Elle s’inspire de la photo, de l’architecture ou du cinéma pour créer des décors de shootings, de défilés ou de vitrines. Comme toute une nouvelle génération de fleuristes, Elisa Benchetrit introduit une autre dimension dans l’art millénaire du bouquet de fleurs.
“Je vois mes compositions plus comme des sculptures que comme des bouquets”, résume Elisa Benchetrit, qui a fondé Blumen, un studio de design floral et de céramique. En variant les inspirations et en mélangeant des fleurs avec des fruits, des légumes ou des objets, elle construit des créations plurielles.
Elisa Benchetrit ne se présente d’ailleurs pas comme fleuriste mais comme set designer florale. Cela veut dire que son métier est de concevoir des "sets" ou installations florales, pour des décors de shooting photo, de défilés, de tournages de clips, et aussi pour des vitrines, des dîners ou des showrooms…
Sorrentino, Wolfgang Tillmans et “Friends”
Photo, architecture ou art contemporain, ses sources d’inspiration sont nombreuses. Elisa Benchetrit cite ainsi une récente exposition de Wolfgang Tillmans au MoMA à New York. Ou encore l’ambiance et les couleurs des films de Paolo Sorrentino et même la série “Friends”, dans laquelle, “dans chaque plan, on voit des fleurs”.
Sa démarche renouvelle une pratique très ancienne : les fleurs étaient déjà utilisées dès le IIIe millénaire avant notre ère en Égypte, sous forme de couronnes ou pour décorer des réceptions. Les Grecs ont fait de la culture des fleurs un marché, et les Romains les ont transformées en parfums et en onguents. À partir de la Renaissance, la découverte de nouveaux continents accroît la diversité des bulbes en circulation dans les jardins et les cours d'Europe. Les compositions florales deviennent alors plus élaborées, pour aboutir à un véritable art du bouquet au XIXe siècle.
Une démarche écolo pas si simple
Après des études d’art, Elisa Benchetrit a travaillé dans la mode à Berlin puis dans l’événementiel à Paris, des expériences qui se sont révélées décisives lors de sa reconversion. Le confinement en 2020 a été le déclencheur : elle s’est alors mise à livrer des fleurs à vélo et s’est lancée. Avec une démarche de création méthodique mais instinctive, et, dans l’idéal, éco-responsable. “Bien sûr, je vais proposer au client un moodboard, il va y avoir des inspirations, un thème couleur ou des fleurs en particulier explique-t-elle. Mais je vais quand même essayer de travailler au maximum avec les saisons, donc de proposer des fleurs locales ”.
Elisa Benchetrit confie essayer de rester sur un ratio de 70% de fleurs françaises. Pas évident quand 85% des fleurs vendues en France viennent de l’étranger. Majoritairement acheminées en avion, elles transitent par le marché mondial d’Aalsmeer aux Pays-Bas, le “Rungis de la fleur”.
Un des principaux producteurs de fleurs est le Kenya, où certains lacs comme le lac Naivasha par exemple s’assèchent depuis le début de la culture de roses. Des ONG soulignent aussi que les ouvriers horticoles y sont exposés aux pesticides au-delà des normes règlementaires.
Comme Elisa, la nouvelle génération de fleuristes qui émerge veut justement faire attention à l'impact écologique de la culture des fleurs. "Ce que j’appelle la nouvelle génération des fleuristes, ce sont toutes ces personnes qui se sont reconverties au cours des cinq dernières années, qui sont en général assez jeunes, souvent surdiplômées, et qui en ont eu assez de travailler dans un bureau."