Depuis 13 ans, deux tableaux d'Emil Nolde trônaient dans le bureau d'Angela Merkel... mais la chancelière vient de les décrocher. La raison ? Nolde était un nazi convaincu. Son histoire est pourtant plus compliquée qu'il n'y paraît.
C’est l’histoire d’un tableau qui était accroché dans le bureau d’Angela Merkel depuis des années, avant d’en être retiré précipitamment il y a quelques semaines. La raison ? Emil Nolde, le peintre, était un nazi convaincu, adoubé par Goebbels avant de tomber en disgrâce et d’être considéré comme un artiste “dégénéré” par les nazis.
Emil Hansen naît en 1867 dans une ferme à Nolde, une commune aujourd’hui rattachée au Danemark.
Très influencé par van Gogh et Gauguin, il peint ses premières toiles dans les années 1890. Il est très attaché à sa campagne du Nord de l’Allemagne et prend le nom de son village natal, Nolde. Il peint les paysages côtiers, les petits villages, les bosquets fleuris.
Son style chatoyant est une véritable “tempête de couleurs”. Il préfigure l'expressionnisme allemand.
Le peintre acquiert une certaine notoriété au fil du temps, mais ne s’intègre pas au Berlin artistique et mondain des années 1910. Il fustige les artistes avant-gardistes trop francophiles et ouverts aux influences extérieures selon lui. Lui défend un “art allemand”. Avec l’arrivée au pouvoir des nazis, il adhère au parti national-socialiste en 1934. Ses peintures sont particulièrement appréciées par Goebbels. Il a pour ambition de devenir l’un des artistes officiels du régime.
Un artiste considéré comme "décadent"
Mais malgré son soutien au régime nazi, ses tableaux ne plaisent pas à Hitler : le style expressionniste flamboyant et tourmenté de Nolde ne correspond pas aux canons esthétiques du IIIe Reich.
Au contraire, le régime promeut “l'art héroïque”, une peinture néoclassique, académique et lisse qui symbolise l’art germanique pur. Emil Nolde est classé comme “artiste dégénéré”, une humiliation qu’il vit très mal et un comble pour celui qui défendait un art allemand racialement pur.
Ses tableaux sont exposés à l’Entartete Kunst à Munich en 1937, une exposition de propagande visant à montrer aux visiteurs la perversion de l’art contemporain. Dans cette exposition figurent aussi des toiles d’Otto Dix, Marc Chagall ou encore Picasso.
Il est ensuite exclu de l'Académie des arts et interdit de peindre en 1941. Il continue pourtant, en cachette : entre 1938 et 1945, il réalise clandestinement 1 300 aquarelles qu’il nommera “images non-peintes”. Il est réhabilité après la guerre, considéré comme un artiste martyr. Il meurt en 1956, à 88 ans.
Dans une lettre qu’il adresse à Goebbels en 1938, il écrit :
“Au début du mouvement national-socialiste, j’étais presque l’un des seuls artistes à entrer en lutte ouverte contre l’envahissement de l’art allemand par des éléments étrangers… Mon art est un art allemand vigoureux et ardent.”