Disparition de Stanley Hoffmann, "le spectateur engagé"

Grand professeur de sciences politiques à Harvard, où il a converti des générations d’étudiants américains aux arcanes de la politique française et aux dilemmes de la politique mondiale, Stanley Hoffmann a disparu à l'âge de 87 ans dimanche 14 septembre.

Être ou ne pas être français ? Stanley Hoffmann a nourri avec sa patrie d'accueil une relation passionnelle et ambivalente façonnée par l’histoire de la Seconde guerre mondiale et de ses déprédations. Petit juif né à Viennes en 1928 puis éduqué en France dès l'année suivante, il ne sera Français qu'en 1947.

Français, il le sera à sa façon : en 1957, il choisit de vivre pleinement sa citoyenneté à l’étranger, où il transforme la France en objet d’études. Formé à l’Institut d’études politiques à la fin des années 1940, il fait finalement carrière dans un tout autre univers académique : le campus américain de Harvard, autre lieu et mode de formation d’élites politiques nationales et internationales.

Parce qu’il fut marqué par la figure intellectuelle de Raymond Aron dont il resta proche, Stanley Hoffmann choisit d’enseigner et non d’entrer en politique, comme certains de ses condisciples de Harvard, à l’enseigne de Kissinger. Enseignant donc, observateur critique des acteurs politiques nationaux et internationaux, il adopte une position aronienne de spectateur engagé, souvent tranchant dans la critique des rigidités sociales de la France contemporaine, de l’impérialisme ravageur de la politique américaine mais aussi confiant dans l’existence nécessaire d’une éthique des relations internationales. Il fonde, en 1968, le Centre pour les études européennes d'Harvard.

Stanley Hoffmann offre le visage particulier d’un intellectuel au parcours de vie chahuté par l’Histoire, ironique et incisif, nourrissant des identités nationales, professionnelles, plurielles et superposées, lien vivant entre une Europe et une Amérique du Nord qui ont parfois du mal à se comprendre.

En 2011, Emanuelle Loyer avait réalisé pour A Voix Nue une série d'entretiens avec le professeur de science politiques, que nous vous proposons de réécouter :

De Sciences po à Harvard : la fabrique des élites

Être ou ne pas être Français ?

Le spectateur critique : Gulliver empêtré

Un idéaliste dans la politique mondiale ?