Diversité : l'Opéra de Paris commence à suivre les recommandations de Pap Ndiaye et de Constance Rivière
Par Éric Chaverou, Louis-Valentin LopezL'Opéra de Paris a pris la décision inédite de revoir ses critères de recrutement pour encourager l'entrée de davantage d'artistes non-blancs, et a annoncé la future nomination d'un "référent diversité". Dans la continuité du rapport remis ce lundi, à l'initiative de son directeur, à ce sujet.
Ce lundi était remis un rapport sur une mission inédite à l'Opéra de Paris : favoriser la diversité. Pour la première fois, l'institution avait lancé en septembre une mission sur la question raciale, au moment où des salariés appelaient à abolir certaines pratiques au sein de l'établissement tricentenaire, avec un manifeste intitulé De la question raciale à l'Opéra national de Paris. Ce matin, Constance Rivière, la Secrétaire générale de la Défenseure des droits, et l'historien Pap Ndiaye ont révélé leurs préconisations, consultables ici. Des recommandations déjà en partie suivies par Alexander Neef, le directeur général de l'institution depuis septembre dernier, à la tête de l'Opéra de Toronto pendant dix ans.
Un nouveau recrutement "dans tous les territoires français"
Il faudrait réformer le concours d'entrée à l'école de danse de l'Opéra de Paris. C'est le premier axe du rapport de Constance Rivière et Pap Ndiaye. Après avoir interrogé "pendant trois mois une centaine de personnes, à la fois des salariés de l'Opéra de Paris, mais également des personnes extérieures, y compris des représentants d'opéras internationaux comme ceux de New York, de Londres ou des opéras des Pays-Bas. Et puis, nous avons consulté des documents internes à l'opéra ainsi que des publications de manière à nous faire une idée aussi complète que possible du problème" a précisé dans notre journal de 12h30 l'historien.
Pap Ndiaye interrogé ce lundi midi sur notre antenne par Thomas Cluzel et Louis-Valentin Lopez
4 min
Les profils ne sont pas assez variés selon eux. Il faut aller recruter des jeunes danseurs partout en France, y compris dans les territoires d'outre-mer. Pap Ndiaye d'évoquer le cas de Misty Copeland, première Afro-américaine à être nommée "principal dancer" à l'American Ballet Theater en 2015 et qui selon lui a inspiré des enfants afro-américains.
Il s'agit aussi de revoir la composition des jurys pour qu'ils soient plus divers, plus paritaires.
Réponse d'Alexander Neef : des danseurs seront "missionnés pour repérer des talents dans tous les territoires français", a affirmé celui qui a dit vouloir collaborer étroitement avec les conservatoires et les écoles.
Le texte préconise également d'abandonner "l'idée que l'homogénéité serait un absolu". Pap Ndiaye cite des danseurs à qui l'on a demandé, à l'Ecole de danse, "puisque tu n'es pas blanc, comment vas-tu pouvoir danser Le Lac des Cygnes ?". Alexander Neef s'est engagé, "dès la saison 2021-2022, à une plus grande présence des artistes issus de la diversité", en "élargissant nos processus de recrutement et de sélection des artistes ainsi que nos politiques d'invitations et de commandes".
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Un futur "chargé de mission 'diversité et inclusion'"
L'annonce de cet "interlocuteur référent pour les salariés" est venue d'Alexander Neef. Un "comité consultatif scientifique composé des artistes de la maison et de personnalités extérieures" sera également créé dans les prochains mois pour être "sollicité sur des problématiques de diversité", de même qu'un dispositif de signalement de cas de racisme ou de discrimination.
Pour les auteurs du rapport, ce poste "se justifie en raison de l’importance de ses effectifs [de l'Opéra], et aussi de la diversité des métiers, des enjeux et de la nécessité de coordination avec les acteurs situés en amont de l’institution. Il aurait la responsabilité de faire chaque année un bref rapport de situation, de répondre aux questions qui se posent, et de contribuer à l’animation des échanges autour des questions liées au répertoire et aux représentations".
Le successeur de Stéphane Lissner désigné par le chef de l'État a précisé que les stéréotypes seraient "identifiés" dans le répertoire lyrique et de ballet, et qu'un travail de "contextualisation" sera mené auprès du public". "Cela ne signifie pas que nous souhaitons réécrire les livrets", a-t-il précisé, réitérant qu'il ne s'agit en aucun cas de "censurer" des oeuvres "mais nous allons supprimer des termes problématiques comme la danse des négrillons".
Ce midi, sur notre antenne, Pap Ndiaye racontait que :
Nous avons été frappés par le fait que beaucoup d'artistes, en particulier des danseurs, nous ont dit à quel point ils aimeraient participer à l'élaboration des spectacles. Cela ne signifie pas les coécrire avec les metteurs en scène et les créateurs, mais cela signifie donner leur point de vue. Ce ne sont pas que des danseurs, ils sont aussi des êtres pensants, en particulier pour des spectacles qui posent un certain nombre de problèmes. De ce point de vue là, nous recommandons en effet que la préparation des spectacles incorpore des séances de réflexion, y compris avec des anthropologues, des historiens de l'art qui peuvent être invités pour éclairer les artistes, échanger avec eux.
L'arrêt du "blackface", du "brownface" et du "yellowface"
Il faudrait prohiber ces pratiques qui consistent à grimer des personnes blanches en personnes noires, indiennes ou asiatiques, conseille le rapport.
Il faudrait aussi valoriser des créateurs méconnus. Les rapporteurs donnent l'exemple du chevalier de Saint-George, un compositeur du XVIIIe siècle né en Guadeloupe, figure de l'émancipation des esclaves.
Le directeur général de l'Opéra a rappelé les actions déjà engagées par l'Opéra : arrêt de la pratique du "blackface", choix de ne plus blanchir la peau dans certains ballets, et adaptation de la coiffure, du maquillage et des collants pour les artistes métisses et noirs. "Ce rapport n'est pas la conclusion d'un processus, c'est le début", a souligné Alexander Neef.
Avec AFP