre du festival Circulation(s), au Centquatre à Paris. Des agents secrets d’abord, comme Acoustic Kitty, un chat espion conçu par la CIA pendant la Guerre froide, pour écouter les conversations des Soviétiques.
Selon ce projet, “un chat devait subir une très longue opération, où on installait un petit micro dans son oreille, des câbles dans son corps et un transmetteur dans sa queue, pour qu’il devienne une machine hybride”, décrit Marta Bogdańska.
Un ancien agent de la CIA raconte d’ailleurs dans un livre qu’un prototype fut testé à Washington dans les années 1960. La course du félin, lâché proche de l'ambassade soviétique, fut courte, puisqu’il se fit écraser par un taxi.
La CIA mit un terme au projet en 1967, qui aura coûté 20 millions de dollars. Dans une note déclassifiée depuis, on lit : “Le travail réalisé montre la grande valeur du personnel qui l’a mené, dont l’énergie et l’inventivité pourraient servir de modèles pour tous les pionniers de la science.”
Pigeons kamikazes
Des histoires comme celles-ci, la photographe en a rassemblé des dizaines, présentées sous forme audio et photographique. Car les histoires ne manquent pas. Dauphins saboteurs, chiens parachutistes, le XXe siècle regorge d’exemples. Un des plus retentissants fut sans doute les pigeons kamikazes du "Projet Orcon" de la CIA, finalement non concrétisé.
Après un travail de recherche d’archives de trois ans, Marta Bogdańska veut donner à réfléchir sur leur rôle d'acteur de l’histoire, sans tomber dans un anthropomorphisme qui humanise à outrance ces animaux. “Je suis plus issue de cette éthique selon laquelle on n’a pas besoin d’adorer les animaux, mais il faut les respecter et leur donner leur place, explique-t-elle. Ce qui m’intéresse, c’est de penser les animaux en acteurs”.
À voir : Festival Circulation(s), du 2 avril au 29 mai 2022 au Centquatre, Paris
À lire : “Shifters”, de Marta Bogdanska, aux éditions Fundacja Sztuk Wizualnych