L'économie américaine se porte-t-elle mieux depuis que Donald Trump est Président ? C'est la question au cœur des Idées Claires, notre programme hebdomadaire produit par France Culture et franceinfo destiné à lutter contre les désordres de l'information, des fake news aux idées reçues.
"Nous avons désormais l'économie la plus florissante du monde". C'est par ces mots que Donald Trump vantait son bilan économique en novembre 2018, devant ses partisans. Il est vrai que l'économie américaine ne s'était pas aussi bien portée depuis des décennies. Le taux de chômage est descendu à 3,5% et la croissance, même s'il elle s'est révélée légèrement en deçà des prévisions, restait en 2019 très solide avec 2,3%.
Malgré ses outrances, ses dérapages, les oppositions virulentes qu'il suscite, Donald Trump s'est toujours lui-même présenté comme un gestionnaire et un bon "chef d'entreprise". Nul doute que les très bons résultats de l'économie américaine vont lui servir d'argument de campagne face aux démocrates. Mais est-il vraiment responsable de cette embellie ?
En réalité, Donald Trump a hérité de son prédécesseur d'une situation déjà très prospère. L'économie américaine est sur un cycle de croissance positive depuis une décennie. Même constat pour le chômage qui, n'a cessé de baisser chaque années depuis 2010, année noire où il avait atteint 9,6%. Ces chiffres sont toutefois à nuancer car ils ne prennent pas en compte des millions d'Américains qui sont sortis du marché du travail et donc des statistiques.
La présidence Trump, miracle économique ou chiffres en trompe-l’œil ? Pour répondre à cette question nous avons demandé à Christophe Blot, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et professeur associé à l'université Paris Nanterre.
Trump a-t-il vraiment redressé l’économie américaine ?
Christophe Blot : "Les performances économiques qu’on observe aujourd’hui aux États-Unis, ne sont pas uniquement le fait de la politique économique de Donald Trump, c’est aussi celle de son prédécesseur, c’est aussi celle de la Banque centrale américaine. La croissance américaine a redémarré dès le début de l’année 2009. Finalement, on a à peu près 10 années de cycles économiques favorables et de croissance positives."
Pourtant, la croissance pour l’année 2019 est en deçà des attentes...
Christophe Blot : "Effectivement, il y a un petit tassement de cette activité, puisqu’on avait 2,9 % de croissance en 2018. C’est un peu moins élevé aujourd’hui, ce n’est pas surprenant parce que la croissance en 2018 a été dopée par la politique budgétaire, par la réforme fiscale mise en avant par les Républicains et par Donald Trump, dont les effets ont été importants en 2018 et qui s’estompent progressivement.
On reste sur une trajectoire de croissance qui est relativement dynamique et favorable, mais il y a un peu un tassement de cette activité et un atterrissage progressif de l’économie américaine qui reste malgré tout en très bonne santé."
Quelles mesures prises par l’administration Trump ont permis cela ?
Christophe Blot : "Globalement, si on regarde l’ensemble des mesures prises par Trump, il y a à peu près 1 point de croissance supplémentaire qui pourrait être lié à la politique économique de Trump. Aujourd'hui on a à peu près 3,5% de chômage.
Si on n’avait pas eu cette politique économique, le taux de chômage serait peut-être plus proche de 4% donc on aurait quand même eu cette tendance à la baisse du chômage mais un peu moins marquée qu’avec la politique économique de Trump. Sur les trois dernières années, Trump a contribué par sa politique économique à soutenir le pouvoir d’achat des ménages par une réforme fiscale, notamment des ménages les plus aisés.
Il a contribué à jouer sur la profitabilité des entreprises, ce qui peut favoriser l’investissement et donc accroître la demande et donc l’activité économique sur l’ensemble des États-Unis."
Mais pendant ce temps, la dette publique a explosé pour atteindre plus de 100% du PIB…
Christophe Blot : "Effectivement, la politique économique de Trump a été marquée par un accroissement du déficit budgétaire, alors qu’il avait eu tendance à se réduire les années précédentes, et donc par une augmentation de la dette, dans une situation déjà relativement favorable.
Les économistes vont préconiser d’avoir une politique économique budgétaire expansionniste lorsque la situation est dégradée, c’est-à-dire lorsque le chômage est élevé, mais d’essayer, en revanche de réduire le déficit budgétaire lorsque le chômage baisse.
Quand Trump arrive au pouvoir, le chômage est déjà relativement bas, certes pas aussi bas qu’aujourd’hui, et donc la politique économique expansionniste n’est pas nécessairement celle qui s’imposait au regard des fondamentaux économiques.
Mais c’est le choix que Trump a fait. C’est le choix qui avait été assumé pendant sa campagne présidentielle et c’est le mandat qui lui a été donné par les citoyens américains qui était de continuer à améliorer la situation américaine ; prévoir une réforme fiscale relativement avantageuse pour un certain nombre d’individus pour baisser le chômage, mais avec potentiellement un coût en terme de financement et de dette publique qui s’accroît aux États-Unis."
Le taux de chômage est tombé à 3,5%, au plus bas depuis 50 ans...
Christophe Blot : "C’est indéniable que le taux de chômage est au plus bas. Ce taux de chômage va marquer des évolutions sur le marché du travail, sur l’emploi et donc l’emploi également s’est amélioré. En revanche, aux États-Unis, il reste le problème du taux d’activité qui est aujourd’hui de 4 points inférieurs à ce qu’il était au début des années 2000.
C’est lié au fait que finalement ce taux d’activité va représenter, parmi la population, les gens qui vont se déclarer être aptes à travailler, en recherche d’emploi. Certains vont être en emploi, d’autres vont être au chômage. Ce taux d’activité a fortement baissé au cours des années 2000, ce qui signifie qu’il y a une proportion de plus en plus importante de la population américaine qui est sortie du marché du travail."
Les inégalités ont-elles vraiment augmenté depuis que Trump est président ?
Christophe Blot : "Effectivement, il y a des effets assez contrastés. D’un côté, c’est aujourd’hui un peu masqué puisque le chômage diminue, il y a un effet “emploi” qui va permettre de réduire un peu les inégalités et la pauvreté, car on a remis sur le marché du travail un certain nombre d’individus. Toutefois, la réforme fiscale et les choix budgétaires qui ont été faits par le président américain vont plutôt accroître les inégalités. Ce qui ne se voit pas nécessairement aujourd’hui mais effectivement, le système est moins redistributif qu’il ne l'était avant.
Cela va contribuer à accroître les inégalités de revenus probablement dans le futur, mais aussi les inégalités de patrimoine parce que derrière ce bilan économique, on voit aussi qu’il y a une envolée des prix d’actifs et des cours boursiers aux États-Unis, ce qui profite plutôt aux manèges les plus aisés qu’aux ménages les plus pauvres, qui ont peu de patrimoine financier."
Ces bons résultats se font aussi au détriment de l’environnement...
Christophe Blot : "Il est clair que l’environnement n’a pas été la priorité de Trump. Notamment par la poursuite d’un certain nombre d’activités fortement consommatrices d’énergies fossiles, par la poursuite de la politique d’extraction du pétrole de schiste, la croissance américaine a continué à se faire au détriment de l’environnement avec une préoccupation qui n’est pas celle-ci aujourd’hui."
Ce bilan va-t-il lui assurer un deuxième mandat ?
Christophe Blot : "D’un point de vue politique, il est tout à fait logique pour lui de mettre en avant un bilan avec un chômage très bas et une croissance qui reste élevée.
Mais il sera aussi dans le rôle de ses concurrents de se montrer comptables du bilan précédent de Trump, en disant que ce n’est pas seulement la politique économique de Trump qui a contribué qui a contribué au redressement économique des États-Unis, il y a aussi un ensemble de mesures qui avaient été prises avant. Les six années qui précèdent le mandat de Trump ont été également des années de croissance et de réduction du chômage, il ne faut pas l’oublier."
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Trump a-t-il relancé l'économie américaine ?
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